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Lassané Traoré : "Nous risquons de perdre le fleuve Mouhoun"

Publié le mardi 24 mai 2005 à 07h00min

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Cette année les journées mondiales de l’environnement et de la lutte contre la désertification seront célébrées respectivement les 5 et 17 juin autour des thèmes "Des villes vertes, un plan d’action pour la planète" et "Femmes et désertification".

En prélude à ces journées, nous avons rencontré Lassané Traoré, directeur régional de l’Environnement et du cadre de vie de la Boucle du Mouhoun, dresse l’état des lieux des ressources fauniques et végétales de la région et parle des préparatifs de la quinzaine de l’environnement.

"Le Pays" : Quelle la situation actuelle des ressources fauniques et floristiques ?

Lassané Traoré : La faune existe. Mais les effets du braconnage dans nombres de nos formations végétales sont énormes ; il y a aussi l’effet anthropique sur les forêts qui diminue l’habitat de la faune. Dans notre région, il y a des problèmes récurrents : des dégâts d’éléphants dans les provinces des Balé et du Mouhoun. Les couloirs de transhumance des éléphants sont souvent occupés par les agriculteurs et cela crée souvent des difficultés. Nous sommes en train de voir comment nous pouvons sécuriser les couloirs et en même temps sécuriser la production alimentaire. Il y a également le problème des hippopotames dans la vallée où nous rencontrons souvent quelques difficultés. De temps en temps, il y a des dégâts sur les cultures et souvent des victimes, parce que l’habitat de cette faune est détruit. Une réflexion doit être menée pour voir comment il faut la reconstruire. Déjà au niveau de la région, nous avons organisé un atelier qui s’est penché sur l’état de la faune.

Nous sommes en train de formuler un document de base qui permettra de prendre en compte de nombreuses préoccupations. En matière de ressources végétales, la région, est soumise à une forte dégradation due à l’avancée du front agricole, aux effets récurrents de la sécheresse et des feux de brousse qu’on rencontre dans la région. Cela diminue le potentiel productif au niveau de ces formations. L’organisation et la sensibilisation des communautés rurales doit encore se poursuivre. Certes, tous les acteurs de l’Agriculture, des ressources animales et de la société civile sont engagés. Mais, il faut toujours poursuivre cette action parce que notre région est fortement sous l’effet de la dégradation.

Quelles sont les activités que mène votre structure pour permettre aux populations de vivre dans un environnement sain ?

D’abord dans le domaine de la gestion des ressources naturelles, il y a tout un programme qui s’exécute autour de la gestion des feux de brousse. Nous avons réussi à mettre sur l’ensemble de la région près de 130 comités de gestion des feux.

Notre région dispose de 13 forêts classées, parmi lesquelles 6 disposent déjà d’un plan d’aménagement. Il reste à les adopter au niveau régional et chercher d’autres ressources financières pour leur la mise en oeuvre. Dans ces forêts, il y a des mesures qui sont prises, c’est-à-dire la sensibilisation mise en place des groupements de gestion forestière pour l’exploitation du bois et aussi la formation en apiculture. Dans le domaine de la faune, nous menons une série de contrôles, de surveillances au niveau des airs à vocation faunique et aussi, nous avons pu faire dans l’une des concessions, l’inventaire de la faune pour faire dans l’état des lieux et se donner une idée. Dans le cadre de la gestion de l’environnement, il y a également la protection des écosystèmes.

Nous avons une région qui est traversée par le fleuve Mouhoun dont les berges sont, aujourd’hui fortement dégradées par l’effet de l’homme pour l’agriculture et autres qui ne respectent pas sur l’ensemble de ces berges la bande de servitudes prévue.

Cependant, il faut reconnaître que c’est un travail de longue haleine et que tout le monde doit s’impliquer au risque de perdre notre fleuve Mouhoun par l’ensablement et l’érosion forte qu’on constate aujourd’hui. En matière d’amélioration du cadre de vie, la direction régionale essaye d’améliorer son cadre par des embelissements à base de plantes ornementales et aussi par un changement de comportement à longue haleine. Il faut des animations pour faire comprendre aux citoyens que la production des déchets constitue un danger pour leur propre santé. Dans certaines provinces, nous avons des associations qui interviennent fortement dans le cadre de la salubrité.

C’est le cas de l’association féminine de Solenzo. Il y a également une association à Dédougou qui agit dans ce sens. Nous travaillons aussi dans l’encadrement intensif. Chaque agent doit encadrer une ou deux écoles pour essayer de mettre en place une série d’éducation environnementale, d’amélioration du cadre de vie. C’est ce que nous faisons à petite échelle avec nos moyens de bord.

On constate souvent que Dédougou a une température de pointe. Quelle interprétation faites-vous et quels peuvent être les indicateurs de cette situation ?

La météo pourra mieux nous éclairer. Mais il faut reconnaître qu’il y a le réchauffement de la terre. Nous pensons que l’effet de ce réchauffement influence aussi au niveau de la température parce que nous avons des températures de plus en plus chaudes. Il y a une déforestation très poussée. La barrière végétale constitue un frein qui permet de créer un microclimat. Donc si cette barrière n’existe plus, il va de soi qu’il y ait des effets. Nous avons intérêt à conserver le peu que nous avons pour qu’on n’ait pas encore à sentir des effets très forts de la sécheresse.

Quelles sont les réformes que vous avez apportées depuis votre arrivée à la tête de cette Direction régionale ?

Il n’y a pas de réforme spécifique . Je ne fais qu’appliquer la politique nationale en matière d’environnement et d’amélioration du cadre de vie. L’impulsion que nous avons certainement donnée, c’est avec l’ensemble de tous les acteurs et de l’administration. Nous avons essayé de travailler en équipe sur un certain nombre de priorités que nous nous sommes fixées, notamment l’amélioration du cadre de vie. C’est là que nous avons pensé qu’il est nécessaire de faire un encadrement intensif au niveau de certaines écoles. Aussi en matière de gestion forestière, nous avons également contribué à dynamiser les comités de gestion des feux pour qu’ils soient plus opérationnels, en les mettant sur une échelle d’écolabel. Cela signifie qu’il faut créer des activités rémunératrices qui puissent les aider à avoir des revenus.

Votre équipe est de plus en plus présente sur le terrain en militaire. Cette situation rencontre-t-elle l’assentiment de tous ?

Vous savez que nous sommes un corps para- miliaire. Si on prend l’action de lutte anti-braconnage et autres, vous conviendrez avec moi que vous ne pouvez pas aller lutter contre les braconniers en civil et sans arme. En plus, nous avons la responsabilité de la protection des institutions républicaines et notre institution commence par nous mêmes. Nous n’avons pas d’argent pour payer le personnel de soutien, donc ce sont nos hommes qui assurent la garde et qui entretiennent les plants. Avec eux, nous avons trouvé un consensus. Je pense que c’est une prise de conscience de nos missions régaliennes.

Vous avez institué au niveau régional un concours du meilleur service départemental de l’environnement et du cadre de vie. A quoi répond cette nouvelle disposition ?

C’est simplement un système du suivi-évaluation de la direction régionale qui se donne un certain nombre de moyens à travers des critères pour apprécier le travail fait au niveau des différents postes. C’est une manière pour nous aussi d’évaluer les directions provinciales. C’est une façon de stimuler les agents.

Cette année, le monde entier commémore les journées mondiales de l’environnement et de la lutte contre la désertification. Quel est l’état des préparatifs de cette quinzaine dans votre région ?

Les thèmes nous interpellent tous parce que beaucoup de citoyens se trouvent actuellement dans les villes, et les villes sont de grands consommateurs et produisent beaucoup de déchets. Je crois que c’est une manière d’interpeller la conscience internationale sur l’importance des villes et aussi de créer des conditions idéales pour la vie des citoyens des villes. La femme est la première victime en matière de ressources forestières d’éveiller les consciences pour une prise en compte de cette frange de la population, qui est fragilisée lorsque les écosystèmes sont détruits.

Au niveau régional, l’administration s’investit pleinement dans l’organisation sous le contrôle du gouverneur. Il a été organisé une journée d’information à l’intention de l’ensemble des acteurs de la société civile pour réfléchir sur la manière dont elle peut contribuer à l’organisation de cette journée. Une rencontre de restitution est prévue pour le 25 mai, à l’issue de laquelle un programme sera établi. Je peux vous rassurer qu’au cours de cette quinzaine de l’environnement, une série de conférences suivies de reboisement sera au programme.

Propos recueillis par Serge COULIBALY
Sidwaya

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