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Communauté musulmane du Zondoma : bagarre pour le choix d’un imam

Publié le lundi 23 mai 2005 à 06h44min

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Après le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), c’est au tour de la Communauté musulmane du Zondoma d’être en proie à une tourmente déclenchée par le choix d’un nouvel imam. Pour prévenir un éventuel affrontement entre les fidèles à l’occasion de la prière du vendredi 20 mai 2005, la gendarmerie a effectué une descente à la grande mosquée de Gourcy (chef-lieu de la province). Celle-ci a été fermée jusqu’à nouvel ordre.

Encore le Zondoma ! serait-on tenté de lâcher. A peine vingt jours après les affrontements armés entre militants du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) de cette province, les habitants de Gourcy découvrent avec effroi qu’un autre drame est en passe de s’abattre sur la ville. En effet, la querelle de succession, suite au décès début avril 2005 de l’imam central, Moumouni Mandé, divise aujourd’hui la communauté musulmane du Zondoma.

Pour prévenir tout risque d’explosion, les gendarmeries de Gourcy et de Ouahigouya ont pris d’assaut, ce vendredi 20 mai aux environs de 10 heures, la grande mosquée de Gourcy. Tous les occupants (des Mandé) ont été dispersés. Et le lieu de culte a été fermé, sur ordre des autorités communales, jusqu’à nouvel ordre.

A l’origine de cette querelle religieuse se trouve la succession du défunt imam, Moumouni Mandé. Pour la grande famille Mandé (d’ethnie yarga), l’imam de Gourcy doit être choisi, comme à l’accoutumée, dans le lignage des Mandé, pionniers de l’islam dans le Yatenga. C’est pourquoi, ils traitent le détenteur actuel du titre, El Hadj Ousseini Ouédraogo, d’usurpateur et d’imposteur devant Allah.

Dans leur village de Mandéyargo (à 5 km de Gourcy) où ils nous ont reçu, les descendants du défunt imam, regroupés autour du buudkasma (le doyen de la famille), Masmoudou Mandé, hurlent à la conspiration : "Lorsque l’ancien imam était malade, il a désigné El Hadj Ousseini Ouédraogo pour diriger uniquement les prières du vendredi", explique Salif Mandé avant de poursuivre : "Sentant venir sa mort, ils nous a chargés d’aller remercier El Hadj Ousseini Ouédraogo et de l’inviter à remettre le bâton d’imam afin que l’on procède au choix d’un nouveau guide". "A notre grande surprise, renchérit Ousmane Mandé, vingt jours après le décès, El Hadj Ousseini Ouédraogo nous a fait savoir qu’il a été nommé imam par le bureau de la communauté musulmane du Zondoma..".

"Même s’ils vont nous tuer tous"

Malgré les multiples médiations des autorités locales, la réconciliation entre les deux camps est une lueur qui s’estompe chaque jour. "C’est vrai que c’est le Comité musulman de Gourcy qui a investi El Hadj Ousseini Ouédraogo, reconnaît Salif Mandé", avant d’objecter : "mais ledit Comité, qui est d’ailleurs sans reconnaissance officielle, n’est pas habilité à nommer un Imam. Au Burkina, cela est du ressort d’un collège d’érudits".

S’estimant donc victime d’une conspiration de la part du bureau de la communauté musulmane du Zondoma, les Mandé font chorus avec le buudkasma : "Même s’ils vont nous tuer tous, nous n’accepterons jamais que l’imam soit choisi hors de notre village". Bénéficiant, dit-on, du soutien de Naaba Kiiba, roi du Yatenga, les Mandé gardent l’espoir que justice leur sera rendue : "Le Naaba Kiiba a reconnu la légitimité de notre revendication et il a alors ordonné que le titre d’imam revienne à un Mandé", explique Masmoudou Mandé.

Du côté de l’imam contesté, il n’est pas question de revenir sur la décision du bureau du Comité, encore moins de remettre le titre à un Mandé : "Avant sa mort, le défunt imam a été informé de la volonté du bureau de me nommer comme son successeur", clame El Hadj Ousseini Ouédraogo. "Quand il est tombé gravement malade, poursuit-il, il m’a même demandé d’assurer l’intérim en présidant les prières du vendredi". Mais pourquoi le bureau du Comité n’a pas informé la structure nationale de sa décision ?

L’affaire est aussi ethnique

"La décision de la nomination a été verbale, donc il n’y a pas eu de procès verbal", se défend le SG du bureau du comité, Boukary Ouédraogo, avant d’ajouter : "Mais le Cheik de Ramatoulaye était au courant". Dénonçant les jeux d’amalgame auxquels s’adonnent les Mandé, l’imam contesté explique : "Les Mandé ont même fait un chantage au Naaba Kiiba en menaçant que si le titre d’imam ne leur revenait pas, ils ne s’occuperaient plus des rites traditionnels de la cour royale". Mais pour marquer sa détermination envers et contre tous, El Hadj Ouédraogo reste catégorique. "C’est une confiance placée en moi et je l’assumerai".

A cette bataille de leadership religieux se greffe un grave problème ethnique : "L’affaire n’est pas politique, mais c’est une affaire entre des Yarsé (Mandé) et des Mossi (Ouédraogo)", précise Salif Mandé. Réplique d’El Hadj Ousseini Ouédraogo : "Les Mandé ne veulent pas voir un mossi diriger la communauté musulmane du Zondoma. Mais nous n’allons pas céder aux caprices d’une seule famille".

Quoi qu’il en soit, il faut traiter ce problème avec le plus grand sérieux et la plus grande diligence, et aussi avec beaucoup de tact, si on ne veut pas que Gourcy explose. Passe encore quand il s’agit de chicanes politiques entre "analphabètes" et "illettrés" d’un même parti politique, mais quand vient se greffer à cela une donne ethno-religieuse, dont on connaît la délicatesse et le caractère inflammable, il y a lieu de ne pas jouer avec le feu.

Affaire donc à suivre...

Alain St. Robespierre

Observateur Paalga

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