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Mouhoun : les résultats du projet de Fonds de développement local

Publié le mardi 26 avril 2005 à 06h11min

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La phase expérimentale du Projet Fonds de développement local pour les provinces des Balé et du Mouhoun (PROBAMO) s’est étalée de janvier 2002 à décembre 2004 dans une vingtaine de villages des départements de Fara et de Bagassi. Les résultats obtenus ont intéressé ses bailleurs qui ont décidé de reconduire le projet en vue de renforcer les acquis de la phase-pilote par une approche coopérative.

Sidwaya s’est entretenu avec le coordonnateur de cette nouvelle phase du projet dénommé : Projet Fonds de développement local dans les Balé (PFDL/Balé). Dofi M’Bié Lamien explique les acquis, les insuffisances et les perspectives qui s’offrent aux bénéficiaires du projet.

S. : Monsieur le coordonnateur, présentez-nous le Projet Fonds de développement local pour les Balé et le Mouhoun.

Dofi M’Bié Lamien (DML) : C’est un projet dont la phase a duré de janvier 2002 à décembre 2004 ; donc c’est une phase qui vient de s’achever. Le projet avait pour zone d’intervention, deux départements de la province des Balé, à savoir les départements de Bagassi et de Fara. C’était une phase expérimentale que nous vouIions de boucler et apparemment, les résultats étaient à la hauteur des attentes des bailleurs. C’est ainsi qu’ils ont décidé de la reconduction de la phase suivante qui s’étale de janvier 2005 à décembre 2007.

S. : Quel bilan faites-vous de cette phase qui vient de prendre fin ?

D.M.L. : La première phase d’une durée de 3 ans, avait pour bailleur principal, la Coopération autrichienne pour 75% du budget et d’autres bailleurs tels que "Pain pour le monde" qui ont supporté les 25%. En termes de réalisations, nous pouvons dire que nous avons enregistré des acquis : à ce jour, nous pouvons entre autres, citer l’existence d’organes de gestion fonctionnels du Fonds de développement local à l’échelle du village que nous appelons les Organisations villageoises de développement et au niveau départemental, les Comités départementaux de gestion ; le fait que les populations soient à mesure d’élaborer par elles-mêmes leurs micro-projets est un acquis non négligeable. Pendant les 3 années écoulées, il a existé au niveau local, des capacités endogènes à même d’élaborer de façon autonome des micro-projets qu’ils soumettent pour financement. Pendant cette phase, nous avons mené également des activités de sensibilisation pour la prise en compte du genre. Ce qui est aussi important pour nous. Comme nous sommes dans un pays sahélien, on s’est rendu compte que parmi nos priorités, il y a la restauration des sols et la lutte préventive contre la désertification. A ce sujet, les populations ont adopté la technique de protection des sols par l’utilisation de la fumure organique.

S. : Qu’est-ce qui a été fait à ce sujet ?

D.M.L. : A titre d’exemple, nous avons prévu durant la phase, être en mesure de fertiliser au moins 200 hectares de sol, mais nous nous sommes rendus compte qu’à la fin de la phase, on était pour ceux qui ont bénéficié de l’appui direct du PROBAMO, à 753 hectares donc 3 fois et demi de plus que nos prévisions. Mieux, à travers cette vulgarisation, les producteurs par leurs moyens propres, ont réalisé d’autres fosses, soit avec l’appui d’autres personnes, soit avec leurs propres forces. Au titre du volet renforcement de l’équipement agricole, il y a, à ce jour, dans la zone où nous avons intervenu, 380 ménages environ qui ont bénéficié d’équipements constitués de charrues, de charrettes, de butteurs....

Compte tenu de la précarité de la pluviométrie, les paysans ont adopté les techniques des semences améliorées, adaptées au sol et à la pluviométrie pour améliorer leur rendement. Il y a aussi l’ouverture de centres d’alphabétisation dans les villages, de même que la construction d’une école à 6 classes à Assio qui sont des réalisations hors budget.

S. : Vous avez parlé de micro-projets qu’élaborent les bénéficiaires du PROBAMO. Quels sont les résultats obtenus ?

D.M.L. : Pour le département de Bagassi, nous avons enregistré un total de 466 dossiers de micro-projets qui ont été soumis et il y a eu 426 qui ont pu obtenir des financements. Dans le département de Fara, on était à 459 dossiers curieusement qui nous ont été adressés dont 417 dossiers financés.

En termes financiers, en investissement direct, ce sont 186 millions de FCFA qui ont été prévus et à la fin de la phase, nous sommes passés à 219 millions parce qu’il faut le relever, nous sommes allés puiser dans les frais de fonctionnement où il y avait un important reliquat pour financer certains projets qui étaient en attente.

Il faut souligner que tous les micro-projets n’ont pas été financés et comme nous savions qu’il y a une autre phase, nous les avons transférés pour voir comment les financer.

S. : Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez été confrontés dans la mise en œuvre du projet ?

D.M.L. : Ce que j’ai pu noter, ce sont les micro-projets à caractère communautaire où il y a eu une très faible demande. C’est dire que les gens s’intéressent plus aux demandes de micro-projets individuels ou commerciaux. Il y avait très peu de demandes à caractère communautaire, mais comme c’est le développement local, nous, nous ne pouvons rien proposer, nous ne pouvons que susciter mais pas décider de financer telle ou telle chose tant que la population elle-même ne nous le demande pas. Pourtant dans certains villages, il y a des besoins en infrastructures sociocommunautaires. C’est l’une de nos difficultés. Nous sommes souvent surpris de constater cela .

Ensuite les populations n’arrivent pas souvent à mobiliser à temps leur cofinancement. (Tout n’est pas subventionné à 100%) : le monde agricole étant lié le plus souvent au marché coton qui , s’il traîne un peu, l’activité prend un coup. Une fois que leurs dossiers sont agréés en session, il faut qu’ils apportent immédiatement leur contribution à la réalisation de leur micro-projet qui varient entre 5 et 20% et le PROBAMO supporte 80% à travers les bailleurs de fonds extérieurs. Il y a également le non-remboursement des crédits, car il y a des activités financées sous forme de crédit. Si on leur accorde le crédit, le remboursement ne se fait plus au sein du projet mais il y a un compte ouvert au niveau du département et le remboursement reste au département ; c’est une stratégie qui consiste pour nous à trouver une clé de répartition des financements pour les départements. Les plus dynamiques auront toujours le maximum. C’est cette façon qui est appliquée pour la nouvelle phase car nous envisageons de mettre en place des coopératives qui auront beaucoup d’activités économiques, de crédits à faire.

S. : Qu’est-ce qui a été fait au profit des femmes qui sont souvent marginalisées ?

D.M.L. : Nous avons identifié les femmes comme étant la frange la plus sensible pour les aider. Si vous prenez un micro-projet, il y a peut-être une partie subvention, une partie crédit et un apport personnel. C’est ce que nous appelons le code de financement, un document disponible dans chaque village qui leur permet de classifier les projets. Dès qu’ils montent un dossier de micro-projet, ils savent eux-mêmes quelle est leur contribution.. Dans l’élaboration de ce code, nous avons travaillé à ce que la contribution des femmes soit plus basse que celle des hommes : leur pouvoir d’achat étant souvent plus faible que celui des hommes. Il y a des activités spécialement destinées aux femmes, notamment le micro-crédit pour les petites activités génératrices de revenus auquel elles ont uniquement accès. En ce sens, nous avons ouvert des caisses villageoises à l’image des tontines traditionnelles qui permettent aux femmes de se regrouper à 20, 30 femmes pour bénéficier des crédits en groupe et remboursables au bout de 6 mois. Il y a 15 et 16 caisses villageoises respectivement à Fara et à Bagassi.

S. : Quelle est la nouvelle vision du PROBAMO ?

D.M.L. : La première phase était expérimentale. Ce qui fait qu’on avait une zone limitée, soit 10 villages dans chacun des deux départements. La phase suivante a un budget légèrement revu à la hausse. Nous avons voulu étendre l’intervention à d’autres départements, mais le bailleur préfère qu’on renforce ce que l’on a déjà fait. On reste donc dans les mêmes départements et on passe de 10 à 15 villages dans chaque département.. Ce sont les mêmes activités qui vont continuer, mais après évaluation, nous estimons qu’en utilisant l’approche coopérative, cela peut beaucoup intéresser les populations.

Comme je l’ai dit plus haut, les gens sont plus intéressés aux activités individuelles et commerciales, donc un des outils dont nous avons pensé qu’il peut être intéressant pour satisfaire les besoins, c’est l’approche coopérative. Cette approche devra permettre par exemple, aux producteurs d’avoir les intrants agricoles pour produire. Une fois qu’il y a un surplus, cette coopérative a assez de ressources pour racheter le surplus de la production. Il n’y a pas de champs communs mais c’est un organe de régulation qui peut permettre aux populations d’avoir les intrants, les équipements et racheter le surplus après pour trouver éventuellement un marché plus intéressant. Pour les responsabiliser, nous allons ouvrir des guichets à l’image des caisses villageoises qui leur appartiennent. Les caisses recrutées en leur sein vont gérer les ressources. La subvention du projet va être déversée dans ces guichets, les dossiers agréés passent par la coopérative. Ils peuvent alors passer par ces guichets pour avoir les ressources nécessaires. C’est dire que le PROBAMO va se désengager un peu de la gestion financière des micro-projets. Les bailleurs ont légèrement changé. Avec l’expérimentation, les résultats atteints ont plu aux bailleurs, notamment la Coopération autrichienne. Elle a décidé que si les partenaires de base sont en mesure de mobiliser 15% du budget souhaité, elle supporte les 85% automatiquement. Cela fait que nous avons deux bailleurs essentiellement : il y a les partenaires de base qui avec les subventions que nous faisions et les apports personnels qu’ils mobilisaient étaient stockés dans un compte. Cela fait que chaque département a au maximum 30 à 40 millions comme ressources propres. Ils utilisent cette somme comme leur apport et la Coopération autrichienne les 85% restants.

S. : Quel est votre mot de la fin ?

D.M.L. : Le gouvernement a adopté l’autodétermination et la décentralisation prise comme un outil pour permettre aux populations de participer à la gestion de la chose publique. La démarche que nous sommes en train d’expérimenter est que nous prenons le processus un peu à l’inverse : on va du gouvernement de la région en descendant vers les populations ; nous, nous sommes allés de la population pour remonter ; c’est-à-dire que directement, on met à la disposition de ces personnes, des ressources pour voir comment elles peuvent décider d’elles-mêmes de prioriser leurs activités et voir ce qu’il faut financer. Je demande alors à ces populations de saisir cette chance en bénéficiant de ces acquis.

Entretien réalisé par Rasmané ZONGO (rasmane_zongo@yahoo.fr)
AIB/Boromo

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