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Moulaye saba : "Nous attendons la police de proximité sur le terrain"

Publié le mercredi 20 avril 2005 à 09h25min

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Le samedi 16 avril 2005, à la Maison des jeunes et de la culture de Ouahigouya (MJCO), Moulaye Saba, président des sections provinciales du Yatenga du MBDHP et du Collectif des organisations des masses et de partis politiques, a animé une conférence sur la mondialisation.

A travers cette interview, Moulaye Saba revient sur le contenu de cette conférence. Avec lui, nous abordons également d’autres sujets dont la situation des droits de l’Homme au Yatenga, les prochaines élections et la police de proximité.

"Le Pays" : Pouvez-vous nous présenter succintement le contenu de la conférence sur la mondialisation que vous venez d’animer ?

Il s’est agi avec les jeunes d’abord de nous entendre sur la définition de ce phénomène de la mondialisation, de mesurer également les effets que nous subissons au niveau du Burkina Faso de cette mondialisation qui a eu cours à partir des années 80 et qui s’est ensuite étendue à l’échelle planétaire.

Il fallait donc mesurer ces effets qui sont pour la plupart pervers pour les jeunes et voir quelle réaction cela peut susciter par rapport à une autre façon aussi de juguler ces effets pervers, faire en sorte que les jeunes puissent s’interroger sur leur devenir dans ce monde mondialisé qu’ils puissent savoir aussi qu’il existe des alternatives pour se sortir de cette situation difficile pour nous les populations du Sud. Au vu de l’assistance et de l’intérêt que cela a suscité nous pensons avoir atteint notre objectif qui était de donner la parole aux jeunes afin qu’ils puissent se positionner vis-à-vis de cette mondialisation.

Vous avez tantôt évoqué des effets pervers de la mondialisation. Pouvez-vous être plus explicite et quelles propositions en faites-vous ?

Dans un premier temps, nous les Africains nous connaissons cette mondialisation à travers les programmes d’ajustement structurel (PAS) et cela rime avec les compressions, les licenciements, le désengagement de l’Etat des secteurs sociaux vitaux (l’éducation, la santé, le transport, le logement...) et églaement les problèmes récurrents par rapport à la vie chère que nous connaissons.

Il y a aussi l’irrespect des textes par les multinationales par rapport aux droits des travailleurs. Ce sont ces effets-là conjugués à la situation de non développement de nos Etats que nous observons depuis les indépendances qui sont les effets les plus perceptibles à l’échelle africaine et à l’échelle de nos nations comme le Burkina Faso. Bien sûr les alternatives existent.

Il faut faire en sorte que, même si la situation du fait que nous sommes dans un monde de néolibéralisme le commande, on puisse tendre vers un aspect social de ce néolibéralisme ; faire en sorte que les multinationales soient plus regardantes sur les droits des populations. En Afrique par exemple, nous parlons de droit de développement, de droits des peuples.

Il faudrait alors qu’à travers cette mondialisation l’Afrique aussi ait son mot à dire et que les populations organisées à la base, dans leurs associations, dans leurs mouvements de défense des droits humains, puissent également apporter tout leur poids pour contrecarrer les mesures uniques que les grandes institutions financières internationales nous imposent à travers nos dirigeants locaux. Il faut lutter à l’échelle nationale, à l’échelle régionale africaine et internationale pour que les uns et les autres sachent aussi qu’il existe un autre monde, un monde qu’on peut façonner dans le domaine social.

Au cours de votre exposé, vous avez entre autres évoqué le cas des OGM. Pouvez-vous nous établir le lien entre les OGM et la mondialisation ?

Les OGM sont des productions de ces multinationales, praticulièrement pharmaceutiques ou agricoles qui essayent de s’implanter par le biais des barrières qui n’existent plus et par le fait que l’agriculture traditionnelle se trouve en voie de difficulté avec le problème des pesticides, des instrants qui coûtent excessivement cher.

On s’est alors dit que dans la lancée de produire suffisamment pour les populations dont la croissance est tout de même vertigineuse dans nos Etats, l’alternative donc serait les OGM. Et nous nous disons que, les OGM, on peut ; si c’est les biotechnologies d’accord, mais avec beaucoup plus de précautions parce que nous n’avons pas encore mesuré leurs effets sur l’organisme humain et sur l’environnement.

Alors que le concept de développement humain durable voudrait que l’on soit assez regardant sur l’environnement afin de préserver les générations futures. Dans ce sens, nous disons qu’il faut faire très attention.
Dans ce contexte de mondialisation, les firmes, les multinationales qui sont les producteurs des OGM trouvent un terrain favorable pour s’implanter dans nos pays et recoloniser également dans le domaine agricole tous nos Etats.

En tant que président des sections provinciales du MBDHP et du Collectif, qu’attendez-vous des prochaines élections dans notre pays ?

Depuis la création du MBDHP nous disions qu’il faut travailler à une société démocratique dans ce pays. Il y a des indicateurs qui nous permettent de voir que la démocratie n’est pas réelle, elle n’est pas ancrée au sein des populations. Et notre travail quotidien est que nous puissions apporter notre contribution à l’élargissement de la culture démocratique dans toutes nos campagnes. Que les uns et les autres comprennent le sens de la démocratie et puissent vivre cela au quotidien.

Quant aux élections qui viennent, nous en prenons acte mais nous tirons toujours la sonnette d’alarme. Il faut qu’elles soient justes, transparentes, honnêtes et équitables. Parce que ce que nous avons connu par le passé en tant qu’observateur de ces élections, nous laisse un peu dubitatif. Nous avons eu à faire des recommandations, même à la CENI et elles n’ont pas été prises en compte. Voilà pourquoi nous ne sommes pas partie prenante dans l’organisation des élections à travers les démembrements de la CENI, mais nous seront des observateurs pour dire aussi notre mot par rapport à l’organisation de ces élections.

Quant au Collectif, le Collectif est une structure ponctuelle qui a été créée pour un problème bien déterminé, qui se bat sur le terrain et le Collectif demande également à ce que la situation institutionnelle, la situation politique, la situation démocratique de ce pays soit assainie. Sans cet assainissement il n’y aura pas de démocratie véritable ni de progrès social. Bien sûr le Collectif ne peut pas appeler les partis politiques à se présenter ou à ne pas se présenter ni inviter les populations à aller voter ou à ne pas voter.

Mais ce que nous savons c’est que nous luttons contre l’impunité au sein du Collectif et nous pensons que les uns et les autres sont sensibles à cela ; notre action a porté et les populations aussi comprennent de plus en plus que quand il y a un système qui est basé sur l’impunité et la corruption, il faut donc des réponses appropriées à cela. Maintenant nous ne sommes pas un parti politique ni au niveau du MBDHP ni au niveau du Collectif alors nous pensons que c’est aux partis politiques de voir comment ils peuvent s’en sortir à ces échéances électorales.

Vous avez tantôt parlé de certaines recommandations que vous auriez faites à la CENI. Peut-on savoir de quoi il s’agit ?

Il suffit de se référer aux différents rapports du MBDHP, notamment le rapport 96-2002 et aux différentes observations qui sont contenues dans les textes que nous produisons à chaque étape de l’observation des élections. Nous disons dans un premier temps que même pour les listes électorales il faut quand même identifier les électeurs si on permet à des gens de s’inscrire avec des actes de naissance, des jugements supplétifs, des cartes de familles, etc. C’est donc un risque que l’on court pour qu’il y ait de multiples inscriptions. Ensuite nous avons dit qu’il faut informatiser le fichier électoral, la CENI s’est investie à cela, mais sur la base de quelle liste ? Voilà le problème aussi.

Est-ce que c’est assaini véritablement quand on sait qu’à un certain moment même le parti majoritaire avait crié à la fraude au niveau des inscriptions et rien ne sert d’organiser les élections lorsqu’on sait que les uns et les autres peuvent manipuler les résultats d’une manière ou d’une autre soit dans les bureaux de vote ou après. Là-dessus, nous pouvons dire que nos observations nous ont quand même donné un certain nombre d’expériences. Malheureusement comme on ne prend pas en compte nos recommandations nous nous sommes retirés de l’organisations des élections pour être rien que des observateurs.

Sinon que d’une manière générale nous nous invitons les uns et les autres à compétir dans le sens de la loyauté, de l’équité, etc. Mais nous pensons que dans nos pays-là, il y a beaucoup de chose à faire. Il ne faudrait pas que par la suite les irrégularités qui entachent les élections soient un tremplin pour certains pour faire ceci ou cela de même que pour l’opposition pour contester ceci ou cela. Lorsque les élections sont justes, cela permet d’atténuer les fractures sociales et de mettre chaque citoyen devant ses responsabilités.

Monsieur le président, nous savons que la section MBDHP a fait sa rencontre-bilan il n’y a pas longtemps. Selon vous, la situation des droits de l’Homme s’est-elle améliorée ici au Yatenga ?

Il ne faut pas dissocier cette situation de l’état général au niveau du Burkina Faso. Les femmes sont encore dans un état très difficile n’en parlons pas des droits de l’enfant, au niveau économique, au niveau social, au niveau culturel les droits continuent d’être bafoués ; au civil également il y a un déficit. Par contre certains éléments comme les disparitions ont quand même diminué et les prisonniers d’opinion également, ça n’existe plus.

Toutefois, il y a tout de même des problèmes ; des exécutions extra-judiciaires, il y a l’inertie de la justice pour certains dossiers qui sont autant de problèmes préoccupants pour un mouvement qui défend les droits de l’Homme sur le terrain. Il y a donc eu amélioration, mais la situation demeure toujours préoccupante.

Monsieur le président, que pensez-vous de la police de proximité que le gouvernement est en train d’instaurer au dispositif sécuritaire ?

La police de proximité ça a été la trouvaille du pouvoir de la quatrième République face à ce problème d’insécurité généralisé. Nous en prenons acte et nous allons voir l’effectivité sur le terrain, mais nous ne pouvons que tirer la sonnette d’alarme face aux agissements de certains qui se croient investis d’un certain pouvoir pour réguler le problème de la sécurité, de la justice à leur manière.

Nous avons en triste mémoire les actions des milices ici qui se sont levées par le fait de certains éléments politiques. Nous avons l’amère expérience aussi des groupes organisés, des brigades de vigilance au moment du Front populaire qui donnaient libre cours à leurs préoccupations individuelles.

C’est pour cela que nous attendons de voir cette police de proximité-là sur le terrain et surtout nous rappelons aux populations qu’elles doivent être vigilantes. Aussi, les missions dévolues à l’Etat c’est d’assurer la sécurité des populations en mettant plus de moyens à la disposition des groupes traditionnellement chargés de la sécurité à savoir la police et la gendarmerie. Nous, nous pensons qu’avec des moyens conséquents la police et la gendarmerie à elles seules peuvent assurer la sécurité des personnes dans ce pays.

C’est pour cela, nous appelons chaque fois les autorités à faire face à leurs engagements. Surtout quand dans les localités vous faites appel à la police ou la gendarmerie et qu’elle dise qu’elle n’a pas d’essence pour venir porter secours, voyez à peu près, cette police de proximité va servir à quoi alors ?

Propos recueillis par Lassina SANOU
Le Pays

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