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« Kaborévolution » ou « continuité dans le changement » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (4)

Publié le vendredi 4 décembre 2015 à 22h49min

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 « Kaborévolution » ou « continuité dans le changement » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (4)

Le 4 mars 2012, à l’issue du Vè congrès ordinaire du CDP, Roch Marc Christian Kaboré ayant abandonné toutes ses responsabilités au sein du parti présidentiel, c’est Assimi Kouanda (cf. LDD Burkina Faso 0298/Mardi 6 mars 2012) qui le remplacera. Moins de deux ans plus tard, Roch Kaboré annoncera, le dimanche 5 janvier 2014, sa démission et celle de ses amis. Dont Salif Diallo, qui en avait été le premier vice-président en charge de l’orientation politique, et Simon Compaoré qui en était le deuxième vice-président.

Ce trio de « leaders » était accompagné de plusieurs dizaines de « démissionnaires » dont certains étaient des personnalités incontournables de l’histoire politique du pays : Jean-Marc Palm, Basile Guissou, Mathias Somé… Les signataires de la lettre de démission mettaient directement en cause le secrétaire exécutif national du CDP, en l’occurrence Kouanda. « Vous êtes parvenu, en si peu de temps, à vider cette plateforme fondatrice de son contenu initial et à liquider les nombreux acquis chèrement conquis ». Mais les auteurs de la lettre ne manquaient pas de souligner également : « Nous sommes en train d’assister à des tentatives d’imposer la mise en place du Sénat aux forceps et à des velléités de réviser la Constitution dans le but de sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels dans un contexte où le peuple est profondément divisé ».

Les « démissionnaires » se positionnaient donc, strictement, sur la ligne politique de l’opposition : ni Sénat ni révision. De quoi réjouir leurs leaders. « Tout ce qui peut affaiblir le CDP est bon à prendre » (Zéphirin Diabré – UPC). « Nous applaudissons vivement à tout rompre » (Ablassé Ouédraogo – Le Faso autrement). « On se rejoint » (Bénéwendé Stanislas Sankara – UNIR/PS). « Quand des rats sautent d’un bateau, c’est que le naufrage est imminent » (Tahirou Barry, PAREN)… Restait à savoir quel jeu voulaient jouer les ex-CDP qui n’avaient présenté aucun programme d’action. D’autant que la sincérité de leur comportement était mise à rude épreuve : on pouvait se poser des questions quand ils dénonçaient un « clientélisme » politico-social qui, pourtant, les avait fait ce qu’ils étaient depuis plus de vingt ans !

En 2012, Roch Kaboré avait cessé d’être un homme lige du « compaorisme ». Deux ans plus tard, il cessera d’être un homme seul : il était rejoint par Salif Diallo (que l’on avait présenté, un temps, comme un futur candidat à la présidence du Faso) et Simon Compaoré, ancien maire de Ouaga, deux grosses pointures du régime désormais honni. Restait à savoir quelles étaient les ambitions des trois hommes et de leur équipe ; et si leur union contre le CDP et le régime pourrait déboucher sur une union pour quelque chose de clair, net et précis. Au lendemain de sa démission, Roch Kaboré n’était pas très explicite quant à la ligne à suivre (cf. son entretien avec Christophe Boisbouvier, de RFI, LDD Burkina Faso 0532/Mardi 1er décembre 2015). Seule certitude, le départ n’était pas un coup de tête mais un acte réfléchi et organisé.

Dès le samedi 25 janvier 2014, se tiendra l’assemblée générale constitutive du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Un BP de 117 membres (les participants à l’assemblée) et un Bureau exécutif national de 43 membres. Roch Kaboré est président ; Salif Diallo, 1er vice-président (orientation politique) ; Simon Compaoré, 2è vice-président (relations extérieures) ; Jean-Marc Palm, 3è vice-président (relations avec les partis politiques et alliances au niveau national) ; Adoua Maria Goretti Dicko-Agaloué, 4è vice-président (Burkinabè de l’étranger).

Le MPP va se positionner comme un parti qui s’oppose au CDP bien plus que comme d’opposition stricto sensu. D’où « la part de responsabilité individuelle et collective » reconnue par « Le Rocco » et ses frères dans les « dérives et insuffisances » du CDP. Un CDP dont il dira qu’il « traverse une crise profonde qui fait balancer dangereusement notre destin commun entre deux lignes opposées : celle de l’approfondissement de la démocratie et donc de la consolidation du progrès socio-économique partagé et du renforcement de la cohésion nationale, contre celle de la patrimonialisation du pouvoir, porteuse de recul démocratique, de la paupérisation croissante du plus grand nombre et de repli identitaire et communautaristes ».

Roch Kaboré dénoncera les « velléités d’instauration de pouvoirs personnels, fondés essentiellement sur des passe-droits » d’une « élite politique arcboutée sur ses intérêts opportunistes » et disposée à « accompagner toutes les dérives préjudiciables à la nation ». Deux ans après avoir quitté la présidence du CDP, Roch Kaboré osera en dénoncer « les méthodes aventuristes et anti-démocratiques de gestion », « la mal gouvernance à tous les niveaux » et « la volonté de verrouillage de notre démocratie ».

Avant de s’adresser aux Burkinabè, le premier message de Roch Kaboré, président du MPP, était donc destiné à ses anciens « camarades » du CDP. Afin de leur dire « qu’un chat est un chat » et que « ni les injures, ni les intimidations et calomnies à l’encontre des démissionnaires ne sauront les en empêcher ».

Pour le reste, le MPP se présentait comme « un parti social démocrate » dont « l’ambition est de constituer un cadre large de rassemblement de tous les démocrates, tous les patriotes, tous les progressistes quelle que soit leur origine sociale ou leur appartenance politique ». Curieuse formulation : voilà un parti ramasse-tout qui affirme ne pas tenir compte de « l’appartenance politique » de ses membres. C’est qu’il veut « être une plateforme consensuelle de combat pour affranchir notre peuple de toutes les dérives qui menacent la démocratie, la cohésion sociale, la paix, la stabilité et l’Etat de droit au Burkina Faso ».

Nouveau venu sur la scène politique, le MPP rendra hommage à l’opposition, sinon historique tout au moins largement antérieure, « saluant l’action du chef de file de l’opposition politique [Zéphirin Diabré] et des partis membres ainsi que celle des organisations de la société civile pour leur engagement aux côtés du peuple burkinabè ». Le MPP affirmera, alors, se battre aux côtés de ces acteurs « pour préserver la paix et les acquis démocratiques ».

Samedi 1er mars 2014. Premier meeting du MPP à Bobo. Issa Dominique Konaté, coordonnateur régional (et secrétaire chargé de la prospective du MPP ; autrefois figure majeure du « Front populaire »), dira aux leaders du parti : « Vous avez allumé une flamme, celle de l’espoir pour le peuple du Pays des hommes intègres ». Pas faux, mais difficile d’imaginer alors que, vingt-et-un mois plus tard, Roch Kaboré serait élu, au premier tour, président du Faso, tandis que le MPP deviendrait le premier parti du pays*. Issa K. Barry, dans L’Observateur Paalga (lundi 3 mars 2014), prédisait d’ailleurs que « la route sera longue » jusqu’à Kosyam pour ceux « qui devront également accepter de subir ce qu’ils ont fait vivre à d’autres quand ils étaient aux affaires […] Et si le peuple burkinabè est prêt à les absoudre, malgré les avanies passées, c’est tant mieux pour eux. Ils savent plus que quiconque qu’aucun cadeau ne leur sera fait, d’autant qu’aux yeux du camp d’en face, l’opposant Zéphirin Diabré qui, certes, peut bien donner des insomnies, est devenu presque un enfant de chœur pour le CDP, comparativement aux trois mousquetaires du MPP qui ont eu l’outrecuidance de claquer la porte du parti présidentiel ».

Huit mois avant les événements des 30-31 octobre 2014, qui pouvait penser qu’à un an de la présidentielle 2015 le CDP serait disqualifié par une « insurrection populaire », laissant ainsi le champ libre au MPP désormais auréolé d’être pleinement de l’opposition ; certes opposant de la dernière heure, mais ayant porté un coup mortel au CDP début 2014.

* Le MPP dispose de 55 des 127 sièges de députés élus (résultats encore provisoires) à la suite des législatives du 29 novembre 2015, devançant l’UPC (33 députés) et le… CDP (18 députés). Les onze autres partis représentés à l’Assemblée nationale obtiennent chacun 5 ou moins de 5 sièges de député.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 4 décembre 2015 à 23:47, par Sidzabda En réponse à : « Kaborévolution » ou « continuité dans le changement » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (4)

    voilà un journaliste : il ne construit rien de lui-même. lisez bien son texte ; c’est constitué de guillemets pour dire que rien ne vient de lui. alors SVP si vous ne pouvez rien produire de vous-même, de grace, ranger votre plume et devenez "pasteur" ou "imam" ou "prête" tout ce qu’ils disent ne sont pas d’eux. mais un journaliste ça s’assume

  • Le 7 décembre 2015 à 10:35, par Le voltaïque du Burkina En réponse à : « Kaborévolution » ou « continuité dans le changement » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (4)

    @sidzabda
    A mon humble avis un journaliste ( je n’en suis pas un) ce n’est pas un romancier qui nous fait rentrer dans un monde virtuel qu’on a pas vécu. Un journaliste c’est d’abord les faits vécus par lui et ses contemporains et qui (les faits) sont sacrés et ensuite sa perception et ses analyses de ces faits. Monsieur BEJOT n’a jamais travesti les évènements vécus au Faso les faits qu’il évoquent sont véridiques et incontestables ; s’agissant de ces analyses il ne demande pas l’unanimité sur leur justesse et pertinence et chacun peut prendre sa plume pour le contredire et enrichir le forum. Je m’attendais à lire vos points de vue et analyses mais pas une appréciation sur la personne de M. BEJOT dont les articles sont appréciés par la plupart des internautes qui analysent et commentent l’actualité de notre Faso avec des arguments.

  • Le 7 décembre 2015 à 12:21, par Le transitaire En réponse à : « Kaborévolution » ou « continuité dans le changement » ? Voilà « Le Rocco » élu président du Faso ! (4)

    M. BEJOT semble avoir repris de service. Je l’avais presque oublié puisqu’il avait retrouvé la voie du silence durant la transition. la question que je pose est de savoir si ses écrits sont gratuits ou commandés par le nouveau pouvoir. Messieurs du MPP, la com c’est bien mais faisons de sorte à ne pas dilapider les maigres dans l’auto-congratulation. Nous savons tous que ces types de journalistes occidentaux n’émargent pas en CFA mais en Euros.
    Alors passons au travail sérieusement.

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