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Diapangou : Yentiabri sur le trône

Publié le mercredi 13 avril 2005 à 07h17min

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Diapangou, localité située à 200 km à l’Est de Ouagadougou, était en fête le 8 avril dernier. Et pour cause, le Yentiabri, tout nouveau chef du canton prenait officiellement les rênes du pouvoir au cours d’une cérémonie d’intronisation. Mais déjà, le Yentiabri aura fort à faire, car quelques semaines auparavant, un premier chef, illégitime dit-on, s’était déjà "installé" comme "roi" de Diapangou.

Chants et pas de danses, réjouissances populaires... C’est dans une ambiance féerique entretenue par la troupe Ganta de la Gnagna, la cantatrice Youmanli et un orchestre moderne que les populations de Diapangou ont accueilli l’intronisation de leur nouveau chef, le Yentiabri. A l’occasion, l’on a enregistré la présence d’autorités politico-administratrives au nombre desquelles, Justin Tiéba Thiombiano, ministre des Postes et Télécommunications, fils de la région, Lassané Savadogo, ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat, beau-fils de la famille royale, ainsi que de nombreux ressortissants, disséminés à travers le pays. Une aubaine pour les nombreux griots et mendiants de se mettre en évidence en harcelant les visiteurs dans l’espoir d’être remerciés par des billets de banque.

Une semaine dans une case à fétiches

Le Yentiabri, qui a été intronisé vendredi dernier, succède à son oncle Yendiébri, décédé le 5 novembre 2003 après 14 ans de règne. Pendant cette période de vacance du pouvoir, l’intérim de la chefferie est assurée par une femme, la "Barpouaga" (femme chef). Si la succession au défunt chef, a mis du temps à se concrétiser, c’est parce que pendant longtemps, les deux candidats de la cour royale (l’oncle et le neveu) convoitaient tous le fauteuil royal et personne ne voulait lâcher du lest. Finalement, l’oncle se désista au profit du neveu.

Une fois le candidat connu, on pouvait commencer les rites d’intronisation. Pendant une semaine, celui-ci s’est retiré en brousse dans un case à fétiches et soumis à des pratiques coutumières et à des épreuves de divers ordres. Aguerri, le chef, peut ainsi recevoir l’allégeance des villages du canton.

Ainsi, à la cérémonie d’intronisation, il reçoit plein pouvoir en recevant l’allégeance des princes, neveux, beaux-fils de la famille royale et des 36 villages composant le canton de Diapangou.

Au soir du 8 avril dernier, une vingtaine de villages avaient déjà fait allégeance au nouveau roi. Mais, selon la coutume, un délai de trois (3) mois est accordé aux villages retardataires pour s’exécuter. A la cour royale de Diapangou, l’on ne s’inquiète outre mesure, car l’on est certain d’avoir la majorité des villages.

De l’électricité dans l’air ?

L’histoire raconte que le royaume de Diapangou, érigé en canton sous la colonisation a été fondé par la dynastie des Tuliba (Idani), autour du 17e siècle. L’ancêtre des Tuliba, chasseur de son état, nommé Piiro, serait venu du pays Bariba (région nord de l’actuel République du Bénin).

L’actuelle cour royale de Diapangou a été fondée vers 1880. A Diapangou, la succession s’est toujours opérée au sein de la famille royale, même si elle ne se fait pas de façon directe (de père en fils), un neveu pouvant succéder à son oncle, un frère cadet à son aîné, etc. L’intérim est toujours assuré par une princesse. Une affaire de famille donc.

Mais coup de tonnerre ! Voilà qu’il y a à peine deux mois, qu’un autre chef a été intronisé. Mais du côté de la cour royale de Diapangou, on ne connaît qu’un seul chef, le Yentiabri. Pour Soumaïla Ouambo, conseiller à la cour royale, le premier intronisé est tout simplement "illégitime, car n’appartenant à aucune lignée royale".

Mais comment une telle "usurpation" a-t-elle été possible ?

Du côté de la cour royale de Diapangou, l’on pointe un doigt accusateur sur sa Majesté Kupiendieli, roi du Gourma (dont Diapangou fait partie). Le Kupiendieli aurait tout simplement imposé Idani Salif au détriment du prétendant légitime, Yentiabri.

Dans une lettre adressée au gouverneur de la région de l’Est, datée du 21 février 2005, les membres de la cour royale de Diapangou, expliquent : "Idani T. Salif, l’illégitime, n’a eu ni grand-père, ni arrière-grand-père, chef de Diapangou".

De longue date, la succession à Diapangou s’est toujours faite autour d’un long processus de concertation lorsque plusieurs candidatures sont enregistrées. Et cela, en vue d’opérer un choix judicieux afin que le nouveau roi soit réellement un homme de consensus. Selon les membres de la cour royale de Diapangou, lorsque le roi de Fada était interpellé en sa qualité d’aîné pour un éventuel arbitrage, il se référait toujours au collège des notables de Diapangou qui connaît mieux l’ensemble des postulants (éligibilité, qualité, courage, etc.).

Jamais, dit-on, il n’imposait un candidat à la population. "Même au temps de la colonisation, disent les membres de la cour royale, les candidatures étaient certes déposées auprès des autorités coloniales, mais le nouveau roi était choisi après consultation du collège des notables de Diapangou".

Pour le présent cas, les conseillers de la cour indiquent qu’il n’y a jamais eu de concertations entre Sa Majesté Kupiendieli et les notables de Diapangou. Pour étayer leurs dires, les membres de la cour royale évoquent la convocation du roi de Fada, adressée aux 4 candidats au trône, dont 2 de la cour royale à une rencontre, le 15 février dernier. Pensant aux traditionnelles concertations pour la désignation du chef, la délégation de la cour royale de Diapangou a été surprise de constater qu’il s’agissait d’entériner un choix. Au regard de cette donne, la délégation de Diapangou "a vigoureusement protesté car le choix de Kupiendiéli s’est porté sur un candidat qui ne remplissait pas le critère déterminant : le candidat doit avoir un père ou un grand-père qui a régné sur le canton de Diapangou".

Selon la correspondance des membres de la cour royale de Diapangou, adressée au gouverneur de la région, cette logique "d’imposer" des chefs s’est déjà produite dans d’autres cantons du Gulmu, tels Diabo et Bilanga.

Du côté de la cour royale de Diapangou, on assure que l’on ne cherche noise à personne, car convaincus qu’ils sont d’être dans leur droit. D’ailleurs, le conseiller à la cour royale de Diapangou persiste et signe : "les chefs "normaux" ont toujours régné dans la paix".

Gabriel SAMA (galsam01@yahoo.fr)
Sidwaya

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