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Les héros de l’insurrection (5) : Simon Compaoré

Publié le vendredi 21 novembre 2014 à 21h38min

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Les héros de l’insurrection (5) : Simon Compaoré

Si l’homme affiche une certaine humilité quant à son engagement aux côtés des manifestants les 30 et 31 Octobre 2014, c’est sans doute parce qu’il considère le peuple comme héros de cette insurrection historique. Et il le dit « la victoire a plusieurs Pairs et la défaite est orpheline ». Bien connu de la sphère politique pour avoir été pendant une quinzaine d’années le bourgmestre de la ville de Ouagadougou, il était aux premières loges lorsque le navire « CDP » chavirait sous le coup de la révolution. Aujourd’hui, Secrétaire général du Mouvement du Peuple pour le Progrès, parti dont il est l’un des membres-fondateurs avec des ténors, et pas des moindres, de l’ex-majorité, Simon Compaoré nous livre ce mercredi 19 novembre 2014 à son domicile ses analyses et ses attentes sur la situation de l’heure et ses sentiments qui prévalaient, il y a trois semaines de cela.


Comment avez-vous vécu les manifestations des 30 et 31 Octobre 2014 ?

Les 30 et 31 Octobre resteront gravés dans la mémoire collective et inscrites en lettres d’or dans l’histoire du Burkina Faso. Ce sont des journées où tous les patriotes, tous les progressistes, tous ceux qui aspiraient à la liberté, au progrès social, et qui voulaient mettre fin au pouvoir tyrannique répressif de Blaise Compaoré, se sont levés comme un seul homme. Ils se sont mobilisés et moi aussi j’étais de la partie. Nous étions tantôt dans les secteurs pour amener les gens à sortir, à regagner le centre-ville. Tantôt au centre-ville et comme tout le monde, nous avons participé modestement à notre manière.

Avec qui étiez-vous exactement ?

Non, ça ce n’est pas utile. Vous savez, dans cette histoire-là, il faut retenir que c’est la dynamique collective et c’est le peuple tout court. Les noms-là importent peu. La victoire a plusieurs pairs et la défaite est orpheline. C’est une période où il faut savoir raison gardée, être humble. Moi, j’ai participé aux côtés d’autres responsables politiques de l’opposition d’alors, des responsables de la société civile, des simples citoyens comme vous et moi, et ensemble chacun à sa manière et selon ses capacités, a pu apporter qui la mobilisation qui de l’apport en eau, en nourriture, en encouragement, pour que ce soulèvement populaire puisse aboutir à la fuite du président Blaise Compaoré de Ouagadougou et du Burkina Faso. C’est cela que l’histoire retiendra. Les noms importent peu.

Le Burkina Faso a maintenant un président de transition en la personne de Michel Kafando qui, à son tour, a nommé le lieutenant-colonel Zida comme premier ministre. Quelle analyse faites-vous de la situation ? Etait-ce prévisible ?

Evidemment ! Quand on sait que les Burkinabè aspiraient à la liberté, au progrès et au bien-être social. Ce n’était pas la personne du président Blaise Compaoré qui dérangeait. C’est sa politique et la manière dont on oppressait ces populations des villes et des campagnes ; c’est cette politique-là que nous combattions. Ce n’est pas une politique de personne, c’est parce que Blaise Compaoré incarnait cette politique-là que son nom a été cité. Et les noms de tous ceux qui l’entouraient, les courtisans ont été cités parce qu’ils ont tenu des propos, ils ont eu des attitudes qui nous ont amenés à dire que finalement ils voulaient forcer le destin. Ils voulaient embastiller cet espoir que le peuple avait en l’avenir. Je crois que c’est cela qu’il faut retenir.

Quelles sont vos attentes aujourd’hui ?

Le fait qu’on soit arrivé très rapidement en très peu de temps à résoudre des contradictions, à trouver des voies de sortie avec cette fameuse charte de la transition, c’est tout simplement formidable. Ça montre que les Burkinabè ont encore du ressort et sont capables de se réunir autour d’une table pour discuter et trouver des solutions à leurs problèmes sans qu’il n’y ait une pression excessive venant de l’extérieur. En tant que Burkinabè, je suis très fier, la tête haute, je pense que c’est aussi notre apport à l’histoire de l’humanité. Nous sommes arrivés très rapidement à avoir une charte qui décrit les organes de la transition, qui a été adoptée, signée et qui a permis par la suite de désigner Michel Kafando comme Président de la transition et chef de l’Etat. Et aujourd’hui lui qui prend la responsabilité sur lui de renouer et les civils et les militaires, tous membres d’une même famille. Que c’est formidable ! Et là, l’histoire retiendra cela comme un point fort. Dans d’autres contrées c’est extrêmement difficile voire impossible mais nous avons réussi ce tour de force là. Militaires, civiles, nous sommes tous des patriotes, des gens convaincus que c’est dans la dynamique unitaire que nous allons pouvoir construire notre pays. Je profite de cette opportunité que vous me donnez pour féliciter le président Michel Kafando. C’est son premier acte depuis la prestation de serment hier, un acte qui restera inoubliable, cet acte de nomination du lieutenant-colonel Zida, un vrai patriote comme Premier ministre. Moi, je suis très heureux et je souhaite que le nouveau Premier ministre réussisse sa mission aux côtés du Président Kafando que je salue, que je respecte pour sa grandeur d’esprit.

Actualité oblige, le DG de la SONABEL et celui de la SONABHY ont été limogés. Pensez-vous qu’un assainissement des sociétés d’état s’impose ?

Je crois que le chef de l’état a eu à s’expliquer par rapport à ses mesures là. Pour ce qui est de la SONABEL et de la SONABHY, vous avez entendu les raisons qu’il a avancées. Je pense qu’il est tout à fait normal qu’on s’attende à d’autres décisions de même nature parce que nous sommes dans une phase où il faut effectivement qu’on sente que les choses ont changé et que comme l’a dit le Président Michel Kafando, « Plus rien ne sera comme avant ».

Pensez-vous vraiment que plus rien ne sera comme avant en l’espace d’une année ?

Vous avez raison, un an c’est peu. Mais cette période de transition a 12 mois maximum, donc on aura essayé de faire ce qui est possible dans ce laps de temps. C’est vrai que tout ne pourra pas être fait mais il faut qu’on puisse faire le maximum de ce qui peut être fait en l’espace d’un an. Dans ce sens-là, il s’agit de poser des balises et de donner des signaux forts pour que le peuple ne soit pas déçu, qu’il sache qu’on n’a pas chassé Blaise Compaoré et toute son équipe pour se voir installer dans une apathie, où on pourrait se demander pourquoi finalement on a fait partir Blaise Compaoré et son équipe. Il faut des signaux forts qui montrent que nous sommes sur la route du changement. Les autres équipes qui vont venir, auront à emprunter ce chemin, à approfondir les labours pour que la semence qu’on va jeter puisse avoir de la terre arable pour pousser et produire de bons fruits. C’est en cela que je pense que des mesures peuvent et doivent être prises. On vient de dissoudre les conseils municipaux et les conseils régionaux. C’était absolument nécessaire. Faire autrement allait nous amener dans des situations plus chaotiques où on passera chaque semaine à transformer une commune en délégation spéciale. Comme vous voyez un peu partout, les gens ont commencé à se soulever, à dire NON, nous ne voulons plus de telle ou de telle équipe et au sein même des conseils municipaux les crises se multipliaient. Et comme on ne peut plus parler de majorité et de minorité à l’heure actuelle, il est bon de ramener le cursus à zéro pour qu’on puisse repartir sur de bonnes bases. Ce qui n’est pas une remise en cause du processus de notre stratégie de développement basée aussi sur la décentralisation. La décentralisation, c’est une dynamique qu’on a optée et qui restera un référentiel par rapport à notre façon de développer notre pays, pour des pouvoirs de proximité qui évoluent avec les populations à la base, qui initient des actions de développement. C’est aussi cela qui va nous amener à atteindre les objectifs que nous recherchons à savoir le développement, le bien-être et le progrès social des Burkinabè.

Pensez-vous que les dignitaires de l’ex-majorité doivent être jugés ?

Nous n’avons pas besoin d’installer la justice des vainqueurs. En fait, la victoire des 30 et 31, c’est la victoire de tout un peuple épris de paix, de justice. Et dans ce sens-là, je pense qu’il faut faire en sorte que les investigations qui seront faites, les tords qui ont été causés et qui demanderaient à être réparés le soient dans cette soif de justice équitable. Ce qui nous a manqué, c’est que quelques fois des gens ont profité de leur situation pour se soustraire à ce besoin de justice. Alors, si l’opportunité est donnée maintenant qu’on fasse le point et qu’après avoir fait le point, on fasse la réparation des tords, on prenne les mesures qui s’imposent pour ouvrir maintenant la voie à la concorde nationale. Je crois qu’il n’y a pas meilleure façon de faire. On ne peut pas occulter l’étape « Justice », et l’occulter ça serait résoudre le problème de façon bancale et quand on résout les problèmes de façon bancale, ces problèmes réapparaitront après. Donc on aurait pansé une plaie qu’on pensait être guérie et qui n’avait que des carapaces à l’extérieur mais qui continueraient d’être une plaie à l’intérieur. Alors, je crois que ceux qui ont des choses à se reprocher, ils devront se soumettre à la dure réalité des investigations et de la justice. Ceux qui n’ont rien à se reprocher, je pense que ce n’est pas l’occasion de prendre des gourdins parce qu’on ne s’entendait pas avec Pierre ou Paul pour écraser les gens. Ça aussi, ça ne serait pas juste. Il nous faut une justice impartiale mais qui n’épargne personne parce que là aussi on risque de tomber dans l’injustice.

Quel est le mot d’ordre au MPP ?

Nous appelons tous nos militants à se mettre derrière les nouveaux pouvoirs, le président Michel Kafando, le Premier ministre Yacouba Isaac Zida et toutes les structures, tous les autres organes de transition qui sont en train d’être mis en place ; les appuyer parce que c’est dans cette dynamique d’ensemble que nous allons donner la chance à ses responsables de pouvoir atteindre les objectifs que la transition a fixés. Nous demandons à nos militants de poser des actes qui ne vont pas à l’encontre de cette dynamique-là. Nous demandons également à nos militants de se mobiliser parce que très bientôt nous allons rentrer dans les périodes de choix des premiers responsables du pays, des occupants de la prochaine Assemblée nationale. Et de ce point de vue, nous voulons participer à cette compétition-là et pour laquelle nous pensons que toutes les conditions seront réunies pour qu’elle soit loyale, équitable, transparente.

Doit-on s’attendre à voir des ténors du MPP dans le nouveau gouvernement ?

Ce n’est pas notre objectif. Notre objectif, c’est de pouvoir constater qu’on a travaillé à réunir les conditions qui permettent d’organiser les élections législatives et présidentielles. Nous comptons y prendre part de façon active pour pouvoir imprimer notre programme. Nous avons un programme, la vision du développement. Quelles sont les failles posées par l’ancien système et qu’est-ce que nous voulons apporter comme rectification, comme nouvelle dynamique. C’est cette façon-là, et aussi laisser notre marque dans l’histoire. Et c’est cela notre objectif essentiel. Quand un parti se crée, c’est la conquête et la gestion du pouvoir d’Etat pour transformer positivement la vie des citoyens des villes et des campagnes. Maintenant, nous ne réclamons absolument rien. Et nous ne pouvons même pas réclamer quelque chose. Le pouvoir discrétionnaire appartient à ceux-là qui ont été désignés par les différentes composantes de la société et c’est eux de prendre leurs responsabilités. Si d’aventure, un élément du MPP était appelé, nous sommes des républicains. Mais nous ne réclamerons rien et on ne s’attend à rien. Pourvu que ceux qui seront appelés fassent le travail qu’on attend d’eux et réunissent les conditions d’un changement, l’avènement d’une nouvelle justice équitable et face renouer les milliers de jeunes et de femmes de nos villes et campagnes avec l’espoir.

« Nous devons avant tout remercier Dieu »

Je crois que nous devons avant tout remercier Dieu, le Tout-Puissant parce que nous n’avons pas l’idée que notre situation pouvait être mille fois dramatique. On a parlé des morts, je m’incline respectueusement devant ces patriotes qui ont perdu leurs vies en voulant défendre la liberté, la justice ; qui sont tombés contre l’iniquité des hommes forts d’alors. Ce qu’on peut dire c’est que Dieu a été généreux, il a été bon à l’endroit des Burkinabè. Il nous a épargné de cet océan de sang qu’on aurait pu constater, parce qu’on a déploré des dizaines de morts, mais ça pouvait être des centaines, des milliers, mais Dieu dans sa miséricorde a touché le cœur de nos parents qui étaient militaires, gendarmes, policiers. Ils ont refusé de continuer à exécuter un ordre manifestement injuste et c’est cela aussi qui nous a permis de limiter les dégâts. Ensembles nous lui témoignons aujourd’hui notre gratitude et notre reconnaissance infinie

Cyriaque Paré et Herman Frédéric BASSOLE (Stagiaire)
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