De retour du Bénin en cette matinée de Tabaski avec son camion remorque, Ganou Modibo ignorait certainement ce qui l’attendait à Koupéla. En effet, au virage du grand rond-point du centre ville de Koupéla, en face du portail de la brigade de gendarmerie, l’infortuné chauffeur dit n’avoir rien compris. « ..Je sentis seulement que la remorque citerne a cédé, s’est détachée de la cabine et alla se renverser au bord de la voie ».

Après avoir réussi à immobiliser le reste du camion à 100 m plus loin, il reviendra constater les dégâts : ventre en l’air, sa citerne de 55 000 litres de gas-oil suintait dans les caniveaux du rez-de-chaussée. Sur l’heure, ce fut la ruée, raconte le malheureux chauffeur : « ...Je ne sais pas d’où sont venus les gens... jeunes, vieux, femmes, enfants...qui avec un seau, qui avec des bidons ou des barriques... ».

L’infortuné conducteur et son apprenti ont dû même prendre leurs jambes au cou. L’apprenti nous montre ses blessures : « ...La foule nous a bastonnés et nous avons déguerpi les lieux dare-dare ». Des 55 000 litres, il a fallu moins d’une demi journée pour qu’aucune goutte ne reste ni dans la citerne ni dans les caniveaux. Un calcul arithmétique rapide donne une perte de plus de 20 millions de francs.

Mais ce qui fait mal à Modibo, c’est la bastonnade : « ...Pourquoi nous frapper à partir du moment où on ne s’opposait pas à ce que} gens cueillent ce qui coulait ? » se demande t-il d’une voix mélancolique. Encore sous le choc, il refusera d’être photographié. Des témoignages nous ont confirmé que certaines personnes ont réellement fait de très « bonnes affaires » avec le précieux liquide qui coulait gratuitement en cette matinée de grande prière de la fête du mouton.

Mais il y a lieu de remercier vraiment le bon Dieu du fait que l’incident se passe tôt le matin et surtout en un jour de fête. En effet, quand on sait que les jours ordinaires, l’endroit précis est un petit marché et en conséquence est bondé de monde, on imagine aisément ce qui aurait pu se passer comme drame ! En outre, il faut être reconnaissant au Tout-puissant du fait que le liquide n’était pas inflammable. Sinon...

Onésime Aké Loba LANKOANDE
AIB / Koupéla