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Francophonie : pour un pacte de croissance au sommet de Ouagadougou

Publié le mardi 2 décembre 2003 à 10h05min

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Jean-L ouis RoyL’ambassade du Burkina Faso en France a organisé le 22 novembre dernier une conférence publique sur le thème du Xème sommet de la Francophonie qui aura lieu dans un an à Ouagdougou. Le conférencier, Jean-Louis Roy, ancien secrétaire général de l’ACCT, a plaidé pour un pacte de croissance et de développement durable entre les Etats membres.

La Francophonie est le porte-flambeau d’une autre culture, celle de la diversité culturelle, selon l’ambassadeur du Burkina en France, M. Filippe Savadogo. Présenté l’idéal qui fonde la communauté de destin des pays francophones, il a que la Francophonie n’est pas une invention néocoloniale, car elle est née en Afrique, de par la volonté d’hommes politiques africains et il revient aux populations des Etats francophones de savoir en tirer la substantifique moelle en y mettant le contenu qu’il faut.

Pour M. Jean-Louis Roy, le sommet de Ouagadougou, qui se tiendra les 26 et 27 novembre 2004, doit raviver l’expérience évoquée par le père fondateur de la Francophonie, Léopold S. Senghor, au premier sommet, celui de Versailles, où il parlait « d’une expérience placée au cœur de l’histoire ». Faisant le bilan des précédents sommets, qui ont eu chacun une préoccupation spécifique, allant des droits humains au dialogue des cultures et à la gouvernance mondiale, M. Roy affirmera que Ouagadougou doit être le sommet des « propositions audacieuses, concrètes et utiles ». Car le thème, « Francophonie : espace solidaire pour un développement durable » lie deux nécessités de notre temps : la solidarité humaine et le développement durable.

Le développement durable et la solidarité sont un leurre dans l’ère mondialisée

Mais, selon le conférencier, qui préside actuellement le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique du Canada, le développement durable et la solidarité sont un leurre. « Depuis 1990, la carte vitale de l’humanité s’est dégradée. La pauvreté extrême, psychologique et matérielle, s’est accrue en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne et la situation s’est aussi fragilisée en Amérique latine. Dans cette période qui coïncide avec une baisse radicale de l’aide publique au développement, le creusement du transfert net des ressources des pays en développement est redevenu négatif, et le revenu par habitant est inférieur aujourd’hui à ce qu’il était en 1990 pour la majorité d’entre eux » relève-t-il. Ainsi, l’Afrique qui abrite 13 % de la population mondiale ne reçoit que 1,3 % des investissements, « alors qu’il ne peut y avoir de développement sans investissements, sans accès aux marchés, sans règles équitables dans le commerce mondial, sans règlement de la dette ».

Il faut reformer les règles internationales, plaide M. Jean-Louis Roy car, avant même d’invoquer le concept de solidarité, affirme-t-il, c’est la nécessité de règles équitables dans le commerce mondial, l’ouverture des marchés, des mécanismes de correction de la destination des investissements qui constituent le fondement du développement durable pour le Sud francophone et pour le monde.

Le sommet de Ouagadougou doit alors insister sur cette nécessité de solidarité, propose-t-il. « L’impasse actuelle de la mondialisation est dramatique. Elle doit être levée. La Francophonie peut se mobiliser à cette fin avec audace, constance et grande détermination » soutient celui qui fut de 1990 à 1998 le secrétaire général de cette institution. M. Roy recommande alors que le sommet de Ouagadougou aboutisse à un pacte de croissance et de développement durable entre les Etats membres.

Ce pacte reposerait sur une exigence de gouvernance démocratique. Pour sa mise en œuvre, le secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie devrait disposer de réels moyens pour s’impliquer dans la gestion, mais surtout dans la prévention des conflits. Face à la baisse de l’aide publique au développement, la Francophonie, soutient Jean-Louis Roy, doit trouver, sur une période de trois ans, des formules de transfert de dettes en investissements dans la santé, dans l’éducation et dans l’environnement.

Mobiliser 50 millions d’euros pour l’éducation

Il ne peut y avoir de croissance, de développement sans éducation et la Francophonie ne fait pas ce qu’elle devrait faire dans ce domaine, estime M. Roy qui propose la création d’une coalition avec d’autres organisations internationales pour que d’ici 2020, tous les enfants des pays francophones soient à l’école. La Francophonie doit être financée à un niveau convenable, a recommandé le conférencier qui regrette qu’elle soit dans une situation de stagnation financière alors qu’il y a de nouveaux pays, avec de grands besoins.

Pour une Francophonie réellement crédible, le sommet de Ouagadougou doit être l’occasion d’actions concrètes. Le Canada, la France, la Suisse, la Belgique et d’autres pays intermédiaires, soutient-il, ont les moyens de mobiliser 50 millions d’euros pour un grand projet dans le domaine de l’éducation.
Le pacte francophone, selon M. Roy, c’est aussi la diversité culturelle, que la Francophonie « a incarnée depuis longtemps, avant de la vendre au monde ». Mais pour qu’elle soit une réalité, il faut encore qu’elle y mette le prix.

Roger Dehaybe

L’actuel Administrateur général de la Francophonie, M. Roger Dehaybe, qui a tenu a confirmé la fidélité des convictions de Jean-Louis en une Francophonie dotée de vrais moyens et réellement efficace, a regretté que les responsables de l’institution francophone ne soient pas toujours entendus comme il faut. Au-delà de la Francophonie, il s’est insurgé contre le fait que les organisations intergouvernementales se consacrent plus à des études et des discours qu’à des actes concrets.

L’éducation, soulignera-t-il à la suite de M. Roy, n’est pas une priorité parmi d’autres mais une condition. L’école est au début de tout et il est dommage que les pays francophones y mettent peu de moyens, sous prétexte qu’elle est de la responsabilité d’autres organisations internationales.

« On ne peut délivrer des labels de démocratie, des certificats de bonnes élections à des pays où seulement 20% de la population comprennent de quoi il s’agit car les 80% autres sont analphabètes. De même, la diversité culturelle ne peut avoir un sens quand dans les pays du Sud, il n’y a pas de créations en cinéma, théâtre, etc. faute de moyens » déplore M. Dehaybe qui a souhaité que le sommet de Ouagadougou se démarque de ces grandes rencontres où l’on fait de grandes promesses qui sont suivies de peu d’effets.

Cyriaque Paré
(Ambassade du Burkina en France)

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