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Diabo : crise au sein de la Chefferie coutumière

Publié le lundi 27 septembre 2004 à 07h18min

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El Hadj Berry Boly, au nom des chefs coutumiers et des notables de Diabo, conteste la nomination du nouveau chef de canton de Diabo par le roi du Gulmu. C’est la teneur de la lettre ci-dessous adressée au Haut-Commissaire du Gourma. Il a pris le soin d’adjoindre d’autres documents qui permettent de remonter le cours de l’histoire.

A Monsieur le Haut-commissaire du Gourma

Référence : lettre d’information du 20-08-2004 à Monsieur le Haut-commissaire du Gourma. A/s des intentions du roi du Gulmu pour l’intronisation du futur chef de canton de Diabo.
- arrêté de suspension de nomination No 94-07/MAT/PURM/HC/CAB du 10 mars 1994.
- lettre de sa majesté le roi du GULMU du 17 avril 2004.

Monsieur le Haut-commissaire.

Par lettre en date du 20 août 2004, nous avons tenu à vous informer des velléités unilatérales du roi du GULMU de vouloir introniser le sieur Yoni Noraogo Joseph comme futur chef de canton de Diabo, et cela en dépit de l’Arrêté de suspension sus référencé (toujours en vigueur) et aussi du mécontentement des chefs coutumiers et notables de Diabo. Nous vous demandions par la même occasion sur la nécessité de prendre des mesures conservatoires de prévention afin de sauvegarder la paix sociale dans notre localité.

Malgré toutes nos démarches auprès de vous et de sa majesté lui même, nous avons été mis devant le fait accompli de la nomination par le roi du Gulmu du sieur Yoni Noraogo Joseph comme futur chef de canton de Diabo, et cela dans le bafouement total de la volonté des chefs et notables de Diabo et surtout des textes en vigueur.

Face à cet affront de la part du roi du Gulmu, et de la complicité silencieuse des autorités administratives locales dont vous-même, nous membres du collectif des chefs coutumiers et notables de Diabo, ainsi que de la majorité des populations de notre localité, avons décidé en ce jour vendredi 24 septembre 2004, de nommer notre chef de canton en la personne de Yoni Richard, premier fils du défunt chef de canton de Diabo suivant la tradition. Nous reconnaissons en lui comme le dépositaire légal de la chefferie traditionnelle de Diabo. Par conséquent, nous considérons comme nulle et non avenue, la nomination effectuée par le roi du Gulmu en la personne du sieur Yoni Noraogo Joseph.

Nous savons de tous les temps que c’est le collège électoral composé des notables et des différents chefs de famille, qui nomme le chef de canton de Diabo et propose maintenant son intronisation au roi du Gulmu et cela dans le ressort territorial de Diabo en présence de la population et non le contraire.

Monsieur le Haut-Commissaire, la chefferie de Diabo qui ne concerne que les coutumiers et notables de Diabo ne peut être résolue qu’à Diabo et cela sur la base des expériences démocratiques passées, déjà expérimentées dans notre localité. Il s’agit des chefs de canton suivants :
- Feu YAOBILI du 22-04-1912 au 25-03-1918
- Feu LABDIERO du 03-05-1918 à avril 1931
- Feu YEMBIARI du 03-04-1931 à août 1960
Et enfin GNAM YOLGO du 20-9-1960 au 16-06-1993.

Cette dernière élection a eu lieu (à Diabo) en présence du roi du Gulmu de l’époque (Feu HAMTIOURI, père de l’actuel roi du Gulmu), du commandant de cercle de Fada du nom de Cartigny, de son adjoint Bagagnan François, de l’interprète Nidjabiga Toguéyéni, du ministre Sibiri Salembéré et de son chef de cabinet François Idani, du commandant de la gendarmerie du nom de ALKIE, du député Diallo Michel Oumarou, une délégation du parti-Etat dont Yentangou ancien roi du Gulmu (frère de l’actuel roi) et de Souleymane Togueyeni, de douze (12) gardes de cercle et de cinq (5) gendarmes.

Monsieur le Haut-commissaire, quand on partage la viande en plein jour de soleil avec des lampes, c’est qu’il y a quelque chose quelque part. La carpe disait à ses petits que toute l’intelligence de notre race consiste à quitter les silures dès que s’annonce la sécheresse. Quand la rivière séchera, les silures hiberneront dans les profondeurs boueuses, nous laissant seules. Monsieur le Haut-commissaire, la sagesse mandingue nous enseigne que le pouvoir est un sabre qu’il convient de tenir en parfait équilibre au niveau de la ceinture.

Le gouvernant qui le baisse plus qu’il ne faut se coupe le jarret. Le gouvernant qui le lève plus que de raison se fend le crâne. Nous n’avons jamais été ampliataire d’une quelconque lettre de levée de suspension, Monsieur le Haut-commissaire. Telles sont exprimées en ce jour du 24 septembre 2004, les aspirations profondes des coutumiers, notables et populations de Diabo.

Veuillez croire, Monsieur le Haut-commissaire, en l’expression de notre profonde considération et aussi en notre ferme détermination à défendre l’honneur et la dignité de nos ancêtres dont nous sommes les légitimes et dignes dépositaires.

Diabo, le 24 septembre 2004

Pour le collectif des chefs coutumiers et des notables, le responsable mandaté, El Hadj Berry Boly, chef de village de Boulyoghin.

* A Monsieur le Haut-Commissaire du Gourma,

J’ai l’honneur, au nom de la majorité des chefs coutumiers de Diabo, de vous adresser la présente lettre pour vous tenir informer de l’évolution du dossier sus-visé en objet. En effet, malgré l’arrêté ci-dessus référencé qui demeure toujours en vigueur, il nous est revenu de source digne de foi, que sa majesté le roi du Gulmu a, au cours de la réunion du 12 août 2004 convoquée dans sa cour royale, jetés les bases de l’intronisation de Monsieur Yoni Noraogo Joseph comme futur chef de canton de Diabo.

Nous vous informons que la chefferie de Diabo qui ne concernent que les coutumiers et les différents notables de Diabo ne peut être résolue qu’à Diabo, en présence de tous les prétendants et de tous ceux qui se sentent concernés. Aussi, avons-nous le devoir de vous inviter à vérifier ladite information auprès de sa Majesté le roi du Gulmu, et si besoin en était, de prendre des mesures conservatoires de suspension de toute action unilatérale d’intronisation de Yoni Joseph.

Au regard de l’esprit de paix sociale qui nous a toujours animé tout au long de ce différend , nous tenons néanmoins à vous informer que toute tentative de sa majesté, qui ne prendrait pas en compte les aspirations profondes des responsables coutumiers et des notables de Diabo, sera combattue avec la dernière vigueur car nous nous sentirons en légitime défense. La seule issue de résolution durable de cette crise demeure la voie démocratique déjà expérimentée à plusieurs reprises et notamment en septembre 1960 (Elections même à Fada et plusieurs localités du Gulmu) sous le couvert de l’administration en association avec les représentants désignés de sa majesté le roi du Gulmu.

Monsieur le Haut Commissaire, la chefferie de Diabo à elle seule voudrait un référendum ne pas s’enquérir du verdict populaire à l’état actuel des choses, risquerait de plonger le canton, voire le département dans une situation indésirable, regrettable. Dans l’attente d’une prompte réaction de votre part, nous vous prions d’accepter, Monsieur le Haut-Commissaire, l’expression de notre profonde considération.

P.J : 1) Arrêté n°94-07/MAT/PGRM/HC/C3
2) Lettre de sa Majesté Kupiendieli roi du Gulmu du 17 avril 2004.

Diabo, le 20 août 2004

Pour les chefs coutumiers,
Le responsable mandaté

El Hadj Berry BOLY

* Arrêté n° 94-07/MAT/PGRM/HC/C3 PORTANT SUSPENSION DE MANIFESTATIONS D’INTRONISATION DE CHEFS COUTUMIERS A DIABO

Le Haut-Commissaire de la province du Gourma

Vu la Constitution ;
Vu le Décret n°92-160/PRES du 16 Juin 1992, portant nomination du Premier ministre ;
Vu le Décret n°94-037/PRES/PM du 18/1/1994, portant remaniement du gouvernement du Burkina Faso ;
Vu l’ordonnance n°84-005/CNR/PRES du 15 Août 1984, portant découpage du territoire national en 30 provinces et 250 départements et son addidif n°85-046/CNR/PRES du 29 Août 1985, portant création de 50 Départements ;
Vu la Loi n°003/93/ADP du 7 Mai 1993, portant organisation de l’Administration du Territoire du Burkina Faso ;
Vu la Décision du conseil des ministres en sa séance du 9 février 1994, portant nomination de Hauts-Commissaires de Provinces ;
Vu la Loi n°14/92/ADP du 3 décembre 1992, portant liberté de réunion et de manifestation sur la voie publique ; notamment ses articles 8 et 10 ;

ARRETE

Article 1er : En vue de prévenir tous troubles à l’ordre public, toutes manifestations d’intronisation de chefs coutumiers dans le ressort territorial du département de Diabo sont suspendues pour compter du jeudi 10 mars 1994 et ce, jusqu’à nouvel ordre.

Article 2 : Le présent arrêté qui prend effet pour compter de sa date de signature, sera enregistré, publié et communiqué partout où besoin sera.

Fada N’Gourma, le 10 mars 1994

Idrissa BAGAGNAN,
Inspecteur de l’enseignement primaire

* Le roi du Gulmu à El Hadj Berry Boly

Cher Monsieur Boly,
J’ai l’honneur d’accuser réception de votre lettre en date du 16 mars et du procès-verbal qui l’accompagnait. Je n’ai pas voulu, par respect pour votre âge, répondre aussitôt. Je le fais aujourd’hui.

Tout en prenant acte du contenu du procès-verbal, qui crée les conditions dans lesquelles doit intervenir la nomination du chef de Diabo, je conclus qu’il ne me revient pas le moindre rôle ; j’attends donc avec impatience le dénouement de la situation par les auteurs du Procès-verbal ; j’entends par là, les appels à candidature, l’élection éventuelle et enfin l’intronisation ; je reste disponible pour assurer mes responsabilités dans cette affaire, mais sans être l’otage de quelque structure que ce soit.

Veuillez agréer, cher Monsieur, l’assurance de ma meilleure considération.

Fada N’Gourma, le 17 avril 2004

S. M. KUPIENDIELI,
Officier de l’Ordre National

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