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Commune rurale de Zogoré : Le maire a abandonné ses bureaux !

Publié le mercredi 19 janvier 2011 à 00h04min

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De peur de représailles, le maire Abdou Ouédraogo de la commune rurale de Zogoré, dans le département de la province du Yatenga, se refuse de rejoindre ses bureaux. Deux griefs lui sont reprochés : la forte controverse du projet de lotissement du village de Zogoré et l’ingérence supposée ou réelle du maire dans la vie du comité communal de jumelage, vieux d’un quart de siècle dans la région. Au sein de la population, certains montrent déjà quelques velléités de menaces physiques sur la personne du maire, alors que d’autres demandent purement et simplement son départ.

Au l’avenement de la communalisation intégrale du territoire résultant des élections municipales du 23 mai 2006, Abdou Ouédraogo a été élu maire de la commune rurale de Zogoré. Cette commune comprend 16 villages, y compris Zogoré, situé à 25 km de Ouahigouya. Maire CDP, Abdou impulse la gouvernance communale avec son conseil municipal composé de deux partis politiques : le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et l’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA). La commune compte 32 conseillers municipaux.

Le lotissement du village de Zogoré est un ancien projet, longtemps resté en état, avant la prise de fonction du maire et ses conseillers. En 2007, Abdou Ouédraogo fait réunir son conseil pour discuter de la reprise du lotissement. Au sortir de cette session, le conseil a unanimement dégagé les conditionnalités auxquelles tout citoyen de Zogoré (résidant, non résidant, natif du village…) se doit de satisfaire, avant de formuler une demande de parcelle d’habitation. Selon le bourgmestre lui-même, 1887 parcelles potentielles ont été matérialisées sur le terrain.

Deux commissions techniques (une commission ad hoc et une commission d’attribution), respectivement présidées par Modeste Der Hien et Kassoum Porgo sont constituées. Toute demande de parcelle est soumise au paiement d’abord des frais de souscription, catégorisés en fonction des conditions imposées par le conseil municipal. Un compte bancaire est ouvert à une caisse populaire à Ouahigouya. La population est invitée à s’acquitter directement ( la mairie n’encaisse pas l’argent) des frais dont un reçu est délivré et présenté ensuite, à la mairie qui le prend et le garde par devers elle. S’en suivra après, une assemblée générale du village au cours de laquelle le maire a porté les décisions du conseil municipal à la connaissance de la population. Voilà où commencent les premiers ennuis du maire : la jeunesse de Zogoré affirme ne pas se reconnaitre dans les critères d’attribution.

La notabilité coutumière et traditionnelle, les natifs et les ressortissants du village soupçonnent l’édile Abdou Ouédraogo d’avoir « inventé » des critères complaisants et subjectifs pour l’acquisition des parcelles. On exige des terrains pour les fantômes, pour les adolescents, les jeunes filles, les veufs ou veuves, les personnes indigentes, les ressortissants de Zogoré résidant en France, aux Etats-Unis, à Ouagadougou. Ahurissant !!! Les esprits se surchauffent. Mais, le processus de la souscription et du lotissement était déjà enclenché.

En définitive, l’argent du lotissement payé à la caisse populaire à Ouahigouya était de 11.149.400 FCFA. Mais la machine du processus de souscription était déjà grippée. Aussi, la commune s’est-elle vue dans l’obligation de proposer « l’arrêt immédiat » du lotissement. A partir de cet instant, des voix de désapprobation ont commencé à se faire de plus en plus entendre : la clameur publique commence à dire que le maire a « détourné » l’argent des parcelles. On lui exige de produire les pièces justifiant que la somme des souscriptions versée à la caisse est toujours demeurée intacte.

Abdou Ouédraogo, imperturbable, reconnaît cependant, qu’une partie de l’argent a été dégagée pour les dépenses de fonctionnement de la mairie. Une certaine opinion locale déclare aussi qu’il a emporté les biens mobiliers et les motocyclettes de la commune et du parti (le CDP) à sa résidence se trouvant dans un village voisin de Zogoré. A tous ces procès d’intention qu’on lui fait, le bourgmestre nous a transmis une pile de pièces de dépenses (nous avons les copies) justifiant, selon lui, qu’il n’y a aucunement de faute de gestion financière et comptable. « Pour faire effectuer toute dépense, je convoque toujours mon conseil municipal qui prend une délibération », nous explique l’édile Abdou Ouédraogo.

Pour enfoncer le clou, le conseiller municipal Halidou Ouédraogo démissionne (il a adressé une lettre au maire le 14 décembre 2010) de la présidence de la commission environnement et développement local de la commune. Halidou Ouédraogo était en charge de la collecte et du versement des taxes communales.Il a confirmé que le maire a intercepté et « bouffé » 150 000 F CFA des 200.300FCFA représentant l’argent des taxes perçues sur les agrégats au titre de l’année 2009-2010 et censé être versé au trésor public à Ouahigouya.

« Le maire tient les sessions à sa résidence privée où les conseillers municipaux et les citoyens non mandatés par la commune décident de la conduite des projets de développement dans le département…Il divise pour mieux régner, j’ai donc décidé de m’y opposer, en démissionnant de mon poste », clame haut et fort le "conseiller démissionnaire".

Et ce controversé comité de jumelage ?

La coopération de jumelage entre les Européens et le village de Zogoré est une belle histoire d’amour, vieille de 25 ans. Avant la communalisation intégrale en 2006, c’étaient les préfets qui servaient d’interface entre les « partenaires financiers » et les populations. Cette coopération de jumelage concernait exclusivement le seul village de Zogoré, alors lié à la France et à l’Allemagne.

C’était une amitié tripartite. Relativement autonomes dans la vision de leur développement local, tous les autres villages relevant du département de Zogoré n’étaient pas encore parties prenantes de l’animation du comité de jumelage, ce, d’autant qu’on ne parlait pas, à l’époque, de commune en tant que collectivité territoriale. De nombreuses personnes ignorent ou font semblant d’ignorer ce pan de l’histoire de ce comité villageois de jumelage que les fils du département sont en train de dépiécer aujourd’hui comme une peau de mouton à tondre.

C’est dans ce contexte, que les premiers bureaux du comité de jumelage vont se succéder depuis 1986 jusqu’à nos jours. Ainsi, le président sortant, Leopold Savadogo et son équipe ont dirigé la structure de 2000 jusqu’au 13 janvier 2007, date à laquelle un nouveau bureau a été élu, présidé aujourd’hui, par Sibiri Savadogo. Ce changement intervenu dans l’organe dirigeant semble avoir surpris les partenaires français et allemands, pour ne pas dire qu’il semble n’avoir pas eu leur aval. La preuve ? Depuis le renouvellement du bureau, les partenaires ont été en fréquents désaccords entre eux-mêmes. Certes, les Français et les Allemands continuent à venir à Zogoré, mais ils n’ont plus grand-chose en commun. De grands axes de développement autrefois mis en commun, ont été soit réduits, soit suspendus. Et la menace de voir les amis retirer leur confiance au département de Zogoré reste forte.

Evidemment, dès que le département de Zogoré a été érigé en commune rurale, le maire Abdou Ouédraogo et son conseil municipal, conformément aux nouveaux textes en vigueur, se sont imprégnés de la question du comité de jumelage qu’ils ont essayé d’ailleurs de mieux épurer pour le rendre plus légitime et légal. Le 8 septembre 2009, le décret N° 2009-645 PRES/PM/MATD/MEF portant modalités de création, attributions, organisation et fonctionnement des comités de jumelage au Burkina Faso, vient ainsi corriger les mandats des bureaux indûment constitués et indéfiniment prorogés.

« Le Comité communal de jumelage (CCJ) est placé sous l’autorité du maire, président du conseil municipal », stipule l’article 7 du décret présidentiel qui indique au passage, à l’article 12, la composition du bureau exécutif du comité. On y lit aussi que « le mandat des membres du bureau du comité est de 03 ans renouvelable une fois » (article 16).Le décret du Président du Faso précise que le bureau du comité adresse ses projets de programme d’activités et de budget au maire pour « approbation » par le conseil municipal. Et mieux, ses activités doivent entrées dans le sillon du Plan communal de développement (PCD). Le maire et le haut-commissaire ont droit annuellement de jeter un regard sur le rapport technique et financier du comité.

A ce décret présidentiel, s’ajoute une lettre-circulaire datée du 17 mai 2010 du ministre délégué chargé des Collectivités territoriales rappelant aux présidents de conseil régional et aux maires de veiller à l’application des textes régissant la gestion des partenariats en matière de coopération décentralisée. Il faut tout de suite dire qu’avec ce décret, le comité villageois autrefois contrôlé exclusivement par la seule volonté du village de Zogoré s’ouvre désormais à tous les autres villages composant maintenant la commune rurale du département de Zogoré. Armé de tout cet arsenal juridique, le maire en informe son conseil.

Pour lui, il a pour mission de « sensibiliser » désormais toutes les populations des 16 villages composant la commune rurale de Zogoré, « pour qu’elles comprennent que non seulement l’adhésion au comité est libre pour tout citoyen dans le département, mais aussi qu’elles se tiennent prêtes à prendre part à la future assemblée constitutive du comité », soutient le bourgmestre. Une des raisons majeures de la crise explosive que vit présentement la région est que des irréductibles natifs de Zogoré se disent hostiles à la « communalisation » du comité.

Aussitôt après cette campagne d’information d’apparence anodine, des bruits malsains circulent dans la province :la clameur publique raconte que le maire veut « retirer » le comité de jumelage des mains des natifs de Zogoré pour le remettre aux populations des autres villages du département.

On lui prête aussi l’intention de chercher à « contrôler le comité en oeuvrant subtilement au retour des membres de l’ancien bureau, autrefois présidé par Léopold Savadogo. Conséquence : une certaine population a décidé de « déclarer la guerre » au maire et à ses conseillers que l’on dit proches de lui. Les « intellectuels » non résidents à Zogoré, le pasteur, le prêtre, l’imam, le chef du village, le chef de terre, une partie de la jeunesse de Zogoré, etc. tous feront dans la manipulation des esprits. Résultat ? Les gens exigent le départ pur et simple du maire.

Le 19 décembre 2010, l’édile fait convoquer, conformément aux nouveaux textes en vigueur, une assemblée générale à l’effet de renouveler le présent bureau du comité. Mal lui en est pris. La salle de réunion s’est transformée ce jour-là, en un ring de boxe : partout, fusaient les injures grossières professées par les citoyens de tout âge et de tout sexe. En définitive, le renouvellement du bureau du comité de jumelage n’a pas eu lieu. Aura-t-il vraiment lieu un jour ? Le département de Zogoré est en train de s’éloigner des principes de la gouvernance démocratique locale. A notre passage le 23 décembre, c’était la psychose générale. Pris de peur, le maire lui aussi, se refuse de regagner ses bureaux tant que les « gens n’arrêteront » pas de le charger « injustement ».

La bagarre des deux comités

Le président de l’ancien bureau, Léopold Savadogo, en passant la main au nouveau bureau en 2007 était le coordonnateur du « volet alphabétisation » financé par la partie française qui aurait dit, selon Léopold, sa grande satisfaction dans l’exécution de la mission. Comble de mésentente : l’activité était menée par un des membres de l’ancien bureau alors que les chéquiers, eux, étaient entre les mains du nouveau bureau ! Quand Léopold Savadogo a émis ses chèques pour parachever ses activités, l’actuel bureau a émis une fin de non recevoir.

La conséquence de cette bagarre fâcheuse est que les Français ont non seulement retiré leurs comptes logés dans les institutions financières à Ouahigouya des mains de l’actuelle équipe dirigeante du comité, mais aussi et surtout les "amis" français déclarent ne pas reconnaître le comité communal de jumelage dirigé par Sibiri Savadogo. S’en suivra une série d’échanges de correspondances assez salées entre les parties française et burkinabè. Le comité de jumelage a bien un pied cassé à Zogoré. Quant aux partenaires allemands, ils jouent les spectateurs un peu stupéfaits. Jusqu’au moment où nous écrivions ces lignes, la tension semblait perceptible à Zogoré. Le 3 janvier dernier encore, une tentative de marche de protestation pacifique en direction de la préfecture a été annulée.

Les initiateurs se sont contentés d’une remise de lettre appelée mémorandum au préfet de Zogoré. Les signataires de cette prouesse qui « expriment leur mécontentement total et rejettent le maire » sont en grande partie, les chefs traditionnels, coutumiers, religieux…Ici, les « médiateurs » se sont mués en agents actifs de la contestation ! Pour colmater les brèches, Jean Baptiste Zongo, haut-commissaire de la province du Yatenga, s’est rendu le 7 janvier 2011 à Zogoré pour offrir ses bons offices.

La réunion s’est tenue sous haute sécurité des forces de l’ordre. « J’éprouve un sentiment de satisfaction, au regard de la participation massive des forces vives de Zogoré à cette invite. Je crois que nous avons pu renouer le fil du dialogue entre les différents protagonistes de la scène communale. Je pense que le climat s’est apaisé et c’est de cela qu’ont besoin tous les enfants du département de Zogoré pour rester dans la dynamique du développement et de la gouvernance locale », a confié le haut- commissaire.

Idrissa NOGO (idrissanogo@yahoo.fr)


Intérêts égoïstes au détriment du développement

Selon les archives, la coopération de jumelage entre Zgoré, la France et l’Allemangne existe depuis 1986.Près de 75% des investissements socioéconomiques et des infrastructures scolaires réalisés dans la commune et particulièrement à Zogoré portent la marque des partenaires allemands et français. A titre d’exemple, du 31 mai 1996 au 28 octobre 2010, les Allemands ont investi 370.075.339FCFA dans la région. Quant aux Français, ils ont injecté du 31 mai 1996 au 15 février 2007, la somme de 68 606 325 F CFA.

L’actuel bureau du comité communal de jumelage dont le président est Sibiri Savadogo et le trésorier Abdoulaye Ouédraogo aurait refusé de faire positionner un chèque destiné à l’exécution des cours d’alphabétisation. A ce reglement de comptes voilé, s’ajoute une autre affaire tenebreuse : selon une source proche de l’actuel comité, Augustin Savadogo, ancien trésorier du bureau sorti, aurait touché le 2 janvier 2007 sur le chèque n° 7 589 731, la somme de 3 976 000 destinée à la réalisation des activités « puits et jardins ».

Notre source nous apprend qu’Augustin Savadogo aurait déposé cette somme sur son compte personnel pour en disposer à sa guise. Ici, en effet, une grosse ombre subsiste sur cette affaire. La preuve ? Le 15 février 2007, Augustin restitue effectivement (bordereau de versement n° 649 500) à une banque à Ouhigouya, la somme de 2 700 000 F CFA sur le montant global encaissé. Pour sûr, la confiance entre Zogoré et les partenaires s’est déjà effritée puisque des comptes bancaires ont été entre temps fermés et rouverts encore à Ouahigouya avec de nouveaux cosignataires.

I.N.

Sidwaya

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