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PAYSAN TUE PAR DES ELEPHANTS A DOUNA : Les circonstances du drame

Publié le mercredi 23 septembre 2009 à 04h21min

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Les habitants de la commune rurale de Douna, une localité située à 45 kilomètres de Banfora sur l’axe qui conduit à Sindou, vivent ces derniers temps dans la psychose des éléphants. Pour cause, un troupeau de plus de soixante pachydermes a fait irruption dans le village rendant les déplacements difficiles. Ces éléphants, de l’avis de la population, ont fait de leurs champs de maïs leur habitacle. En plus des dégâts qu’ils causent dans les champs, les éléphants ont tué un paysan de la localité le samedi 12 septembre 2009. Qu’est-ce qui s’est réellement passé pour que ce dernier du nom de Dolbane Kara, se fasse tuer par des animaux réputés inoffensifs ? Pour en savoir davantage, nous nous sommes rendus à Douna le mardi 15 septembre où nous avons pu recueillir le témoignage de quelques personnes.

Notre premier interlocuteur à Douna est un conseiller municipal de Monsona, un des villages qui composent la commune. Selon ce dernier, Hié Fobiéné, un producteur, s’est présenté à lui le mercredi 9 septembre 2009 dans la soirée. Il nous relate par le menu ce qu’il sait du drame : "Il est venu m’informer que son champ de maïs a été visité par des éléphants qui y ont causé des dégâts. Je lui ai dit d’en informer les forestiers. Puis j’ai proposé au maire de la commune de profiter du jour du marché pour sensibiliser la population et l’inviter à suivre les règles de conduite édictées par les services de l’environnement en pareille circonstance. Ne voulant pas débourser les 6000 F nécessaires à la réquisition du forestier, Fobiéné est revenu de la préfecture me dire qu’il renonce au constat et que, d’ailleurs, les dégâts causés par les éléphants n’étaient pas énormes. Mais voilà que le vendredi, c’est-à-dire deux jours après sa première venue chez moi, il est revenu me dire que les éléphants ont de nouveau pénétré dans son champ et que le lendemain, jour du drame, il irait voir comment les éloigner par ses propres moyens. Je me rappelle lui avoir dit de ne plus laisser sa famille aller au champ. Je lui ai aussi dit de ne pas s’armer lorsqu’il y va. Je ne sais pas comment ils se sont retrouvés au nombre de cinq nez à nez avec les éléphants avec deux fusils sur eux. Ce qui est sûr, le samedi au coucher du soleil, il est arrivé chez moi et m’a dit qu’il s’était rendu au champ en fin de matinée en compagnie de quatre autres personnes mais qu’ils ont été chassés par les éléphants. Mais jusqu’au soir, l’un d’entre eux, en l’occurrence Dolbane Kara, n’était toujours pas de retour.

Le mardi 15 septembre 2009 était le premier jour de marché de Douna après le drame. C’est donc naturellement que les commentaires allaient bon train sur le sujet. Dans un coin du marché, nous apprenons que lorsque les cinq « braves » ont retrouvé les traces des éléphants à partir du champ de Fobiéné, ils ont décidé de les suivre. Ils auraient même parcouru plus d’un kilomètre après le champ qui, lui même, est à une bonne dizaine de kilomètres du centre de Douna. A cet endroit où la visibilité n’était plus bonne à cause des buissons et arbustes, l’un des cinq hommes serait grimpé dans un arbre pour repérer les animaux au loin. Pourtant les éléphants n’étaient pas loin. Les secousses de l’arbre dérangent alors la tranquillité des animaux qui les ont poursuivis jusqu’à rattraper Dolbane Kara, un chasseur et natif du village qui, semble-t-il, est revenu de la Côte d’Ivoire il y a environ une dizaine d’années et vivait sans famille."

Nous avons également rencontré Issouf Soura, un enseignant du CBNEF de Douna. Il fait partie des quatre qui ont accompagné Fobiéné Hié dans son champ. Voici son témoignage : « C’est le vendredi 11 septembre dans la soirée que mon voisin Fobiéné Hié m’a informé que des éléphants ont fait d’importants dégâts dans son champ et m’a demandé de l’y accompagner le lendemain. Nous y sommes allés effectivement et c’est vers 11 h et demi que nous sommes arrivés. Nous avons suivi les traces des éléphants et, à peine 100 mètres du champ, nous les avons aperçus. A l’aide de nos dabas, nous avons fait du vacarme pour les éloigner. Notre stratégie a produit les résultats escomptés. Les animaux s’en allaient. Un peu plus loin, la zone était très touffue et la visibilité n’était pas bonne. Pour éloigner davantage les éléphants, nous avons encore avancé pour faire plus de bruit toujours à l’aide de nos dabas. Nous n’avons pas vu le mâle dominant qui était un peu en retrait du reste du troupeau. Soudain, il a barri et a foncé sur nous. Alors c’était la débandade. Chacun se cherchait. J’ai couru environ 3 kilomètres et je me suis retrouvé dans le village de Wolonkoto. Il m’a tout l’air que le défunt Dolbane Kara, au lieu de courir dans la même direction que nous, a, tout comme s’il a été pris de panique, couru vers le troupeau d’éléphants. Lorsque des collègues de Wolonkoto m’ont conduit à Douna, j’ai appelé Fobiéné Hié, le propriétaire du champ, qui m’a dit qu’ils sont arrivés à Douna mais qu’ils n’était que trois.

L’ampleur des dégâts nous aurait pu être communiquée par le forestier que nous avons retrouvé à la préfecture de Douna. Ce dernier nous a dit que son DR, que nous savions pourtant en mission à Ouagadougou, était en route pour Douna. Pour ne pas se prononcer, il nous a simplement demandé d’attendre l’arrivée de celui-ci qui est seul habilité à répondre à nos questions. Toujours est-il qu’une équipe de forestiers à laquelle se sont joints des dozos, la police et le conseiller de Monsona, est allée à la recherche du cinquième paysan le lundi 14 septembre 2009. C’est après une longue fouille que le corps éventré de Dolbane Kara et camouflé dans des buissons a été découvert. Il avait des fractures sur ses quatre membres et son arme se trouvait à 4 mètres de lui avec, selon des indiscrétions, une cartouche engagée. L’état de putréfaction avancé du corps a obligé l’équipe à l’enterrer sur place."

De l’avis des techniciens, ce sont plus de 60 éléphants, subdivisés en groupes de 3 à 15, qui errent dans les environs de Douna. Les habitants de Douna souhaitent que les autorités fassent quelque chose pour sauver le peu de cultures qu’ils attendent de récolter.

Par Mamoudou TRAORE

Le Pays

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