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PRESSE BURKINABE : Cette femme coquette tant courtisée

Publié le mardi 25 août 2009 à 01h28min

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Pourquoi des responsables, ou même de simples citoyens deviennent-ils fébriles, incontrôlables et vont parfois jusqu’à perdre la raison quand leur nom est cité dans un journal ? La presse est cette femme coquette que tout le monde courtise, adule, respecte : on est prêt à tout pour avoir ses bonnes grâces. Elle est paradoxalement aussi cette femme acariâtre que tout le monde fuit et dont on a peur des sarcasmes. C’est vrai, au Burkina et ailleurs. Il y a des hommes, des milieux et des circonstances où on ne tolère pas sa présence parce qu’on a peur de ce que ses yeux voient et de ce que ses oreilles entendent. Autant elle est courtisée, autant elle est haïe, parfois crainte.

Pourtant, des femmes et des hommes dépensent des sommes assez conséquentes pour faire venir la presse à leurs manifestations. Pour une cérémonie de remise de cent (100) sacs de mil, de maïs ou de riz, on mobilise la télévision, la radio et la presse écrite pour qu’elles viennent immortaliser les actes et les paroles des uns et des autres. Il peut arriver que le coût de leurs prestations surpasse même le coût de ce qui est remis aux populations. Mais, il faut cette présence de la presse pour témoigner que l’on fait quelque chose pour les populations ou en leur nom. Tout cela entre dans le cadre normal des rôles et attributions des uns et des autres : les uns pour poser des actes et les autres pour être des témoins desdits actes en vue de les faire connaître.

Ainsi, la presse est conviée aux cérémonies de plantations d’arbres, particulièrement en ce mois d’août, aux cérémonies de remise des prix d’excellence qui sont organisées partout et par tout le monde, pour couvrir l’inauguration d’une école ou d’un dispensaire, etc. Au cours de ces manifestations, elle recueille des témoignages, des impressions et des sentiments des organisateurs et des participants. Mais gare à elle si elle fait une mauvaise transcription ou une mauvaise traduction des déclarations de ceux-ci. Le problème devient plus grave si après réflexion, quelqu’un réalise qu’il ne devrait pas dire les choses de la manière dont il les a dites. Il récuse les propos qui lui sont attribués, il ne les a jamais dits. Il s’ensuit parfois un procès en diffamation sous le prétexte que le journal (c’est le plus souvent le cas) lui a fait dire des propos qu’il n’a jamais tenus. Il se pose ici la question de la responsabilité des responsables ou des « irresponsables ». Nombre de responsables refusent d’assumer leurs responsabilités en reniant leurs déclarations ou les actes qu’ils ont posés.

Nous vous donnons comme exemple le cas de ce responsable d’une structure associative qui a décidé de traîner en justice un journal au motif que celui-ci a publié une photo de lui. Question : la structure est-elle clandestine ? Se réunit-elle secrètement en des endroits inconnus du public ?

Sinon, le responsable d’une structure qui mène ses activités au grand jour, au su et au vu de toute la société, peut-il se plaindre de voir sa photo dans la presse ? C’est seulement possible dans un Burkina où tout un chacun prétend connaître ses droits, tout en oubliant celui du journal qui est précisément celui de publier et d’informer avec à l’appui la photo, la caricature ou tout autre procédé qu’il juge utile et qui n’est pas interdit par la loi. Le crédit photo n’est exigé qu’en cas où les droits d’auteurs sont prélevés. Un autre exemple de la fuite de responsabilités. Dans une enquête sur les lotissements et les mille et un problèmes qui s’y rattachent, un responsable déclare que les problèmes de terrains existent partout dans le monde, même dans les pays développés (il avait eu le malheur de nommer un pays précis). Le journaliste- enquêteur transcrit ses propos. A la parution du journal, volte-face de notre bonhomme.

Il dit aux juges qui composaient le tribunal devant lequel il avait traîné le journal pour diffamation, qu’il n’a jamais tenu de tels propos. Et quand le tribunal lui demande s’il reconnaît au moins sa photo qui se trouve sur la page, il répond qu’il ne sait pas comment le journal a obtenu celle-ci, une photo qui a pourtant été prise avec son consentement au cours de son entretien avec le journaliste au siège du journal. Nous vous donnons un dernier exemple qui va achever de vous convaincre que certains ont peur de la presse, à telle enseigne qu’ils renient souvent ce qu’ils ont fait. Enquêtant sur une affaire de malversations dans un groupement, le journaliste, pour authentifier et donner plus de crédit à ce qu’il a trouvé, a cité le nom du responsable qui a légalisé les documents dudit groupement. Dès qu’il a vu ou dès qu’on lui a dit que son nom a été cité dans le journal, il téléphone et demande que le papier soit repris parce que lui, il est étranger à cette affaire.

Par la suite, il s’est déplacé personnellement à la rédaction du journal où il lui fut produit le document portant son sceau et son nom. Les responsables, à quelque niveau où ils se trouvent aiment bien la presse, mais à condition qu’elle chante leurs louanges et qu’elle les caresse dans le sens du poil. Mais dès lors qu’elle « se méprend » sur la nature de leurs actions ou qu’elle les égratigne, certains deviennent fous de rage et la vouent aux gémonies. Elle devient un adversaire qu’il faut écraser à tout jamais et par tous les moyens. Pour arriver à leurs fins, des sanctions sont mises en œuvre. Dans un premier temps, le journal n’est plus invité aux cérémonies organisées par la structure et ses démembrements ; ensuite, il est exclu de toutes les annonces publicitaires qu’elle viendrait à initier ; enfin, c’est le procès.

Le refus d’assumer ses responsabilités pose à la fois un problème éthique et moral. Comment dorénavant faire confiance à des hommes et à des femmes qui nient aujourd’hui ce qu’ils ont affirmé avec force et assurance hier ? Ce refus est surtout un danger pour les journaux que leurs rebuffades incessantes tendent à faire considérer comme des affabulateurs. Certes, il faut reconnaître, en toute humilité, que des journalistes, par manque de formation conséquente se rendent coupables parfois de manquements graves et inacceptables. La première chose à faire dans ce cas, c’est de le reconnaître et de s’excuser auprès de qui de droit, ce qui est fait par tous les journaux. Mais il arrive aussi que les journalistes persistent et signent quand ils sont convaincus de leur bon droit. Dans ce cas, il ne faut pas demander à la presse d’être accommodante.

Sidzabda

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 25 août 2009 à 11:42, par KRITIK En réponse à : PRESSE BURKINABE : Cette femme coquette tant courtisée

    Sans nul doute que la presse constitue un 4e pouvoir qui peut à la fois porter une personne aux nues et la jeter en pature.

    Sur les questions de diffamation et du droit à l’image, une presse professionnelle prend un minimum de précautions. Le droit à l’image est un droit de la personnalité, qui exige le consentement de la personne pour la reproduction de son image et son autorisation pour sa diffusion. Une personne peut donner son consentement à la reproduction de son image sans donner l’autorisation de diffusion. La presse devra donc s’assurer par un document écrit pour se couvrir contre un éventuel procès que la personne a donné à la fois son consentement pour la reproduction de son image et son autorisation pour sa diffusion. Et cela n’autorise pas un journal de diffuser l’image de la personne dans un autre article pour lequel l’autorisation n’avait pas été accordée, sauf convention contraire.

    Quant à la diffamation, sa définition couvrant des situations assez larges (atteinte à la réputation, à l’honneur de quelqu’un, l’appréciation voire l’arbitraire du juge sous nos tropiques peut être dangereuse pour la presse.

    Ceci étant, en recueillant les propos de quelqu’un avec un dictaphone, on se préconstitue une preuve irréfutable.

    Vive une presse professionnelle pour un citoyen responsable !

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