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PENURIE D’ESSENCE MELANGE A DEDOUGOU : Entre mensonge et escroquerie

Publié le lundi 27 avril 2009 à 00h59min

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Dur, dur d’avoir de l’essence mélange 2 temps dans toutes les stations-services de Dédougou ces temps-ci. La pénurie de ce liquide précieux et indispensable au fonctionnement des motos de marque Camico, MBK, P50, CT, Delta et autres BB perdure et inquiète plus d’un dans la cité de Bankuy. Si dame rumeur justifie cette pénurie dans les stations- services par la hausse soudaine du prix de l’huile 2 temps, les gérants, eux, accusent leur trésorerie et la panne des mélangeurs. Du jamais-vu à Dédougou.

Depuis plus de trois semaines, les quatre stations- services de la ville de Dédougou ne distribuent plus d’essence mélange 2 temps. Les robinets de ce liquide sont hermétiquement fermés. La principale raison évoquée par les gérants de ces stations services est la panne des mélangeurs. Lorsque vous poussez l’interrogatoire, ils se refusent à tout commentaire. La semaine d’avant déjà, ces gérants avaient soumis les utilisateurs des Camico, MBK, P50, CT et autres BB au "régime" de 6%. Cette pénurie a eu pour conséquence entre autres le ralentissement de certaines activités économiques. Souleymane Coulibaly, gérant de la station "Excel ECODIS" route de Tougan, clame sa bonne foi.

"Pendant que les autres soumettaient les clients au "régime" de 6%, nous, nous avons continué à servir nos clients selon leur pourcentage. Les raisons évoquées par les autres stations étaient liées aux énormes pertes enregistrées par la vente du mélange : "Nous pensions qu’il y avait une subvention, mais nous ne savions pas comment les autres s’arrangent. A notre niveau, nous connaissons actuellement un problème de trésorerie, mais nous pensons que d’ici là, tout sera mis à point. Notre banque qui nous soutenait a arrêté de le faire parce que nous avons des factures impayées. Nous devons de l’argent à notre fournisseur d’huile. Et comme nous tenons à utiliser l’huile de ce fournisseur qui est de qualité, nous sommes obligé d’attendre.

Nous aurions pu prendre de l’huile de qualité inférieure, mais comme nous voulons servir de la qualité à nos clients et éviter de gâter leurs engins et nos distributeurs, nous avons arrêté pour reprendre incessamment." Un employé d’une des stations qui a requis l’anonymat nous a confié que la principale raison de cette pénurie est liée à l’augmentation du prix de l’huile : "Le gouvernement, dit- il, a adopté un système de compensation, mais qui ne couvre pas nos dépenses au niveau du mélange. Nous devons vendre à perte, et vous convenez que personne ne va accepter faire du commerce sans bénéfice". "Diago koun yé tonon yé". De mémoire d’homme, jamais une pénurie d’essence mélange 2 temps n’a duré aussi longtemps que celle-là à Dédougou. Avec un brin d’ironie, Adama Konaté que nous avons rencontré le 12 avril dernier en train de pousser sa Camico, nous a expliqué que "la nouvelle marque des pompes de Dédougou est devenue "panne". Et comme il ne consomme pas le produit de cette, marque", il préfère aller voir du côté des vendeurs de l’essence par "terre".

Comme lui, presque tous les consommateurs de l’essence mélange 2 temps sont obligés de se ravitailler chez ces détaillants pour pouvoir circuler, au risque de se déplacer à pied ou à bicyclette. Aux dires de certains mécaniciens de la ville, ce mélange constitue un danger pour les motos parce que l’huile utilisée est de mauvaise qualité, et en plus, le carburant a une faible teneur en lubrifiant. La situation inquiète plus d’un consommateur d’essence mélange à Dédougou. Maurice Kondé dit avoir garé sa P50 pour aller désormais à pied en espérant avoir les moyens pour s’acheter de l’huile et procéder au mélange lui-même. Aussi conseille-t-il aux autres consommateurs de suivre son exemple, afin d’éviter les graves pannes.

"En 2008, pendant une pénurie, je me suis fait servir l’essence mélange chez les petits revendeurs, et cela a occasionné d’autres dépenses, parce que j’ai été obligé de changer le cylindre et le vilebrequin de ma P50. Pour donc éviter cela, je préfère ne pas m’y aventurer. Aller à pied fait du bien", a-t-il dit. Ces propos corroborent ceux de Bolly Ali, mécanicien à côté de l’ex-Faso Yaar, au secteur 1 de Dédougou. "Depuis qu’il y a la pénurie, nous sommes constamment sollicités. Quotidiennement débordés par le démontage des blocs moteurs. Et cela est dû à l’insuffisance de l’huile dans l’essence. La faible teneur de lubrifiant entraîne une conséquence sur le cylindre et le vilebrequin du moteur. Des motos ont même été bloqués du fait de la mauvaise qualité de l’essence mélange ces derniers temps" a-t-il expliqué. Sans trop jeter le discrédit sur les gérants de ces dépôts d’essence par "terre", un technicien nous a confié que le mélange manuel ne répondait pas aux normes. Aussi, les engins ne sont pas astreint au même pourcentage. Selon lui, le mélange se fait par un appareil conçu et incorporé dans les pompes à distribution.

Une activité florissante

Si Maurice Kondé a opté de ne pas utiliser l’essence "par terre", ce n’est certainement pas le cas de la plupart des autres consommateurs. D’ailleurs, la vente de l’essence par "terre" est devenue depuis le début de la pénurie une activité florissante dans la cité de Bankuy. A tous les carrefours de la ville, des dépôts d’essence ont poussé comme des champignons. On dénombre environ une centaine dans la ville. "L’activité me rapporte un peu", nous a confié Boudou Drabo qui a son dépôt à Kouroukan (sur la colline) au secteur 2, zone nouvellement lotie. Selon lui, il vend en moyenne 40 litres d’essence mélange par jour à raison de 800 francs le litre. Tout en refusant de dire à combien s’élève son bénéfice, il se contente de dire que le nombre de revendeurs croît de jour en jour et que ses revenus vont décroissants.

Le prix du litre du mélange varie selon le lieu de vente. Au centre ville par exemple, le litre d’essence mélange se vend entre 750 et 800 francs. A la sortie de la ville et à la périphérie, le litre est vendu entre 800 et 900 francs. "On vend à ce prix pour avoir un bénéfice compris entre 35 et 55 francs", justifie Boudou Drabo. Les autorités municipales taxent l’activité d’illégale. Selon le secrétaire général de la mairie de Dédougou, Yssouf Ouattatra, l’occupation du domaine public est soumise à une autorisation. Pire, cette activité constitue un manque à gagner pour la commune qui a droit à la taxe unique sur les produits pétroliers (TUP). Ces dépôts par "terre" ne sont pas assujettis à cette taxe. D’où le manque à gagner. Cette donne, les "gérants" de ces dépôts d’essence par "terre" semblent l’ignorer. "J’ai vu les gens faire, et comme c’est rentable, je m’y suis engagé. J’ignore que cette "petite" activité est soumise à une autorisation. Et comme tout le monde parle de lutte contre la pauvreté, je crois savoir que cela s’inscrit dans cette dynamique", confie Karim Séré, dont le dépôt est situé derrière le palais de viande, au secteur 1. Il vend en moyenne 80 litres de mélange par jour et réalise un bénéfice de 40 francs par litre.

Des accusations accablantes

Selon certaines indiscrétions, la pénurie ne touche pas tout le monde. Il suffit d’avoir des accointances avec les employés de certaines stations-services pour se faire servir nuitamment le précieux liquide dans des bidons. Souleymane Coulibaly de la station-service Exel ECODIS, route de Tougan, ne croit pas à cette rumeur. Selon lui, il pourrait s’agir du stock de sécurité qui est servi uniquement en cas d’urgence. Qu’à cela ne tienne, des Dédoulais qualifient cette pénurie de mensonge et d’escroquerie. A quelque chose malheur est bon, dit une sagesse. La pénurie de l’essence mélange a, certes, créé des emplois, momentanés soient-ils, mais n’est pas sans conséquence sur les relations sociales qui s’effritent de jour en jour. De nos jours, rares sont ceux qui, au vu de la situation, acceptent de prêter leur engin, au risque de se faire déprogrammer.

"C’est la faute aux gérants des stations et du gouvernement", martèle Elise Drabo. "Pourquoi le prix de l’alcool et du tabac ne connaît pas une hausse ? Ce ne sont pas des produits de première nécessité !!!" dit-elle avant de conclure que le gouvernement doit adopter des solutions durables. Comme elle, nombreux sont ceux qui pointent d’un doigt accusateur le gouvernement. Sont de ceux-là, Harouna Kindo, secrétaire général de l’union provinciale de la CGTB Mouhoun. Pour lui, cette pénurie est la concrétisation de ce qu’on a craint et que les syndicats ont toujours voulu faire comprendre aux autorités, leur manière de gérer les denrées de première nécessité. "Nous avions dénoncer la mauvaise organisation de la distribution du carburant.

Des gens n’ont pas voulu écouter. On a toujours donné des explications qui, en fait, étaient des faux fuyants. Mais voilà que depuis début avril, nous assistons à une pénurie sans fin", a -t-il fulminé, avant de s’inscrire en faux contre ceux qui se cachent derrière la crise financière pour justifier la cherté de la vie. A ses yeux, les populations souffraient déjà avant cette crise financière, et il est grand temps que les autorités s’organisent mieux, sinon changer de fusil d’épaule, pour contrer la crise financière. Il y a lieu donc de trouver rapidement une parade. En tout cas, certains prophétisent que l’essence connaîtra une hausse dans les jours à avenir. Au moment où nous bouclions ce papier, la station Total centre-ville a repris la distribution de l’essence mélange le 21 avril 2009. Cependant, cette distribution se fait deux fois par jour, matin et soir, et à une faible quantité.

Par Serge COULIBALY

Le Pays

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