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Insalubrité à Ouahigouya : La saga des ordures

Publié le jeudi 8 janvier 2009 à 23h45min

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L’insalubrité a la peau dure à Ouahigouya. Dans les secteurs n°7, 8, 9, les populations étouffent sous les odeurs des ordures. Une situation qui ne laisse personne indifférent.

L’insalubrité dans certains secteurs de la ville de Ouahigouya est aussi préoccupante que la pauvreté au niveau de la région du Nord. Les secteurs les plus concernés sont entre autres les secteurs n° 7, 8 et 9. Des caniveaux aux puits perdus en passant par des tas d’immondices jonchant les bas côtés de la route, Ouahigouya « respire » les ordures. Vendredi 19 janvier 2007. 08 h 15. Secteur n°7.

Là, les caniveaux ont été transformés en bacs à ordures. le plus long canal de la ville (plus de 300 m) traverse ledit secteur à proximité de la grande mosquée. L’environnement y est invivable et nauséabonde. Les âmes sensibles ne pourront pas supporter le spectacle qui s’offre à la vue. Des enfants défèquent dans la rue en cette matinée. Des ménagères déversent les saletés des concessions aux abords des portes, à moins de deux mètres de distance. A un jet de pierres, des jeunes prennent le thé sous les odeurs suffocantes. Quant aux vieillards, ils palabrent sous l’arbre. Tout cela dans la « délectation » des odeurs nauséabondes des ordures.

La plupart de ces habitants ont pris conscience du phénomène. Pour Adjara Ouédraogo du secteur n°7, l’insalubrité est une réalité à Ouahigouya. Selon elle, Il faut que la mairie réinstaure les conseils de famille comme au temps des grands-parents. « Si la mairie exige des comptes rendus trimestriels à chaque famille, elle résoudrait le problème facilement. Les chefs de famille, eux, pourraient initier un nettoyage dans les cours et les alentours par des groupes de personnes par famille et à tour de rôle. La mairie pourrait également initier des primes aux concessions qui auront fait de la propreté, leur cheval de bataille. » D’où sa conclusion : « les vrais responsables de l’insalubrité à Ouahigouya demeurent les chefs de famille ».

Pour Yssouf Ouédraogo, les ordures empoisonnent la vie de la cité : « les saletés dans la ville de Ouahigouya dérangent et incommodent par les mauvaises odeurs. » Mais, ces saletés sont utiles aussi selon lui, car « servent de fumier, aussi bien en saison sèche qu’en saison hivernale, pour les champs ».

La question de l’insalubrité de la ville est d’actualité. Toutefois, il est difficile pour les uns et les autres de situer les responsabilités. A cet effet, éleveurs et ménagères se jettent la balle de la culpabilité. Le constat qui se dégage est que les secteurs les plus sales sont occupés en majorité par des éleveurs. Sidiki Ouédraogo, éleveur au secteur n°7 témoigne : « personne ne peut finir avec l’insalubrité dans ces secteurs, parce que presque tous les habitants sont des éleveurs. » Pour cet éleveur, il n’est pas question de mettre fin à l’élevage en ville : « nous n’allons jamais cesser d’élever pour rendre la ville propre.

Entre la beauté d’une ville et le devoir de nourrir sa famille, il faut choisir. Si nous voulons vraiment que notre cité soit propre, il faut que la mairie éloigne les éleveurs de la ville. Or, cela est une chose impossible. Le ramassage des ordures n’est pas une solution parce que nous en utilisons dans nos champs et jardins comme fumier ».
Le problème causé par la prolifération des ordures, amène certains jeunes des secteurs concernés à réclamer l’élaboration d’un projet ZACA, version Ouahigouya (Zone d’Activité commerciale et administrative).
Toute chose qui aboutira à l’assainissement réel de la ville et du coup permettre aux habitants de la ville de respirer à plein poumon l’air frais.

Insalubrité rime avec pauvreté et chômage

Selon certains habitants, l’insalubrité est liée à la pauvreté et au chômage. Elles font cause commune à entendre Hamidou Ouédraogo du secteur n° 9 : « Si l’on veut rendre notre cité propre, il faut que la mairie lutte contre la pauvreté et le chômage ambiants dans ces secteurs. La mairie pourrait créer des emplois pour les jeunes à travers le nettoyage des secteurs concernés.

Cela nécessite la mobilisation des moyens pour transporter les ordures hors de la ville ». Au secteur n°9, l’insalubrité est essentiellement causée par les déchets des animaux. A cela s’ajoute les ordures ménagères. Du fait que la majorité des populations sont des éleveurs, les fecs des animaux et les ordures ménagères sont entassés au même endroit, non loin de l’entrée des concessions. Ainsi, les femmes sont accusées à tort ou à raison d’être celles qui produisent le plus de saletés. Aminatou Bagaya du secteur n°7 : « les femmes veulent la propreté car elle donne la santé. Pour rendre nos quartiers propres, il revient à la mairie de creuser des fosses dans chaque secteur pour permettre aux gens d’y jeter leurs ordures.

Quand ces fosses seront pleines, la mairie les videra et ira les jeter dans les champs. Ainsi, l’on pourra lutter contre l’insalubrité, étant donné que l’on ne peut pas empêcher les gens de produire des ordures et des saletés de tout genre ». A Ouahigouya, l’insalubrité a pris une telle ampleur que certains pensent que les autorités sont déconnectées des réalités de la ville. C’est le point de vue de Djbril Ouédraogo du secteur n°8 : « si les responsables de la mairie ne se soucient pas de nous, c’est parce qu’ils vivent dans des maisons de haut standing, ne subissent pas les piqûres de moustiques et ignorent les maladies telles que le choléra, la diarrhée et le paludisme ».

De la divagation des animaux et la prolifération des sachets plastiques

Et le cri de cœur d’une fillette de douze ans du secteur n°7 est alarmant : « venez nous sauver, les moustiques vont nous tuer. Regardez ça (elle indexe l’insupportable saleté dans les caniveaux) est-ce que l’on peut vivre paisiblement ici ? ». Le bout du tunnel semble lointain quant la divagation du bétail s’en mêle.

La problématique de la divagation des animaux se pose avec acuité. Les habitants des secteurs concernés par l’insalubrité font face à ce phénomène. Ces animaux rejettent leurs excréments un peu partout dans les quartiers. Ce qui empêche les usagers de circuler dans un environnement sain. A cela s’ajoute le fait que tous les enfants font leur besoin dans les « six (6) mètres ». Ce qui fait que les excréments d’animaux et ceux des enfants font bon ménage dans ces rues, mettant en péril la santé des individus. Hamidou Ouédraogo du secteur n°9 affirme : « nous sommes constamment malades à cause des eaux pourries et des ordures nauséabondes ».

Un autre phénomène d’insalubrité non moins négligeable constitue la prolifération des sachets plastiques dans la cité de Naaba Kango. Secteur n°13. Ce secteur semble être un dépotoir à ciel ouvert de sachets plastiques. Avec l’harmattan qui souffle presque toute l’année, les sachets se retrouvent dans les concessions, les lieux de travail, partout dans la ville. Mêlée à la poussière, les Ouahigouyalais ne sont pas mieux lotis du fait que ces plastiques se sont révélés être l’ennemi n°1 des animaux.
Autre lieu, même constat. Le grand marché de la ville n’échappe pas à l’emprise des ordures. A l’intérieur dudit marché, les caniveaux sont bouchés.

Le lieu de vente des condiments appelé Naaba Raaga, situé au secteur n°6 est un dépotoir à ciel ouvert. La nuit tombée, les animaux squattent le passage aux usagers de la route. Selon certains commerçants, des initiatives avaient été prises pour trouver des solutions idoines au problème, mais faute de moyens matériels et financiers, l’initiative a été un échec. Mahama Ouédraogo explique : « nous avons entrepris de vider les caniveaux du marché mais la mairie ne nous a pas soutenu. Il faut que la mairie soutienne les initiatives privées pour rendre notre cité propre. Il y a des personnes qui sont prêtes à travailler dans ce sens. Alors la mairie doit apporter une aide financière ». Tous les regards semblent sont tournés vers la mairie pour faire bouger les choses. « Si l’on veut rendre notre cité propre, il faut que la mairie lutte contre la pauvreté en recrutant les centaines de jeunes qui vivent dans les quartiers sales.

La mairie en mettant à leur disposition des véhicules et en leur proposant des salaires autour de 10 000 F CFA/mois, ces jeunes chômeurs auront du travail et rendront notre cité propre et saine ». Quant à Idrissa Zongo dit Monzinga, il demande à la mairie d’impliquer toutes les couches sociales : « Il faut d’abord de la sensibilisation, la construction de poubelles de quartier, de bac à ordures et de véhicules pour transporter les ordures.

Personne ne veut cette saleté, mais c’est la pauvreté qui en est la cause. La mairie peut également instituer une brigade verte comme à Simonville (Ouagadougou). En plus, elle pourrait donner des brouettes à chaque famille et lui indiquer l’endroit ou elle devrait jeter ces ordures. Puisque ce que vous appelez ordure constitue aussi du fumier pour nos champs ». C’est dans ces insalubrités que vivent durant des années des milliers d’habitants. Moussa Ouédraogo a son idée sur le problème : « pour moi c’est la construction de poubelles et de bac à ordures qui peut régler le problème d’insalubrité dans nos secteurs. Le vrai problème c’est que la mairie ne contrôle même pas ses bacs à ordures qu’elle met à notre disposition ».

Autre fait qui contribue à accentuer l’insalubrité est l’espacement des secteurs. Kadisso Ouédraogo trouve que ceux-ci ne sont pas assez espacés : « je trouve qu’il n’y a pas assez d’espace. Voilà pourquoi les gens déposent les ordures sur les voies publiques. La mairie peut aménager dans chaque quartier des espaces réservés uniquement au dépôt des ordures qui seront transportées plus tard dans nos champs comme compost ». Les chefs de famille n’entendent pas rester les bras croisés face à ce phénomène. El Hadj Amado Kinda veut la propreté : « nous voulons la propreté. Pour cela, nous, les chefs de famille, devons conseiller nos femmes et nos enfants afin qu’ils nettoient bien les concessions.

La propreté du quartier est sous notre responsabilité. C’est à nous de prendre des mesures pour rendre notre ville propre ».
Ainsi donc, l’insalubrité de la ville de Ouahigouya est une épine au pied de la mairie. Que proposent les autorités municipales pour sortir la ville de cette galère ? La commune de Ouahigouya dispose-t-elle d’assez de moyens financiers pour entreprendre une vaste campagne de nettoyage de la ville ? Y a-t-il un service d’hygiène capable de prendre à bras-le-corps la sensibilisation des ménages sur la propreté ? Quel est le budget de la commune en vue de son assainissement ? Ce sont là autant de questions qui trouveront réponse dans le prochain numéro de Constat.

Jean Victor OUEDRAOGO, AIB/Ouahigouya

Sidwaya

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