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Arrondissement de Sig-Noghin : Encore des bruits d’attribution « suspecte » d’un espace public

Publié le mercredi 15 octobre 2008 à 07h00min

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Depuis la mi-août, le maire de Ouagadougou, a initié une série d’audiences foraines dans les arrondissements pour faire l’état des lieux des problèmes de lotissements avec les populations. Bien plus que dans les autres communes, la gestion du patrimoine foncier dans la capitale burkinabè suscite beaucoup de suspicions, de conflits ouverts ou latents.

Ces audiences foraines ne semblent pas pourtant régler les nombreux problèmes en suspens. Bien au contraire, dans certains cas, elles les esquivent et laissent les populations dans une situation d’incertitude plus grande. C’est le cas dans l’arrondissement de Sig-Noghin, où les occupants d’un espace public avec des autorisations provisoires sont sous la menace d’expulsion. Leur espace étant désormais la propriété exclusive de Sayouba Beréwidougou, un jeune commerçant résidant dans le même quartier.

Dans cette zone, située au secteur 22, quartier Tampouy de la ville de Ouagadougou, côté Est de la route de Kongounsi, juste après les rails, des commerçants modestes, vendeurs d’articles divers se sont installés depuis bientôt 20 ans pour certains. Le quartier a été loti depuis la révolution et cet espace a été réservé comme « espace vert » selon les occupants et « zone hors lotissement » selon les autorités municipales. C’est du reste, sous cette dernière appellation que porte la zone sur l’attestation d’attribution de Sayouba Berewidougou.

Toujours est-il, qu’autour de cette zone, il y a des parcelles d’habitation. Certains occupants comme le sexagénaire Ousmane Koala et d’autres beaucoup plus jeunes tels Victor Ouédraogo, Issouf Congo, ont des « autorisations d’occupation du domaine publics » signé de l’ancien maire de l’arrondissement », Babou Jean-Pierre Ido. Pour d’autres, les autorisations sont plus récentes et signées de l’actuel maire. Ils ont donc des documents qui les autorisent « provisoirement à occuper une partie de la voie publique ». Cette autorisation est valable pour un an renouvelable par le paiement annuel des taxes d’occupation qui varie entre 30 000 et 72 000 F CFA, selon la superficie occupée, la nature des activités, etc. « Nous ne sommes pas des clandestins. Nous payons des taxes. Malgré les problèmes actuels, nous continuons de payer des taxes. »

Ces occupants exerçaient ainsi tranquillement leurs activités, jusqu’au bitumage de la route Ouaga-Kongounsi en début 2008. Dès que le bitumage a été fait, la zone d’en face qui était dans la même situation a été déguerpie de ces occupants et entièrement rasée.
Mais avant « que la route ne soit bitumée jusqu’ici, le maire Simon Compaoré est passé et nous a informés que nous aurons le bitume dans une semaine. Et que cela allait nous aider à mieux valoriser la zone. Nous lui avons en son temps demandé si avec le bitumage de la voie, nous n’allons pas bientôt être déguerpis au profit de riches commerçants. Il nous a rassurés qu’il n’en était rien. Mais curieusement ce que nous craignions est arrivé », raconte avec beaucoup d’amertume le vieux Ousmane Koala qui affirme être l’un des tout premiers occupants de la zone depuis plus 21 ans maintenant. Et poursuit-il « Simon nous a même dit que si nous avons un problème, nous pouvons aller voir le Maire Pascal Ouedraogo. Ainsi quand on est venu faire le bornage de la zone, nous avons cherché à rencontrer le maire de Sig-Noghin pour en avoir le cœur net. Nous avons envoyé une délégation de deux personnes le rencontrer. Il leur a dit que ce n’est pas lui qui a attribué le terrain à Berewidougou. Les papiers sont venus d’en haut et lui il n’a fait que signer ». Le Maire lui-même confirme que les papiers sont effectivement venus des impôts et de l’urbanisme avec des avis favorables et lui aussi a émis un avis favorable.

Mais, la démarche de l’autorité d’arrondissement a suscité des soupçons chez les occupants de l’espace querellé. Entre fin mars et début avril 2008, la mairie de Sig-Noghin y dépêche une équipe pour procéder au recensement des occupants. La raison invoquée était que le maire voulait leur trouver des boutiques en zone viabilisée au cas où l’Etat ou un potentiel acquéreur viendrait réclamer son domaine. Et les choses sont allées vraiment trop vite. En effet, « trois jours après, le maire a envoyé un policier municipal nous informer que nous pouvons faire des demandes et déposer à la mairie pour obtenir de la place dans le nouveau marché de Tampouy » affirme Issouf Congo, Président de l’association Songtaaba des petits commerçants du secteur 22. Beaucoup ont répondu à cet appel et certains ont déjà été attributaires de boutiques ou d’espaces dans ce marché.

Toujours courant avril 2008, des agents sont venus procéder au levé topographique et borner presque toute la zone. Une parcelle de 1076 m² a été dégagée. En fait, tout cela faisait suite à l’attribution, mi-avril, de la zone à Sayouba Berwidougou. Celui-ci aurait envoyé des gens voir les occupants pour leur demander de ne pas s’opposer à la viabilisation de la zone parce qu’il en est désormais l’attributaire officiel. Les occupants, eux, estiment que cette attribution est suspecte.

Certains affirment même que Berwidougou ne serait qu’un simple prête-nom du maire. Faux rétorque ce dernier. La main sur le cœur, il jure n’être prête-nom de qui que ce soit. « J’ai constitué un dossier en bonne et due forme que j’ai déposé au domaine. J’ai poursuivi mon dossier pendant 14 mois. J’ai obtenu par la suite, l’avis favorable du cadastre et de l’urbanisme. Le dossier est reparti à la mairie de Sig-Noghin et le maire a, lui aussi, émis un avis favorable » soutien Sayouba Berewidougou. Le maire soutient également, qu’il n’a aucun lien avec Béréwidougou et que s’il avait besoin d’un prête nom, pour quoi que ce soit, il utiliserait le nom de sa femme ou de son fils. Du reste, affirme-t-il, il n’en a pas besoin.

Avec documents (attestation d’attribution signée du receveur des domaines et de la publicité foncière de l’arrondissement, document de levé topographique avec plan de la parcelle) à l’appui, le nouvel acquéreur dit avoir suivi toutes les procédures normales pour acquérir cet espace. Son attestation d’attribution montre qu’il a payé toutes les taxes de jouissance qui s’élèvent à 1. 640 950 F CFA. Il a un délai de 3 ans pour mettre en valeur son acquisition. Pour avoir l’autorisation de construire, il affirme avoir payé la somme de 600 000 F CFA au Laboratoire national du bâtiment pour toutes les analyses nécessaires pour lui permettre de construire un immeuble (R + 3). Bref, le nouveau propriétaire des lieux estime être en règle vis-à-vis des textes régissant l’accès au domaine foncier urbain. « Mais, dit-il, je n’ai jamais demandé que l’on déguerpisse qui que ce soit. Je cherche à négocier une bonne entente avec eux pour que tout se déroule sans heurts. Mais il y a des gens là-bas qui cherchent à compliquer la situation. Moi je suis disposé à les rencontrer pour discuter des conditions de départ, bien que je n’y sois pas tenu. Mais à condition que tout le monde soit animé d’un bon esprit. »

Malheureusement entre les protagonistes, il y a beaucoup de suspicions. Les occupants actuels sont convaincus que les procédures n’ont pas été respectées. « Comment un espace vert peut-il devenir une zone hors lotissement ? » S’interroge le vieux Koala. « Si la zone était effectivement hors lotissement et devrait être viabilisée, ce sont les occupants qui devraient en être les premiers bénéficiaires. » En tous cas, ils sont nombreux comme le vieux Koala qui sont convaincus que cette histoire cache des dessous à fortes senteurs d’argent. Aussi ont-ils décidé de s’opposer à tous les travaux sur le terrain en attendant d’en savoir davantage. Ils ont déjà renvoyé l’équipe du Laboratoire partie pour faire des prélèvements sur le terrain pour leurs analyses. Car jusque-là, la mairie qui leur a donné les autorisations provisoires d’occupation de cet espace public ne leur a pas notifié formellement que le terrain a été attribué à quelqu’un. Pour le maire s’ils ne quittent pas de leur propre chef, ils seront déguerpis. Et de rappeler que sur leur autorisation, il est dit qu’ils doivent quitter les lieux dès la première sommation.

Certains occupants sont remontés contre la manière dont les choses sont entrain de se passer. « Nous savons que c’est un domaine appartenant à l’Etat qui peut le réclamer à tout moment. Mais nous espérions au moins que si cela devait arriver nous sérions informés régulièrement. Or tout semble se passer dans un flou où c’est un individu qui envoie des gens nous dire que le terrain lui appartient maintenant. Qu’est-ce que l’on cache ? Même si nous sommes des pauvres sans voix, nous ne sommes pas moins des citoyens qui méritons égards et considérations. » Et, pathétique, Ousmane Koala, de se lamenter « si nous sommes ici, c’est pour gagner notre pitance quotidienne. Si les riches et ceux qui ont le pouvoir s’entendent pour nous enlever ça, c’est une autre façon de nous dire d’aller mourir de faim. En tout cas, nous sommes là et attendons qu’ils viennent nous le dire en face où qu’ils envoient leurs gens nous chasser. Moi, je ne connais pas le nouveau propriétaire. Je n’ai rien contre lui mais je crois que l’argent ne donne pas tous les pouvoirs. »

Finalement, c’est la question de transparence dans la gestion des parcelles qui transparaît ici. Les occupants actuels voient dans cette affaire, un deal juteux. Et leur maire, par son attitude ne les rassure guère. Bien au contraire, en refusant le dialogue ou en esquivant toujours la question, il donne raison à ceux qui croient qu’il est mouillé dans cette affaire, même si Sayouba Bewidougou jure ne lui avoir donné aucun kopeck. Par son attitude, il met le nouvel attributaire et les occupants dans une situation conflictuelle. Pour l’instant, celui-ci est confronté à des blocages et les occupants eux veulent des explications. Ils espéraient les avoir lors de l’audience foraine du 21 août dernier. Malheureusement, les « réponses évasives » données par les maires Simon Compaoré et Pascal Ouedraogo n’ont pas dissipé leurs soupçons. Et la tension monte, monte, monte…

En fin de compte, le nouvel acquéreur, a en mi septembre donné un ultimatum aux occupants anarchiques de déguerpir. Cette sommation a été faite par voie d’huissier de justice. Les occupants eux aussi se seraient attaché les services d’un avocat. La bataille se transportera-t-elle sur le terrain judiciaire ? C’est peut-être la meilleure solution pour que toute la lumière soit faite afin que chaque partie sache enfin la vérité.

Par Boureima Ouédraogo

Le Reporter

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