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Interview de Sa Majesté Koupiendiéli, roi du Gulmu : “En une journée, Fada N’Gourma sera la capitale du Burkina Faso”

Publié le jeudi 9 octobre 2008 à 00h53min

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“Nous prendrons des directives pour aller en rangs serrés à cette grande manifestation”.

En prélude à la célébration de la fête nationale qui aura lieu à Fada N’Gourma, le 11 décembre prochain, nous avons approché le souverain du Gulmu, Sa Majesté Koupiendiéli, pour évoquer les préparatifs de cette fête ainsi que certains sujets ayant trait à la chefferie coutumière.

Sidwaya (S). : Sa Majesté, quels sentiments vous animent après la désignation de Fada N’Gourma pour abriter la commémoration de la fête de l’indépendance nationale ?

Le roi du Gulmu : C’est un sentiment de fierté et de joie. Ce choix, même s’il est le fait du hasard, est aussi le fait d’une autorité politique qui a voulu porter le dévolu sur la région de l’Est. Nous ne pouvons que saluer cela à sa juste valeur.

S. : Avez-vous été intégré à son organisation ?

L.R.G. : Je n’ai pas été intégré à l’organisation, mais je peux dire qu’en tant que leader d’opinion, je suis, auprès des autorités locales, les modalités d’organisation des diverses cérémonies. Mais je n’ai pas été acteur dans l’élaboration ni du programme d’activités, ni d’autres choses. Cependant, je suis de près les préparatifs. Quand je vais à Fada, je prends contact avec le gouverneur pour cela.

S. : La ville de Fada N’Gourma va connaître un boom infrastructurel suite à cette désignation. Quelles seront les retombées pour les populations fadalaises ?

L.R.G. : Les infrastructures telles qu’elles sont annoncées et en voie de réalisation constituent un très grand plus pour la ville et partant, la région. Parce que Fada manquait beaucoup de ces structures et nous pensons qu’après ces manifestations, il y aura des décisions qui seront prises pour affecter telle ou telle infrastructures à telle ou telle structure administrative, soit à la province, soit au gouvernorat. Mais le fait même de réaliser ces infrastructures a généré l’emploi d’une main-d’œuvre locale. Cela s’est manifesté sur le plan technique et aussi sur le plan des retombées pour les populations en matière d’amélioration de leur cadre de vie.

S. : Sentez-vous déjà que la physionomie de la ville a changé ?

L.R.G. : Je suis mal placé pour apprécier. Seul un étranger peut se dire, une fois arrivé dans la ville : “je n’ai pas reconnu tel endroit”. Mais nous autres qui sommes habitués à passer et à repasser aux mêmes endroits, évidemment on sent qu’il y a du neuf. Mais il y a énormément de choses qui ont été faites et cela ne peut pas échapper au regard des gens. C’est clair.

S. : Il y a eu de petites plaintes de quelques populations de Fada qui disent qu’elles n’ont pas été prises en compte dans le recrutement des ouvriers sur les chantiers. Qu’en dites-vous ?

L.R.G. : Le problème a été évoqué lorsque qu’une mission est venue annoncer les grandes lignes de l’organisation de cette manifestation, notamment les infrastructures. On avait eu à poser ce problème de main-d’œuvre. Effectivement, il y a des entreprises qui viennent de Ouagadougou avec tout leur staff, peut-être parce qu’elles sont déjà habituées à ces gens-là, qui sont aussi peut-être immatriculés au sein de l’entreprise, ou préfèrent travailler avec eux parce qu’elles les gèrent mieux déjà, plutôt que d’aller presqu’à l’aventure avec d’autres gens qui ne correspondront peut-être pas à ce qu’elles auraient souhaité.

Mais cela ne veut pas dire non plus que toute la population de Fada a été délaissée. Par contre, les petits entrepreneurs n’ont eu que des marchés de sous-traitance parce qu’ils n’avaient pas la capacité financière nécessaire pour postuler à des marchés de 5 à 10 logements. Des marchés de ce genre représentaient quand même près de 50 millions de F CFA et ce n’est pas tout le monde qui peut gérer cela en attendant que l’Etat vienne vous payer ce qu’il vous doit. Donc ce sont des entreprises qui ont une surface financière donnée qui ont pu bénéficier des marchés et utilisent le réseau des capacités locales pour compléter le schéma d’exécution.

J’ai appris néanmoins qu’un entrepreneur avait voulu gruger des employés locaux en rognant dans leurs salaires 20 à 25 000 F pour le premier mois sous prétexte qu’il voulait aller faire une manifestation à Ouagadougou. Il y a eu un mouvement d’humeur qui a vite été résorbé parce que l’entrepreneur n’avait pas la moindre raison pour retenir les salaires.

S. : Avez-vous pris des mesures au niveau de votre cour et plus généralement de la chefferie coutumière pour donner un éclat particulier à cette fête ?

L.R.G. : En tant qu’acteur, nous sommes en train de nous organiser dans ce sens. A la fin du mois d’octobre, je dois rencontrer un certain nombre de chefs de file, pour qu’ils répandent dans leurs zones respectives les directives que nous aurons arrêtées ensemble, de façon à aller en rangs serrés à cette manifestation parce qu’elle honore non pas seulement la population, mais aussi ceux qui la gèrent. Il est normal que nous puissions faire quelque chose de particulier à cette occasion.

S. : Quelles sont vos attentes et celles de vos sujets à l’issue d’une telle manifestation ?

L.R.G. : A l’issue de la fête, il n’y a plus la moindre attente. Puisque la fête était destinée à faire de Fada N’Gourma la capitale du Burkina Faso pour au moins un jour à un jour et demi, cet objectif étant atteint, c’est à l’issue de la cérémonie qu’on va se poser des questions de savoir ce qu’on devient, comment on va se réorganiser pour gérer les acquis. Cela est l’affaire de tout le monde et pas seulement celle des chefs et des gouvernants.

S. : Depuis belle lurette, le chef coutumier n’a pas de statut particulier dans l’Etat burkinabè. Quelles suggestions pouvez-vous faire dans ce sens ?

L.R.G. : Je crois que ce problème est tellement récurrent, parce qu’au début de l’année 2007, il y a eu une vague d’articles dans les journaux où chacun exprimait son point de vue par rapport à la chefferie coutumière. Il y en a qui disaient qu’elle était dépassée, d’aucuns qu’elle était utile et d’autres qu’il faut l’organiser, etc. Il y a eu tellement de points de vue exprimés que je pense qu’il était du devoir du pouvoir de prendre en considération les avis des uns et des autres pour, peut-être non pas légiférer, mais prendre des dispositions réglementaires concernant cette situation de la chefferie coutumière.

Au Niger, il y a une loi. Au Ghana, l’organisation est telle qu’on n’a pas besoin de quoique ce soit pour dire qui commande. C’est d’office connu. Au Bénin, le mois dernier, il y a eu un forum des chefs au niveau du pouvoir d’Etat. Pourquoi pas une telle chose au Burkina Faso ? Nous sommes aussi anciens dans ce domaine que les chefs qui nous entourent. C’est une question de volonté politique. Est-ce qu’en affirmant que la chefferie est reconnue, cela implique des situations que le pouvoir ne veut pas gérer, ou est-ce pour une autre raison ? Je ne sais pas. Mais il est vraiment temps que cela soit organisé parce que justement il y a des désordres qui naissent du fait qu’il n’y a pas cette organisation couverte par une réglementation d’Etat.

Un homme politique vient nommer un chef alors que celui qui a le pouvoir de nomination a déjà prononcé une nomination. Vous vous retrouvez donc dans un village avec deux chefs : un qui a le pouvoir légitime et l’autre qui a un pouvoir illicite. Ce n’est pas bon ni pour la gouvernance locale, ni pour la gestion du pouvoir. Parce qu’un bailleur de fonds qui vient dans un tel village et veut y investir 60 millions, ne sait pas à qui s’adresser.
Ce n’est pas une bonne chose. Le bailleur de fonds va se dire qu’il se retrouve en face de gens inorganisés et que ce n’est pas la peine qu’il jette ses fonds. Il faudra alors que toute cette situation prenne fin au nom de la paix sociale que nous recherchons tous.

S ; : Avez-vous un message particulier à l’endroit des autorités et de vos sujets par rapport à cette fête ?

L.R.G. : Par rapport aux festivités du 11-Décembre , je sais qu’il y a beaucoup d’activités. Je souhaite que beaucoup de personnes s’y impliquent en vue de donner à Fada N’Gourma un renom. Parce que je sais que l’année suivante ce sont les Yadsé qui recevront la fête. Il ne faudrait pas qu’ils fassent mieux que nous. Nous devons nous prendre au sérieux.

S. : Et s’ils ont toujours fait mieux que vous ?

L.R.G. : Ils vont nous copier, c’est cela le problème. Mais, s’ils nous copient et arrivent à faire mieux que nous, ce ne sera peut-être pas notre faute, mais parce qu’ils sont de bons copistes.

S. : Vous êtes député à l’Assemblée nationale. Tradition et démocratie peuvent-elles faire bon ménage ?

L.R.G. : C’est une question que les gens posent souvent et je trouve qu’elle est pernicieuse. Dans la mesure où nous les traditionalistes œuvrons dans les terroirs pour la paix et la bonne gouvernance locale. Vous parlez de démocratie, il faudrait qu’elle soit effective, qu’elle ne soit pas la démocratie des périodes électorales où on passe le temps à s’insulter et après c’est le calme plat.

La démocratie consiste à gouverner en permanence, à être à l’écoute en permanence des populations pour les accompagner dans la résolution de leurs problèmes. Si le chef coutumier qui est tout le temps à l’écoute de ces populations n’est pas en mesure de le faire, ce n’est pas en se lançant dans un processus “démocratique” qu’il va mieux faire. Et ce n’est pas non plus la démocratie telle qu’exercée chez nous qui va sortir notre pays des embarras qu’il connaît. Il faut l’approche et l’écoute des populations et la recherche de solutions consensuelles avec elles et les leaders d’opinion que nous sommes. Nous ne voulons pas revendiquer pour autant le monopole.

Entretien réalisé par
Boubacar SY et Souleymane SAWADOGO

Sidwaya

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