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Commune rurale de Bindé : La gestion du maire décriée par des membres du conseil municipal

Publié le mercredi 17 septembre 2008 à 03h27min

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Le maire de la commune rurale de Bindé, dans la province du Zoundwéogo, est critiqué par une partie des membres du conseil municipal pour sa gestion des affaires de la cité. En effet, huit des soixante-deux conseillers municipaux que compte la commune exigent du maire Paul Ilboudo des explications sur les comptes administratif et de gestion 2007 et le projet de budget supplémentaire 2008 où il existerait des zones d’ombre. Dans une correspondance datée du 25 août 2008 adressée à celui-ci, ils énumèrent les différents points qui les opposent. Sidwaya qui a mis la main sur la correspondance s’est rendu le mercredi 10 septembre 2008 à Bindé pour en savoir davantage.

L’atmosphère n’est pas des plus sereines au sein du conseil municipal de la commune rurale de Bindé dans la province du Zoundwéogo au Centre- Sud. Entre le maire Paul Ilboudo et huit de ses conseillers (Prosper Ilboudo, Issa Denis Congo, Hamidou Ilboudo, Ablassé Sakandé, Ousmane Taïta, Marcel Baga, Alphonse Pougbila et Jean-Baptiste Ilboudo) existe en effet un désaccord portant sur plusieurs points inscrits sur les comptes administratif et de gestion 2007 et le projet de budget supplémentaire 2008. Ce désaccord n’ayant pas trouvé solution au cours de la session du conseil tenue le 13 août 2008, les huit conseillers ont adressé une correspondance au bourgmestre dans laquelle ils exigent de la lumière sur les zones d’ombre ; ceci pour une gestion transparente des affaires de la cité.

Le refus de fournir des explications et des justificatifs à certains points contenus dans les comptes administratif et de gestion 2007 et le projet de budget supplémentaire lors de la session tenue le 13 août dernier constituent la pierre d’achoppement entre le maire et les contestataires. En effet, il a été inscrit sur le compte administratif 2007, quatre millions cinq cent mille francs CFA au titre des frais de carburant. Les contestataires estiment que le montant est très énorme pour une commune qui ne dispose pas de véhicule quatre roues. En plus, il n’existe aucun détail sur les dépenses. Ils cherchent à comprendre aussi à quoi correspond la somme de deux cent cinquante six mille francs CFA inscrite au titre de frais de transport des conseillers à l’extérieur de la commune.

Sur le projet de budget supplémentaire 2008, le maire a inscrit un besoin supplémentaire de trois millions de francs CFA de carburant pour l’exercice 2008, faisant passer le montant à sept millions cinq cent mille francs CFA. Difficile à comprendre et à accepter par les conseillers signataires de la correspondance compte tenu du fait que jusqu’à ce jour, la commune n’a toujours pas de véhicule sauf la moto de marque Yamaha du maire qui, d’ailleurs, est sa propriété. Il y est inscrit sur le même projet, neuf cent mille francs CFA au titre d’honoraires et de rémunérations d’intermédiaires. Il ressort également du projet de budget 2008, un besoin supplémentaire d’un million trois cent mille francs CFA pour les frais de mission du président du conseil et de ses adjoints à l’extérieur.

Des fausses signatures

Les conseillers se demandent à quoi correspond cette somme. D’autant plus que, à leur connaissance, aucun compte rendu n’a jamais été fait au conseil que le président et ses adjoints ont déjà effectué des missions à l’extérieur pour justifier l’inscription de cette somme au budget supplémentaire 2008. Les contempteurs du maire comprennent mal l’inscription, toujours dans le budget supplémentaire, de la somme de cinq cent mille francs CFA pour frais de téléphone alors que la commune n’en dispose pas.

Ce sont autant de préoccupations que les auteurs de la correspondance au maire ont soulevées. Des préoccupations qui n’ont pas eu de réponses lors de la session du 13 août 2008, à les croire.
Les contestataires soulignent dans leur correspondance avoir demandé au conseil de surseoir, à défaut d’explications et de justificatifs, à l’adoption des documents soumis à débats jusqu’à ce que lumière soit faite ; mais en vain. Faux ! rétorque le maire. "Ils ne l’ont jamais exprimé. Du reste, tout a été adopté à l’unanimité et par acclamations", soutient-il.

Paul Ilboudo affirme que les préoccupations des contestataires ont, par ailleurs, trouvé réponse dans une lettre qu’il leur a adressée le 1er septembre 2008. Avant de nous révéler le contenu de cette lettre, il commence par récuser la "régularité" de celle-ci à lui adressée, parce qu’elle comporterait des fausses signatures. Alphonse Pougbila n’aurait pas pris part à la session et n’a pas non plus fourni une procuration comme le stipule le règlement intérieur pour valider sa présence, selon le maire. "Il ne devrait par conséquent émettre aucun doute, encore moins remettre en cause des documents pour lesquels il n’a pas pris part à l’adoption. La signature sur la correspondance n’est d’ailleurs pas la sienne...", souligne le maire, sortant du tiroir de son bureau, une feuille de papier comportant une signature répétée trois fois.

"Voyez la différence entre les deux signatures...", indique-t-il. Issa Denis Congo a quitté la salle avant l’adoption des documents pour répondre à une convocation de la gendarmerie. Lui non plus ne peut à son avis remettre en cause les documents adoptés. Jean-Baptiste Ilboudo, chef du village de Bana, depuis la session n’a plus mis pied à Bindé. Il ne peut donc, à en croire le maire, être signataire de la correspondance. Marcel Baga dit, selon Paul Ilboudo, n’avoir jamais vu la correspondance encore moins y apposer sa signature. En somme, le maire laisse croire que les signataires de la correspondance n’en sont pas les vrais auteurs. "Parmi les huit conseillers signataires, aucun n’a un niveau qui lui permet de rédiger un tel document. Les vrais auteurs se trouvent ailleurs...", relève-t-il.
Abordant le contenu de sa réponse à la correspondance qui lui a été adressée, Paul Ilboudo affirme que les huit conseillers se trompent en ramenant la consommation du carburant à sa seule personne.

Des explications insastifaisantes

Car la somme de quatre millions cinq cent mille francs CFA tient compte de la dotation servie à d’autres structures (techniques) notamment le trésor, le contrôle financier, la division fiscale, la police, le service de comptabilité. Et cette dotation relève, à l’en croire, du pouvoir discrétionnaire du maire. A titre illustratif, il souligne qu’une quantité importante a été utilisée pour les multiples déplacements effectués sur le terrain afin de résoudre le conflit entre agriculteurs et éleveurs survenu en août 2007 à Manga Est et qui a touché une partie de la commune de Bindé.

Les trois millions de francs CFA inscrits dans le budget supplémentaire au titre du même chapitre répond, selon lui, au souhait des conseillers de se voir doter de carburant pour leurs déplacements lors des sessions. "Notre commune est très vaste. Il y a des conseillers qui parcourent une quarantaine de km pour prendre part aux sessions. Nous avons donc trouvé leur revendication juste. C’est pourquoi nous avons inscrit les trois millions sur le budget supplémentaire...", indique-t-il. Justifiant les deux cent cinquante six mille francs CFA inscrits sur le compte administratif 2007, le maire soutient que cela correspond aux frais de déplacements des conseillers lors des sessions extraordinaires occasionnées par le dépôt de la motion de défiance au maire.

Une motion de défiance au maire a, en effet, été initiée en avril 2007. De même, il souligne que les neuf cent mille francs CFA au titre des honoraires et rémunérations d’intermédiaires vont servir à former le comptable de la commune nouvellement recruté, les officiers de l’état civil et également les conseillers municipaux sur la gestion budgétaire des collectivités territoriales. Il relève que le besoin supplémentaire d’un million trois cent mille francs CFA au titre des frais de mission du président et de ses adjoints répond au souci de réajustement pour respecter les taux de la nouvelle grille indemnitaire. Entrent également dans ce chapitre, les rémunérations diverses. Quant aux cinq cent mille francs inscrits sur le budget supplémentaire au titre des frais de téléphone, ils prennent en compte la prévision de l’installation d’un téléphone fixe au profit de la mairie cette année.

Ces explications ne sont, apparemment, pas satisfaisantes. En tout cas, Issa Denis Congo et Prosper Ilboudo, deux des conseillers signataires de la correspondance sur qui nous avons pu mettre la main (les autres étaient indisponibles, travaux champêtres obligent), les rejettent. "Ce sont surtout des justificatifs que nous demandons. Il évoque le pouvoir discrétionnaire à lui reconnu pour ne pas donner les détails sur sa gestion. L’article 227 de la loi portant code général des collectivités territoriales autorise pourtant le conseil municipal à contrôler l’action du maire. Lors de la session, le comptable de façon arrogante nous a dit qu’il n’était pas devant un Tribunal populaire de la révolution (TPR) pour qu’on lui exige ces détails...", relève Issa Denis Congo.

Les agrégats, principale ressource de la commune

Prosper Ilboudo, lui, qualifie la réponse du maire de diversion, affirmant que celui-ci n’est pas de bonne foi. "C’est le jour de la session que les documents ont été remis aux conseillers. Cinq minutes ont été accordées à chacun pour prendre connaissance du contenu. Dans les règles, les documents sont transmis avec les convocations cinq jours au moins avant la session. Il ne voulait pas que nous puissions déceler les zones d’ombre. Son refus de nous donner les détails de l’utilisation de l’argent en dit long. Mais tôt ou tard, il faut que la lumière soit faite. Parce que nous ne pouvons pas accepter que l’on gère mal les maigres ressources de la commune...", martèle Prosper Ilboudo.
La principale ressource de la commune demeure, selon ces deux conseillers, les agrégats (sable, gravillon) que les gens viennent particulièrement de Ouagadougou pour ramasser.

L’essentiel du budget est donc constitué de la taxe prélevée sur chaque voyage de camion à raison de 7 500 francs CFA par camion. Sur cette taxe, 25 % sont reversés à ceux chargés de la percevoir. "Le budget 2007 avait inscrit trente millions au titre de cette taxe mais la commune n’a enregistré que douidwayaze millions. Cette recette est insignifiante au regard du nombre de camions qui défilent à longueur de journée à Bindé. Si la commune ne peut pas profiter largement de cette ressource, autant interdire l’activité afin d’éviter la dégradation de nos voies et de nos champs par le ramassage des agrégats...", souligne Prosper Ilboudo.

Il n’y a pas que la gestion des finances que les conseillers dénoncent. Les deux conseillers soutiennent que l’ensemble de la gestion des affaires de la cité par le maire laisse à désirer. "La délégation du pouvoir ne l’est que sur le papier à Bindé. Dans les faits, aucun de ses adjoints n’est responsabilisé. C’est le maire qui fait tout, tout seul. C’est lui qui encaisse et décaisse l’argent, c’est lui qui délivre les actes administratifs...

La preuve, s’il est absent des services comme l’état civil ne travaillent pas...", note Prosper Ilboudo. Et les deux conseillers d’interpeller le ministère de tutelle à se saisir du problème. Ils souhaitent même un audit. "Il faut que les premiers responsables prennent cette affaire au sérieux. Dans tous les cas, nous allons utiliser tous les moyens afin que l’on fasse la lumière sur la gestion du maire...", indique-t-il. Le maire, pour sa part, estime qu’il est victime d’une manoeuvre visant à bloquer ses actions pour le développement de la commune. Affaire donc à suivre.

Etienne NASSA

Sidwaya

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