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Siméon Sawadogo, gouverneur du Centre-Est : “Avec la saison pluvieuse, nous sommes inquiets par rapport à nos routes"

Publié le mardi 17 juin 2008 à 11h03min

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Siméon Sawadogo

Enseignant de formation, député sous deux mandats et actuellement gouverneur de la Région du Centre-Est, Siméon SAWADOGO, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est présenté dans sa région comme un homme ouvert, disponible et au contact facile. C’est une autorité « sans problème », nous a confié un habitant de Tenkodogo.

Pour prendre le « pouls socioéconomique » de la région du Centre-Est, nous avons fait le déplacement de Tenkodogo. Et c’est bien évidemment le gouverneur Siméon SAWADOGO installé le 22 septembre 2007, qui nous a reçu le 30 mai dernier avec la même disponibilité dont il a toujours su faire preuve.

M. Le gouverneur, pouvez-vous, succinctement, nous présenter votre région ?

Siméon SAWADOGO (SS) : La région du Centre-Est fait évidemment partie des 13 régions du Burkina. Elle compte 3 provinces (Boulgou, Kourittenga et Koulpélogo). Nous avons à l’intérieur 30 communes et départements dont 6 communes urbaines (Bittou, Garango, Koupéla, Ouargaye, Pouytenga et Tenkodogo). Au recensement de 2006, nous avons une population d’environ 1 132 023 habitants avec environ 52,68% de femmes. Dans l’ensemble de la région nous avons 711 villages administratifs. C’est une région relativement dense avec presque 77,23 habitants au km2. C’est une région importante, du fait qu’elle est frontalière avec le Togo et le Ghana.

Pouvez-vous nous rappeler les missions assignées à un gouverneur de région ?

SS : Les missions assignées à un gouverneur sont consignées dans le décret 2005-045 du 3 février 2005, notamment à son article 2, qui précise que le gouverneur est dépositaire de l’autorité de l’Etat dans sa région. Il reçoit du gouvernement les directives, les instructions concernant la politique nationale et régionale. Il est le délégué du gouvernement et il est le représentant de chaque ministre en particulier.

A ce titre, il a sous sa responsabilité les hauts-commissaires, les directeurs régionaux… et il coordonne l’ensemble des activités déconcentrées de l’administration. Il est officier de police judiciaire et a la possibilité d’ester en justice au nom de l’Etat. Succinctement, c’est ce qu’on peut dire sur les missions assignées à un gouverneur de région.

Le gouvernorat du Centre-Est à Tenkodogo. Y a-t-il une raison particulière à cela ?

S.S : c’est une décision gouvernementale. Vous savez dans l’ancien temps, il y avait ce qu’on appelait les ORD… je peux simplement dire que la raison fondamentale est la recherche de l’efficacité et une meilleure coordination des actions et activités de développement de la région.

D’une manière générale, comment se présente votre région en termes de développements économiques, social, santé ?

SS : Il faut dire que la région est économiquement très riche. Au niveau de l’agriculture un certain nombre d’activités sont menées. Vous savez que nous avons le barrage de Bagré, nous avons le barrage de la Kompienga. Nous partageons la Kompienga avec la région de L’Est.

D’une manière générale, on peut dire que l’agriculture se présente bien. Nous avons aussi le maïs, le coton, nous avons évidemment les arachides et ça c’est pour les Bissa…(rires).

Au niveau de l’élevage, nous avons en son temps le projet Nouhao qui était financé par la FAO et qui permettait d’installer un certain nombre d’éleveurs dans la zone prenant en compte plusieurs départements. C’est vrai que le projet a pris fin mais nous avons actuellement une reprise des activités avec d’autres partenaires (Italiens). Nous avons aussi d’autres activités d’élevage.

Quand vous passez dans les zones, vous verrez que devant chaque maison, il y a toujours un hangar avec un ou deux bœufs… l’embouche est donc très développée dans la zone. C’est ce qui fait que nous avons des marchés internationaux de bétail. Par exemple le marché de Pouytenga. Dans ce marché, vous avez des acheteurs qui viennent de la Côte d’Ivoire, du Nigeria, du Togo, du Ghana.

Dans le domaine des mines, il faut dire que nous avons plusieurs minerais dans la zone. Nous avons des sites aurifères (Youga dans le Boulgou).

Dans le domaine de l’environnement, nous avons un certain nombre de forêts classées. En matière de commerce, nous avons les plus grands marchés internationaux du Burkina, il faut le dire. Vous avez par exemple le marché de Pouytenga qui est très connu, nous avons le marché de Cinkansé, nous avons aussi le marché de Tenkodogo qui est également très fréquenté, le marché de Garango, Koupéla… L’esprit commercial est très développé dans la région, même chez les enfants.

Dans le domaine du social, la santé, il faut noter que les choses commencent à s’améliorer. Nous avons un certain nombre de CMA (Koupéla, Tenkodogo, Zabré, etc. Sur le plan de la couverture, nous pensons que les CSPS de la région répondent au besoin sanitaire. Nous avons en projection la construction d’un nouvel hôpital à Tenkodogo avec la BAD. Ce sera un hôpital très moderne. Il faut préciser que cette année, nous avons pu échapper à un certain nombre d’épidémies.

De l’éducation, on peut dire que la région est relativement couverte. Nous avons une direction régionale de l’Enseignement de Base qui a à son actif 3 directions provinciales.

Au niveau de l’enseignement secondaire, c’est à peu près la même chose. Bientôt tous les départements vont avoir leur CEG.

M. Le gouverneur, lors du dernier passage du ministre des Infrastructures et du Désenclavement, vous avez lancé un cri de cœur par rapport aux routes. Quelle est la situation aujourd’hui ?

SS : Il faut dire que la situation des routes n’est pas rose. Elle n’est pas rose et j’avais lancé ce cri de cœur du fait que nous avons subi des inondations qui ont dégradé fortement un certain nombre de routes. Vous savez que notre région a la route internationale qui va du Togo vers Ouagadougou et qui va également du Ghana vers Ouagadougou.

A un moment, nous avons le pont entre Cinkansé et Bittou qui était en défection. On avait peur qu’il ne « craque ». C’est ce qui a d’ailleurs motivé notre cri de cœur. Il y avait également la route qui quitte Pouytenga pour Boulsa qui avait été endommagée, c’était un problème ; car cela jouait sur le trafic commercial dans la zone. A l’intérieur, on avait des ponts sur certaines routes qui pouvaient « céder » à tout moment. Vous-vous rappelez également qu’entre Koupéla et Tenkodogo, il y avait aussi un pont qui a failli céder. Bref c’est un ensemble de situations qui se présentaient et il fallait bien lancer ce cri de cœur.

Alors, à l’heure où nous parlons, nous avons dû rencontrer la BAD. Elle est venue nous voir, et le gouvernement a pris l’engagement pour refaire la nationale, la renforcer à partir de Koupéla frontière du Togo et éventuellement frontière du Ghana. Le projet va bientôt démarrer et c’est très important pour nous. Quant au pont entre Cinkansé et Bittou, une déviation a été faite et j’espère que les travaux vont commencer pour que les eaux n’emportent pas et le pont et la déviation, afin d’éviter que nous soyons pratiquement coupés du Togo et du Ghana et vous imaginez aisément les conséquences. Avec la saison des pluies qui commence, j’avoue qu’on est inquiets dans la région par rapport à nos routes. Mais je sais que des efforts sont faits par le ministère des Infrastructures et du Désenclavement, par le gouvernement.

La communalisation intégrale est en marche. Avez-vous le sentiment que les populations de votre région adhèrent au processus ?

SS : Les populations adhèrent au processus. C’est tout à fait normal parce que c’est une possibilité qui est donnée aux populations à la base de pouvoir gérer toutes les actions de développement.

De ce fait, les populations ne peuvent pas ne pas adhérer au processus. C’est vrai que du fait que la désignation des conseillers municipaux passe par des structures partisanes que sont les partis politiques, on enregistre des petits problèmes çà et là. Mais dans l’ensemble, je pense que les populations sont engagées. L’engouement que nous voyons au sein des conseils municipaux est révélateur de l’adhésion des populations.

Votre région est réputée, zone d’émigration notamment vers l’Italie et l’Amérique. Quelle est la situation et quel est l’apport de ces émigrés au développement du Centre-Est ?

SS : Ça se sont les Bissa, ce sont mes parents à plaisanterie, ils ne peuvent pas rester tranquille. Au lieu de rester à Garango, Béguédo… ils passent leur temps à partir en Italie (rire). Plus sérieusement, nous devons dire qu’effectivement l’émigration vers les pays que vous avez cités est assez importante. Quand vous prenez la zone de Tenkodogo, Garango, Béguédo… beaucoup de leurs ressortissants sont effectivement en Italie, aux USA. C’est important et leur apport également, parce quand ils sont à l’extérieur, ils n’oublient pas leur localité d’origine. Si vous regardez aujourd’hui, il y a plusieurs constructions qui sont faites dans les zones de Yorogo, Béguédo… les paysans sur place arrivent à avoir des moyens modernes de production du fait de l’apport de leurs enfants et de leurs frères qui se trouvent à l’extérieur. Et il y a une épargne assez substantielle qui est en train de s’opérer. Dans certaines zones, la poste et autres se sont installés et des banques tentent de s’y installer, on a aussi les caisses populaires. C’est donc positif, c’est pas négatif pour la région.

On sait que dans certaines régions, les cadres qui en sont originaires se réunissent pour contribuer au développement. Qu’en est-il ici ?

SS : A ce niveau, nous avons un défi à relever. Nous avons les provinces du Boulgou, du Koulpélogo et du Kourittenga où il existait des regroupements au niveau régional. Donc le défi aujourd’hui, c’est ce que j’ai toujours dit, c’est travailler à faire de la région une réalité. Nous devons travailler à faire en sorte que chacun se sente concerné par la région quel que soit le lieu où il se trouve. Et avoir une seule structure de regroupement pour participer au développement de la région reste donc un défi à relever pour nous. Cependant, il faut reconnaître que les ressortissants sont très disponibles pour nous accompagner.

Nous le constatons quand nous avons des manifestations. C’est déjà un pas en avant. Et cela doit continuer.

La région du Centre-Est fait frontière avec le Togo et le Ghana. Comment se passe la cohabitation au niveau de la frontière et quels sont vos rapports avec les autorités frontalières de ces deux pays frontaliers ?

SS : L’un de nos objectifs à notre arrivée dans cette région comme gouverneur, c’était de travailler à renforcer la coopération transfrontalière. Depuis nous sommes en train de travailler pour cet objectif. La région du Centre-Est est directement frontalière avec le Togo et le Ghana et sur le plan du parallélisme des formes, nous sommes en rapport avec la région des Savanes du Togo, même s’ils n’ont pas encore responsabilisé des gens à la tête de ces régions. Nous travaillons avec la préfecture de Tone à Dapaong et le préfet est venu trois ou quatre fois, ici à Tenkodogo pour participer à des activités. Récemment nous sommes partis pour l’anniversaire de l’indépendance du Togo avec une forte délégation. De même, le ministre régional à Bolgatenga a fait participer plusieurs délégations à des activités ici et nous sommes en relation permanente avec eux. Nous avons envoyé également une délégation lors de la fête nationale du Ghana. Nous travaillons de concert dans plusieurs domaines comme la gestion des conflits à la base. Nous entretenons une très bonne coopération avec les autorités frontalières des deux pays.

Les difficultés ne manquent certainement pas dans la conduite de votre mission. Alors quelles en sont les principales ?

SS : Pour le moment, les difficultés, c’est la gestion des hommes. Comme dit le proverbe, quand vous devez conduire un troupeau, un seul bâton suffit, mais quand vous devez conduire des hommes, il faut à chaque homme un bâton. Pour dire que les caractères ne sont pas les mêmes, la perception des choses n’est pas la même, la capacité d’effort des uns et des autres n’est pas la même, alors que les défis sont très nombreux. Pour mobiliser tout le monde du coup, pour susciter l’adhésion de tout le monde en même temps, ce n’est pas aussi évident. On est donc obligé de prendre le temps qu’il faut.

Si c’est au niveau des ressources, nous faisons avec les ressources que le gouvernement nous donne.

Votre carte politique est-il un atout ou un obstacle à l’accomplissement de votre mission ?

SS : (Rires) Votre question est bien pertinente parce que le rôle de l’administration, c’est de créer un environnement propice au développement de chacun et de tous quelle que soit son appartenance politique. Et en tant que responsable d’un service déconcentré de l’Etat qu’est la région, je me dois dans le quotidien de travailler à rassurer toute la population de la région que l’administration ne doit pas être partisane dans son comportement. Etant un homme, j’ai mes convictions politiques mais cela ne doit pas influer sur mon comportement, au contraire, cela peut et cela doit m’aider à avoir une vision beaucoup plus globale des problèmes et me permettre d’y apporter des solutions.

Mais la carte politique ne doit pas jouer sur les décisions administratives à prendre pour l’intérêt général.

Enseignant, député sous deux mandats, aujourd’hui gouverneur. Le parcours a-t-il une influence sur vos responsabilités actuelles ?

SS : Si ce que vous citez est un parcours qui vous permet de créer un environnement relationnel à même d’aider à remplir votre mission, je réponds par l’affirmatif. Mais, il ne faut pas seulement voir la carte politique dans une mission comme celle du gouverneur, qui est une mission d’administration publique, une mission de coordination des activités de développement au profit de tous dans la région.

Si avec ce parcours, je peux avoir des relations, pas forcément politique, qui permettent de mener des actions au profit de la région, je crois que c’est une bonne chose. Si mon parcours et ma carte politique, peuvent m’aider à avoir des relations même au niveau international pour la région, c’est du tant mieux.

Plusieurs activités socioculturelles et sportives sont organisées chaque année dans votre région (course cycliste 3CE, fête de l’Arachide, FESMART…).

Quelle appréciation faites-vous de ces activités ?

SS : Pour la fête de l’arachide, il n’y a que les Bissa qui peuvent faire ça (rires)… C’est pour plaisanter. C’est vrai, la région regorge de pas mal d’activités culturelles et sportives. Il y a celles que vous avez citez. Mais il y a également le festival Zaouga au niveau de Koupéla, il y a le festival de votre confrère Lamoussa ROBGO…

Je pense que cela prouve l’immensité des richesses culturelles et sportives de la région. Et à titre d’exemple, la plupart des artistes culturels au niveau national si vous fouillez, vous trouverez qu’ils ont pour origine la région du Centre-Est. Quand vous prenez au niveau de la musique, depuis les Sami Rama, les Salambo, en redescendant aux jeunes qui sont les Smokey, Floby, Ali Veruthey, Maï LINGANI, les Vitalo’s et j’en passe.

Au niveau du théâtre, vous avez Jean-Pierre GUINGANE, Etienne MINOUGOU des récréatales… Si vous les enlevez au niveau culturel national, c’est un grand vide.

Par exemple au niveau des 3CE, d’ici là on aura une équipe au niveau régional. Alors toutes ces activités apportent un plus à la région et nous avons toujours encouragé ces intiatives…

Le Boulgou FC se cherche dans les profondeurs du classement du Championnat national de football de D1. Qu’est-ce qui explique ses résultats médiocres et que comptez-vous faire puisque sa prochaine destination risque d’être un retour à la D2 ?

SS : Il faut nuancer vos propos parce que le championnat n’est pas encore terminé (rires). Et puis les grands clubs comme l’EFO et l’ASFA-Y savent ce que vaut le Boulgou FC.

C’est vrai, au niveau local, ce sont surtout les moyens qui font défaut. Vous vous rappelez qu’on était mal à l’aise quand notre Boulgou FC a porté des maillots d’un autre pays. Cela traduit l’état de précarité du club. Mais je reste convaincu que le Boulgou FC a les possibilités de remonter. Je profite pour appeler les ressortissants de la région à appuyer le Boulgou FC. Je sais que le ministre d’Etat, Alain YODA a fait quelque chose dans ce sens mais il faut que tous les ressortissants de la région agissent pour soutenir le club.

Comment se présente la saison hivernale dans votre région ?
SS : Vous savez bien qu’il a plu ce matin même. La saison commence bien. Si vous allez vers la frontière du Ghana en remontant vous verrez que les semis ont déjà une bonne physionomie. Notre problème est qu’il n’y ait pas d’inondations et que la saison puisse arriver à terme pour que nous puissions jouer notre rôle de grenier.

Avez-vous un appel à l’endroit des populations de votre région ?

SS : Il faut d’abord reconnaître que la population de la région est très courageuse et travaille pour le développement. Je souhaite que les uns et les autres puissent œuvrer à créer une synergie qui va s’attaquer aux différents défis en matière de développement. Nous au niveau des structures déconcentrées nous allons toujours œuvrer à accompagner la dynamique de travail et de développement des populations. Que chacun apporte sa pierre à la construction de la région du Centre-Est.

Par Drissa TRAORE

L’Opinion

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