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Banfora et son hinterland : Vingt milliards de F CFA pour bâtir un eldorado

Publié le jeudi 22 mai 2008 à 10h47min

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Souleymane Ouattara, maire de Banfora

La région des Cascades affiche l’ambition de devenir à l’horizon 2025, un eldorado national et sous - régional grâce à une exploitation judicieuse de ses ressources agropastorales et touristiques. Cette bataille pour asseoir une économie locale forte nécessite des investissements d’environ vingt (20) milliards de F CFA dont 48% soit 9,3 milliards de F CFA, déjà acquis.

Banfora peut se targuer, à juste titre, d’être la troisième ville industrielle du Burkina Faso. Située à 464 kilomètres (km) de la capitale Ouagadougou et à 85 km de la deuxième ville, Bobo-Dioulasso, le chef - lieu de la province de la Comoé et de la région des Cascades abrite trois (3) des rares unités de production majeures du pays : Société sucrière de la Comoé (SOSUCO), Grands moulins du Burkina (GMB), Société de production d’alcools (SOPAL). Chacune d’elle représente, à travers ses produits finis, une spécificité dans le tissu industriel national : sucre, farine boulangère, alcool pharmaceutique. A côté de ces unités de grande envergure, se sont développées de Petites et moyennes industries (PMI) comme la Société de transformation industrielle de l’anacarde du Burkina (SOTRIA-B), "Bomba Techno"... Aussi curieux que cela puisse paraître dans un pays sahélien, la ville de Banfora dispose des seules scieries du Burkina Faso au sens propre du terme (coupe, convoi et traitement du bois) : "Scieries Coulibaly et Gassoub". Toutes ces industries locales ont fortement contribué à travers les taxes communes et aux emplois créés, à faire de la "cité du paysan noir" l’une des communes urbaines les plus nanties du pays, avec un budget annuel de plus de 350 millions de F CFA.

Ce dynamisme observé dans la transformation repose en réalité sur un socle naturel : une forte pluviométrie (plus de 1 000 millimètres d’eau en moyenne par an), ressources agrosylvopastorales abondantes. 236 639 tonnes (t) de céréales et 96 674 t de cultures de rente sont attendues dans la région des Cascades pour la campagne agricole 2007-2008 (voir encadré)."La région des Cascades dispose des atouts naturels réels pour se bâtir une économie locale viable. Il suffit de créer les conditions nécessaires aux investissements et une meilleure exploitation des potentialités", soutient Souleymane Soulama, maire de la commune urbaine de Banfora.

Grâce au programme de Relance des économies locales (REEL), le chef - lieu des Cascades et son hinterland se sont élaborés un Plan d’investissement prioritaire (PIP) sur le quinquennat (2007 - 2011) dont le coût global est évalué à 19,276 milliards de F CFA dont 9,3 milliards de F CFA soit 48% du financement sont déjà acquis. Il vise essentiellement à reconquérir le titre et la place de grenier du Burkina Faso en céréales, à faire de Banfora et son hinterland, une région à vocation touristique, une zone agroindustrielle, une ville de transit. "Tant que la question des routes ne sera pas résolue, les populations ne pourront pas suffisamment tirer profit de l’agriculture et de l’élevage", prévient Issaka Ouédraogo, commerçant de céréales. Banfora et son hinterland sont freinés dans leur élan du développement économique local par l’éloignement des zones, la précarité du réseau routier, l’absence d’une infrastructure touristique fiable. "La région produit tout ce dont le Burkina Faso a besoin pour se nourrir, mais les récoltes pourrissent souvent dans les champs, faute de voies praticables", se plaint le vieux Abdoulaye Sirima, grand producteur de céréales. "La localité n’arrive pas à accueillir des milliers de touristes chaque année à cause du manque d’infrastructures hôtelières dignes de ce nom", ajoute un guide touristique. Ces insuffisances inhilent considérablement les efforts du Gouin, du Turka, du Karaboro (autochtones de la localité) tant loués par Amadou Koné dans "Jusqu’au seuil de l’irréel".

Le combat du désenclavement et des infrastructures

A quelques encablures de Banfora, aussitôt terminées les vastes étendues de canne à sucre, les champs d’anacardiers et les vergers annoncent la place prépondérante de l’agriculture dans l’économie locale. Elle concentre toutes les traditionnelles spéculations et même les plus rares du pays : maïs, mil, sorgho, fonio, riz, bananes, oranges, mangues, souchet, igname, manioc, ananas. "L’on trouve dans cette partie du pays tout ce qui pousse en Côte d’Ivoire. Cela m’a beaucoup séduit quand je suis rentrée pour la première fois en 2003", indique une responsable d’association de femmes rapatriées. Seulement, Banfora et son hinterland restent confrontés à un problème d’enclavement. Les longues distances séparant les autres localités du chef-lieu de la région rendent difficile la mobilité des personnes et des biens. Si les échanges ne sont pas ralentis par l’éloignement, c’est l’impraticabilité des routes qui décourage les commerçants.

Mangodara, situé à 150 km de Banfora, se révèle inaccessible à cause du mauvais état du tronçon, et ses terres fertiles, ses céréales, ses ignames se trouvent à 105 km de Banfora, tandis que Ouo à 125 km et son manioc semblent se trouver dans "un trou sans fond". Même si actuellement des efforts sont fournis pour rendre les voies praticables par des entretiens et des revêtements, les transporteurs continuent d’éprouver d’énormes difficultés sur certaines routes. "Nous courons chaque jour le risque de voir nos camions se renverser. Les ponts font énormément défaut. Il faut vraiment passer par la croix et la bannière pour rallier une commune rurale à Banfora", explique Roger Diarra, un vieux transporteur. "A quoi sert un grenier s’il n’y a pas de route pour y accéder ?", a demandé un jour un député à l’ex-Premier ministre, Paramanga Ernest Yonli. Conscient de ce handicap majeur, le Plan d’investissement prioritaire (PIP) consacre 14,091 milliards de F CFA à l’ambition de "faire de Banfora une ville de transit". Le développement économique local veut également exploiter à fond les richesses touristiques : dômes de Fabédougou, cascades ou chutes de Karfiguéla, lac de Tengrela, les pics de Sindou...

Les actions porteront sur la construction de trois (3) hôtels, de centres de culture et de loisirs et de musée, l’aménagement de sites touristiques (cascades, lacs, pics). "Il arrive parfois que des touristes écourtent leur séjour pour la simple raison que les structures d’accueil ne sont pas adaptées", regrette Souleymane Soulama, maire de Banfora. Les élus locaux de la région multiplient les initiatives pour répondre aux engagements communautaires en faveur du développement. "Les populations doivent se rendre compte avec le processus de la décentralisation qu’elles ont une communauté de destin pour avoir une vision commune et mener des actions bénéfiques à toute la cité", recommande un acteur de la société civile. D’où le renforcement du potentiel agrosylvopastoral, l’exploitation judicieuse des ressources touristiques, la réhabilitation des axes routiers en plus de la route nationale N°7 et du chemin de fer pour "accélérer la croissance et réduire la pauvreté urbaine et rurale". Autour de Banfora comme épicentre de développement, Mangodara, Sindou, Sidéradougou, Toumousseni, Niankorodougou, Douna, Yendéré, Weleri, Niankologo... s’insèrent dans cette dynamique de création de richesses et d’emplois recherchée à travers le programme de Relances des économies locales (REEL).

Bouter la hantise de la pauvreté

L’ambition de Banfora et son hinterland de devenir "un eldorado agroindustriel et touristique du Burkina Faso et de la sous-région" passe par un défi : relever le pouvoir d’achat des populations. La pauvreté s’est accrue avec la fermeture des Grands moulins du Burkina (GMB) en 2003 et la crise ivoirienne ayant entraîné la réduction du trafic transfrontalier. "Pour se rendre compte que la vie a changé à Banfora, il suffit d’établir une comparaison entre l’ambiance actuelle au sein du marché et de la ville et celle d’avant. C’était l’une des cités les plus florissantes du pays" ; se rappelle Karim Sawadogo, jeune vendeur de tissus. La vie des populations de Banfora et de son hinterland a longtemps été rythmée par celle des usines : SOSUCO, GMB, SOPAL...

Le contexte économique mondial actuel met à rude épreuve le rôle de répartition de la richesse dans cette partie du pays. Si la réouverture des GMB est venue offrir une quarantaine d’emplois aux travailleurs jadis licenciés, elle intervient au moment où la SOSUCO embauchant plus de 5 000 travailleurs, connaît de sérieuses méventes. Les activités commerciales ont pris un coup. "La SOSUCO est un puissant levier de développement social et économique de la localité. Quand elle se porte bien, c’est la joie partout. Quand elle va mal, la vie devient morose", résume un enseignant du lycée provincial Lompolo Koné. Les autorités locales et déconcentrées encouragent l’entrepreneuriat. Outre les fonds nationaux de financement dont le guichet unique a été ouvert en avril dernier à Banfora, le conseil municipal de ladite ville a mis sur pied une structure d’octroi de micro-crédits aux jeunes et aux femmes. "Toute initiative de développement véritable ne doit pas ignorer l’aspect pauvreté. Tout part de là", relève le maire Souleymane Soulama. En attendant l’eldorado, une bonne partie de la population desœuvrée s’adonne à la débrouillardise, notamment la vente de carburant frelaté. A cela s’ajoute l’apparition de nouveaux maux : la prostitution et le trafic des enfants.

Jolivet Emmaüs (joliv_et@yahoo.fr)

Sidwaya

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