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Dissolution des conseils municipaux : Les vraies raisons selon le PAI et le PDS

Publié le mardi 26 février 2008 à 10h11min

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Les premiers responsables du Parti africain de l’indépendance (PAI) et du Parti pour la démocratie et le socialisme (PDS) réagissent dans la déclaration suivante à la dissolution de 4 conseils municipaux prononcées le 20 février dernier par le Conseil des ministres. Ils se focalisent sur les communes de Bané (province du Boulgou) et de Yondé (province du Koulpélogo) dont les rênes étaient tenues par des conseillers de leur bord pour donner, selon eux, les vraies raisons de la dissolution qui ne sont pas celles évoquées par le gouvernement.

Le compte-rendu du Conseil des ministres du 20 février annonce : « Suite aux graves dysfonctionnements constatés dans certains conseils municipaux et malgré les efforts de médiation entrepris par l’Association des municipalités du Burkina Faso (AMBF) et du ministère de tutelle, le blocage s’est installé, amenant les autorités à prononcer leur dissolution. Ainsi, les conseils municipaux de Gounghin, dans le Kourittenga, Bané, dans le Boulgou, Yondé, dans le Koulpélogo et Nasséré, dans le Bam, sont dissous. »

Officiellement, ce serait donc en raison de « graves dysfonctionnements constatés » dans ces communes que le gouvernement – et non personne d’autre – a décidé la dissolution en vertu de l’article 251 de la loi portant Code général des collectivités, qui donne sans recours possible ce pouvoir de dissolution au seul Conseil des ministres.

Nous intéressant aux communes de Bané et de Yondé dans lesquelles nos deux partis, PAI et PDS, comptent des conseillers et des maires élus sous la bannière PDS, nous voulons porter à l’opinion publique nos sentiments sur les situations réelles traversées par ces communes et sur les raisons véritables qui ont poussé le gouvernement à prononcer la dissolution des conseils municipaux correspondants, en attendant sans doute de le faire aussi pour d’autres communes dirigées par des maires PDS.

Situation à Bané

A l’issue des élections municipales de 2006, la commune de Bané, pour 44 conseillers au total, en comptait 23 élus sous la bannière PDS, 16 sous la bannière du CDP et 5 sous celle du PDP/PS. Aussitôt un conseiller PDS fut « persuadé » de passer au CDP, qui réussit en outre à s’allier avec les conseillers PDP/PS. De sorte que pour l’élection du maire qui opposait un conseiller CDP à un PDS, ce dernier ne l’emporta qu’au 3e tour où le critère de l’âge les départagea (Art. 253 du Code électoral). Aussitôt les 22 conseillers CDP et PDP/PS sortirent de la salle et refusèrent d’y revenir pour la suite des élections. Informés, le préfet saisit le haut-commissaire qui donna instruction de poursuivre les votes.

Conduits par le secrétaire général départemental du CDP, les dissidents, qui seront 21 à la suite du décès de l’un d’eux, exigeaient la reprise de l’ensemble des votes avant de siéger au Conseil municipal. Les 22 conseillers PDS constituaient ainsi désormais la majorité absolue, et le Conseil pouvait siéger même en l’absence de ceux qui le boycottaient abusivement. C’est pourquoi, contrairement à ce que laisse entendre le compte-rendu du Conseil des ministres, le Conseil municipal de Bané a toujours pu tenir régulièrement ses sessions et prendre toutes les décisions requises. On ne peut donc pas parler de dysfonctionnement à Bané.

Pour tout saboter, les dissidents se sont entendus avec certains milieux féodaux de Bané ( 3 chefs de villages et leurs entourages) qui, en janvier 2007, ont alors décidé manu militari la fermeture du bâtiment public abritant la mairie, déclarant qu’un non-originaire de leur village ne pouvait être maire à Bané. Ces féodaux se sont en outre opposés à la perception à Bané des taxes municipales, allant jusqu’à arracher aux collecteurs leurs carnets de tickets de taxes.

Obligé de transférer provisoirement la mairie dans le village voisin de Ououmnoghin, le maire a prévenu de cette violation des lois de la République par les féodaux le haut-commissariat et la gendarmerie qui sont restés silencieux pendant plusieurs mois. En juillet 2007, ces autorités se sont enfin décidés à organiser une réunion générale de tous les conseillers, des anciens et des féodaux du village. Les boycotteurs leur ont alors dit qu’ils n’acceptaient pas de collaborer avec un maire issu d’un parti qui n’était pas aligné derrière Blaise Compaoré ! C’était sans doute pour eux l’argument qui devait leur valoir le soutien des autorités !

Les féodaux ont finalement compris que s’ils continuaient à prendre en otage la mairie, ils se mettaient hors la loi, avec les conséquences que cela entraînerait. Ils ont donc accepté de laisser le maire et la mairie revenir à Bané. Le haut-commissaire essaya de faire entendre raison aux boycotteurs du conseil municipal. Peine perdue ! Et la réunion fut levée sur un vague engagement de leur part de se concerter pour arrêter leur position. Mais ils ont continué à boycotter le conseil.

En janvier 2008, l’AMBF a envoyé une mission dite de médiation à Bané. Elle a réuni les membres du conseil municipal. Les boycotteurs ont insisté pour que la délégation reçoive aussi les délégués des ressortissants de Bané à Ouagadougou venus pour la circonstance et les féodaux qui attendaient. Ces derniers ont exigé que le maire présente ses excuses auprès des anciens du village avant que cesse l’ostracisme contre sa personne, accusant ses partisans d’avoir « insulté » les vieux de Bané durant la campagne des municipales de 2006. Bien qu’étonné de ces nouvelles accusations, le maire s’engagea à composer une délégation d’autres vieux pour le faire. Il le fit, mais le boycott persista. C’est dans ces conditions qu’est intervenue la décision du conseil des ministres du 20 février 2008 déclarant que le conseil municipal connaissait des « dysfonctionnements constatés » !

Situation à Yondé

A Yondé, à l’issue des élections d’avril 2006, le PDS obtint 18 conseillers et le CDP 26. Le maire élu fut un conseiller CDP. Lorsqu’il mourut brusquement, en octobre 2006, le conseil municipal se réunit le mois suivant pour lui trouver un remplaçant.

Face au candidat CDP dont beaucoup ne voulaient pas, un conseiller PDS fut élu maire. Mais lorsque le nouveau maire convoquait une session du conseil, les militants de la sous-section CDP usaient de menaces contre les conseillers CDP ou PDS désireux d’assister à la session, les brutalisaient et les séquestraient dans des maisons lorsqu’ils les interceptaient sur les routes menant à Yondé ! Malgré les plaintes déposées par le maire à la brigade de gendarmerie de Ouargaye ou auprès du haut-commissaire du Koulpélogo, rien n’a été entrepris pour mettre fin aux violations des libertés dont étaient coupables des militants CDP de Yondé. En décembre 2007, il y eut même des agressions physiques organisées contre les membres de la famille du maire, qui sont restées impunies malgré la plainte déposée.

Sans doute manipulés par les boycotteurs du CDP, le préfet de Yondé et le haut-commissaire de la province ont entrepris de contester la validité des listes de présence accompagnant les procès-verbaux des sessions du conseil municipal. Ils ont même prétendu que l’un des conseillers, fonctionnaire affecté loin de la commune de Yondé, ne pouvait donner de procuration et devait obligatoirement être toujours physiquement présent à toutes les sessions. Ils ont ensuite exigé du maire qu’il convoque une réunion spéciale du conseil afin qu’ils puissent vérifier eux-mêmes le quorum obtenu. En leur soulignant qu’il n’avait pas le pouvoir de réunir les conseillers simplement pour les satisfaire, le maire les a invités à respecter la répartition des compétences définie par la loi. Il leur a aussi proposé d’envoyer dorénavant un de leurs représentants pour contrôler le quorum aux prochaines sessions.

A Yondé, quoi que disent les boycotteurs, le préfet ou le haut-commissaire, les sessions du conseil municipal ont toujours enregistré le quorum requis de la majorité absolue à la deuxième convocation. Elles se sont donc normalement déroulées sous la présidence du maire PDS, et compte-rendu en a été fait régulièrement au haut-commissaire. Les décisions nécessitées par le fonctionnement normal de la commune ont été prises et mises en œuvre. C’est dans ces conditions qu’est intervenue la décision du Conseil des ministres du 20 février 2008 où les habitants de la commune ont été surpris d’apprendre que leur commune connaissait des « dysfonctionnements constatés ».

Que penser des situations des communes de Bané et de Yondé ?

A l’issue des élections municipales de 2006, les maires de près de 315 communes sur 351 sont CDP. Dans la plupart des communes qu’ils ne contrôlent pas, les dirigeants locaux du CDP font tout ce qui est en leur pouvoir pour obtenir la dissolution des conseils municipaux, en pensant que si les élections étaient reprises, ils obtiendraient cette fois la majorité grâce à la puissance de leurs moyens financiers et matériels, et sans doute aussi grâce à la fraude !

Pour obtenir cette dissolution, ils comptent sur l’intervention des secrétaires provinciaux et des commissaires régionaux du CDP, sur le Bureau politique de ce parti et sur le gouvernement CDP. D’où les nombreux écrits dont ils les saisissent régulièrement, pleins d’affabulations alarmistes et qui décrivent tous le fonctionnement des conseils municipaux comme antidémocratiques.

Voilà donc des conseillers qui ont été élus par des populations et qui, pendant près de deux ans, en boycottant les sessions du conseil municipal, refusent d’exercer le mandat populaire qu’ils ont sollicité et d’apporter leur contribution au développement de la commune. Au contraire, ils tentent de s’opposer, au besoin par la force contre des conseillers ou contre le maire, au fonctionnement de la commune !

Dans les communes de Bané et de Yondé, les maires PDS ont proposé aux partis représentés au conseil municipal de participer aux organes dirigeants de la commune. Mais les dirigeants locaux du CDP, induits en erreur par des dirigeants provinciaux dépités de ne pouvoir convaincre les dirigeants nationaux de ce parti qu’ils sont touts- puissants sur le territoire de leur province, ne pardonnent pas au PDS d’avoir montré leurs limites ! Comme des enragés, ils tiennent mordicus à la dissolution du conseil municipal ! La décision gouvernementale de dissolution prise le 20 février 2008 satisfait sans doute l’égo de ces enragés, mais soulève un certain nombre de questions :

1 – Le gouvernement considère-t-il effectivement que toutes les institutions de la République, même celles qui sont mises en place par voie élective, doivent être nécessairement dirigées par des militants du CDP ?

2 – Le boycott organisé par les partisans locaux du CDP dans les conseils municipaux où ils sont minoritaires doit-il être encouragé, alors qu’il n’est pas dirigé contre une décision ou une politique de la commune mais plutôt contre la présence de tel ou tel militant d’un parti autre que le CDP ?

3 – Les hauts-commissaires, sans doute sous la pression ou la manipulation des militants locaux du CDP, ne savent-ils pas qu’ils n’ont pas le pouvoir de contester les procurations signées par des conseillers ne pouvant assister aux sessions de leurs conseils ? Ils devraient savoir que cette contestation ne peut être soulevée que par le conseiller qui conteste la procuration établie et signée en son nom, et cela auprès de la police, de la gendarmerie ou de la justice !

4 – La pratique ne démontre-t-elle pas que les textes actuels qui organisent le fonctionnement des conseils municipaux présentent des insuffisances ? En effet, ils permettent à des conseillers de boycotter pendant des années les réunions du conseil, tout en continuant d’être pris en compte dans le calcul du quorum. Aucune sanction dissuasive n’existe pour les amener à chercher un compromis dans l’intérêt de la commune. Ce laxisme est préjudiciable au fonctionnement des conseils et des communes. Si un conseiller ne veut ou ne peut être présent, ses absences répétées et continues devraient conduire à le rayer des effectifs du conseil, dans des conditions qu’il faudra évidemment préciser.

5 – Le Conseil des ministres devrait-il garder le pouvoir de dissoudre un conseil municipal, sans aucun recours possible ? La dissolution est une décision lourde de conséquences pour la commune concernée, mais aussi pour le budget de l’Etat. Il serait conforme aux principes démocratiques que les responsables de la commune concernée, en possession d’un décret motivant de manière précise les raisons de la dissolution retenues par le gouvernement, soient en mesure de demander un recours, soit devant l’autorité administrative, soit devant le médiateur, soit devant la justice.

6 – La première menace contre notre démocratie n’est-elle pas le réflexe de parti unique solidement installé chez la plupart des militants CDP ? C’est certainement le cas car ils ne peuvent supporter que la moindre parcelle d’une autorité qu’ils considèrent comme devant leur revenir naturellement, soit exercée par d’autres. Si l’on ajoute qu’entre eux-mêmes, des luttes féroces d’intérêts et de positionnement sont permanentes, on mesure les risques qui guettent notre démocratie à tous les carrefours de la désignation de responsables au Faso.

Ce sont autant de raisons qui doivent pousser les partis d’opposition à renforcer leur unité dans la lutte pour des élections réellement transparentes et pour des résultats qui leur soient globalement plus favorables lors des scrutins, car l’esprit de parti unique du CDP mènera immanquablement ses militants, chaque fois qu’ils le pourront, à organiser des fraudes électorales.

Ouagadougou, le 23 février 2008

Pour le P.A.I.,
Philippe Ouédraogo, Secrétaire général

Pour le P. D. S.,
Sambo Youssouf Bâ, Président

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