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Seydou Bouda : « Les engagements pris en matière d’aide publique au développement depuis les années 70 n’ont jamais été respectés »

Publié le vendredi 14 mai 2004 à 08h47min

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Seydou Bouda

L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a organisé du 5 au 7 mai à Paris un symposium international sur l’accès aux financements internationaux.

Le secrétaire général de l’OIF, M. Abdou Diouf, qui a ouvert les travaux a souligné que pour son institution « l’objectif principal est l’expression d’une solidarité plus concrète et plus efficace entre les membres de la Francophonie ».

Le ministre de l’Economie et du développement, M. Seydou Bouda, qui représentait le gouvernement burkinabè, tire ici les conclusions de cette rencontre, conclusions qui seront soumises au sommet de Ouagadougou et feront l’objet de propositions concrètes d’actions à l’attention de la Francophonie et de la communauté des bailleurs de fonds.

Que retenez-vous de cette grande rencontre ?

Ce grand symposium sur l’accès aux financements internationaux a été un grand moment de rencontre entre tous ceux qui comptent dans la communauté des bailleurs de fonds : les Etats étaient là, la société civile un peu et les organisations internationales qui comptent dans le domaine du financement étaient là et tous se sont exprimés. Tout le monde convient à demi mot que les engagements pris en matière d’aide publique au développement (APD) depuis les années 70 n’ont jamais été respectés.

Au lieu de 0,70 % du PIB des pays riches affecté à l’aide publique au développement, c’est plutôt 0,22 % en moyenne dont des disparités entre l’Europe (0,33% % en moyenne) et les autres, les Etats-Unis (o,10 % à peine) accordé à l’aide publique au développement. Ensuite, nous avons eu beaucoup d’initiatives sans lendemain : le Plan de redressement de l’Afrique, les grandes conférences de Monterrey, le sommet du Millénaire, le sommet de Rome sur l’harmonisation, récemment, Marrakech, Johannesburg, etc., etc., les grandes rencontres internationales se succèdent, mais, sans jamais faire en sorte d’arriver à prendre des engagements tenus.

Et pourtant, on assiste à tout un discours sur ce que les pays en développement doivent faire : bonne gouvernance, transparence, gestion axée sur les résultats, etc. que ces pays sont toujours prêts à prendre mais en retour, l’aide publique au développement n’a pas augmenté. Au total, ce symposium a été l’occasion de nouveaux questionnements sur les pratiques de l’aide publique au développement et sur les moyens d’aller vers l’action, les moyens d’opérer véritablement une rupture dans les nouvelles règles du jeu international, pour faire en sorte que notre monde actuel qui a tous les moyens d’éliminer mille fois la pauvreté, puisse véritablement s’y atteler, en tablant sur un nouveau partenariat, bâti sur la confiance réciproque, et vérifiable à travers un certain nombre d’indicateurs qui seront mutuellement convenus entre donateurs et pays bénéficiaires.

Je retiens donc que la conférence de Paris a été une étape importante dans la formation de ce nouveau partenariat entre donateurs et bénéficiaires de l’APD et que le sommet de Ouagadougou sera un autre moment pour prendre les grandes conclusions et pour veiller par la suite au suivi, au mécanisme, aux relais internationaux pour aire en sorte que ces conclusions sortent des vœux pour devenir des réalités intégrées dans les nouvelles pratiques de l’APD.

Y a-t-il des raisons de croire que cette conférence ne sera pas comme celles qui l’ont précédée et qui n’ont rien apporté de concret ?

J’ai posé la question au Directeur général de l’Agence de la Francophonie et à travers sa réponse, j’ai compris qu’il appartient à la communauté francophone de se donner les moyens d’utiliser les autres relais internationaux pour valoriser les conclusions de cette table ronde. Rien n’ira de soi en réalité, quelle que soit la pertinence de ces conclusions. Parce que la communauté internationale est ainsi faite que les décisions se prennent très lentement et que les initiatives sont l’aboutissement d’un long processus de maturation avant de s’enraciner. Par exemple de l’initiative PPTE qui a été consécutive à la grande crise de la dette des années 80, ensuite ressortie comme un problème majeur lors du sommet social de Copenhague en 1995, n’est devenue finalement une réalité sous cette forme PPTE que pratiquement au début des années 2000.

C’est donc des choses qui se mettent en place tout doucement et cela nécessite quelque part qu’il y ait des bonnes volontés pour en assurer le suivi au niveau de toutes les tribunes internationales qui constituent des niveaux de décision. Je pense notamment aux sommets du G8 où se prennent très souvent de grandes décisions sur l’APD.

Un observateur, en l’occurrence, Jacques Attali, a dit que la communauté francophone est l’une des plus inégalitaires, quand on compare les revenus des membres du Nord par rapport à ceux du Sud. Est-ce qu’elle est la mieux indiquée pour en appeler à plus d’efficacité dans les financements de l’APD ?

D’une manière générale, au début des années 60, le rapport entre les pays riches et les moins riches était de l’ordre de 1 à 20. Au début des années 2000, ce rapport est passé à 40 pour un. Et vous savez que la communauté francophone compte en son sein les pays les plus pauvres du monde. On peut donc parfaitement comprendre que les écarts et les inégalités soient encore plus prononcés au sein de cette communauté qu’ailleurs. Ceci explique sans doute cela.

La Francophonie étant bâtie sur le concept de solidarité doit donc se trouver les moyens d’en appeler à la conscience de la communauté internationale autour de ce concept de solidarité et de confiance et c’est sans doute cela qui a conduit à l’idée de ce symposium qui a revisité toutes les pratiques de financement international depuis les années 70 jusqu’à nos jours.

On peut donc dire que les travaux laissent augurer d’un bon sommet à Ouagadougou ?

En tout cas, je pense que le symposium donnera un contenu plus concret aux discussions des chefs d’Etat à Ouagadougou. Parce que l’économie avait toujours été considérée comme le maillon faible de la Francophonie à qui on reprochait d’être trop culturelle, trop politique. Alors, en mettant l’accent sur les conclusions de ce symposium, le sommet de Ouagadougou touchera véritablement du concret ; ce qui est au cœur des préoccupations de la majorité des pays de la Francophonie qui, à l’exception de quelques-uns, appartiennent à la catégorie des pays les moins avancés et comptent parmi les plus pauvres d’entre les pauvres.

Réalisé par Cyriaque Paré

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