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Conseil municipal de Diébougou : Comme à Pô... la violence en plus

Publié le mardi 20 février 2007 à 07h58min

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Après les partielles du 18 février 2007, les choses sont en train de s’arranger pour Pô. Reste le cas de la commune de Diébougou qui, depuis le 30 mai 2006, jour de l’élection du bureau communal, traverse une crise sans précédent dans les annales de l’histoire de la région du Sud-Ouest.

Après les partielles du 18 février 2007, les choses sont Pire, le 29 septembre 2006, des affrontements ont eu lieu dans cette cité naguère paisible. Face à cette crise, le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation y a effectué une mission le 15 février 2007.

Mme Conchita Lacuey, maire de la ville de Floirac jumelée à celle de Diébougou, n’oubliera pas de sitôt cette journée du 29 septembre 2006. En effet, sa rencontre au CDEFA (un centre catholique dans la ville de Diébougou) avec des conseillers municipaux de la commune hôte a aussitôt tourné court, suite à une intrusion de jeunes qui, visiblement, en voulaient aux conseillers municipaux présents dans la salle.

Après quelques échanges peu amènes, l’atmosphère s’est vite électrisée et les coups ont rapidement commencé à pleuvoir de part et d’autres. Difficile de savoir qui a donné le top de départ des hostilités mais les uns et les autres cherchaient à en découdre et ne se sont pas fait prier pour attaquer. Qui ses poings, qui sa manchette, etc.

Le sang commença à couler et bientôt trois blessés et des engins endommagés sur ce champ de bataille qui, comble de l’ironie, est un site religieux. On aura rarement vu cela dans une contrée où la réparation d’une goutte de sang versée nécessite des sacrifices rituels des plus complexes. Cette maire en visite, qui était loin de l’actualité diébougoulaise, devait être bien étonnée de cette brusque escalade guerrière. Elle qui ne savait pas qu’un volcan couvait dans cette contrée, depuis les résultats des élections municipales d’avril 2006.

Après dix ans sous la bannière du CDP, la mairie de la ville est tombée sous la coupe de l’ADF-RDA. Ce parti a engrangé 31 conseillers ; le CDP, 24 et le RPP-Gwasigui, 5. Trois partis doivent donc siéger au Conseil municipal. Et tout semblait se dérouler sous de bons auspices pour le parti de l’éléphant dans cette zone.

Même si les conseillers du RPP-Gwasigui ont entre-temps rejoint les contestataires. Restait maintenant à élire le bureau. Ce 30 mai 2006, la séance pour cette élection devant composer le Conseil semblait avoir démarrée sur les chapeaux de roues. Le maire est élu. C’est Nicolas Da ; son 1er adjoint également. Et patatras ! Au moment du choix du 2e adjoint, les conseillers CDP quittent la salle. Une attitude qui semble avoir laissé de marbre les autres qui ont continué dans le choix des membres devant composer le bureau.

Si fait que depuis l’installation de ce bureau, les conseillers du CDP et du RPP sont aux abonnés absents à toute réunion du Conseil municipal. Et pis, les motions de défiance se succèdent aux motions de défiance : une première le 8 juillet, une seconde le 18 septembre et la dernière le 21 septembre 2006. Du côté du maire nouvellement investi, l’on fait aussi de tout feu tout bois pour que le quorum légal soit atteint pendant les rencontres.

Dans l’autre camp (celui de l’ancien maire, Hervé Magloire Kam), des moyens sont également mis pour éviter aux autres d’avoir le nombre légal de conseillers pour siéger. Et pour parvenir à leurs fins, tous semblaient avoir fait du livre « Le Prince » de Machiavel leur document de chevet : intimidation, désinformation, gratifications, etc. Toujours est-il qu’il serait fastidieux d’énumérer tous les griefs que les uns formulaient à l’égard des autres. Surtout que tous se rejettent la balle. Seulement tout concourait à pourrir l’atmosphère et les violences au CDEFA n’étaient que l’expression logique d’une succession de rancoeurs et de récriminations.

Ce 15 février 2007, aux environs de 10 heures sur les lieux de la rencontre (encore au CDEFA), l’ambiance était des plus moroses. Il y avait deux groupes distincts. D’un côté, les supporters de l’ancien maire Hervé Magloire Kam ; de l’autre, les thuriféraires du nouveau, Nicolas Da. L’ambiance était à l’orage. Comme il était triste de voir ces natifs d’une même région que toutes sortes de liens unissent s’observer en chiens de faïence. Le ministre Clément Sawadogo semble avoir choisi la méthode de nos chers juges d’instruction pour l’audition des différentes parties. Quatre groupes se sont donc succédé et ont été entendus : le nouveau maire avec ses conseillers, l’ancien et les siens, la société civile et l’administration.

« Du sang a été versé. Nous exigeons des sacrifices »

Pour le groupe à Nicolas Da, les perdants n’ont pas été fair-play après leur défaite et les tensions se sont surtout exacerbées depuis l’arrivée de Maxime Somé, un ressortissant du village de Bapla résidant en France. C’est lui qu’ils ont d’ailleurs accusé d’avoir décidé de l’organisation de la rencontre des conseillers CDP et du RPP-Gwasigui avec le maire, au centre catholique, alors qu’une autre, plus officielle, était prévue. « Des jeunes qui avaient marre de l’attitude de ces gens sont allés pour les rencontrer et la situation a dégénéré », a affirmé la tendance Nicolas Da.

« Des jeunes instrumentalisés par le maire », a précisé le camp adverse, qui a ajouté que le nouveau maire veut régner par la terreur et qu’il serait un homme qui n’aime pas le consensus. Et les positions sont aussi très tranchées sur la formule à adopter pour que de part et d’autres l’on mette balle à terre. Pour Hervé Magloire Kam et les siens, il est impossible de travailler avec « Nicolas Da ». Pour le clan régnant, il n’est pas question de reprendre l’élection, car « un Conseil municipal est un Conseil municipal ».

Des positions extrêmes qui ont été tempérées par les propos des membres de la société civile qui ont plutôt suggéré la possibilité de se référer aux textes pour statuer. Quant aux chefs coutumiers, ils avaient une toute autre préoccupation. « Du sang a été versé. Au nom des coutumiers et des ancêtres, cela nécessite réparation », a prévenu leur représentant.

C’est surtout pendant la plénière que les deux clans auront la latitude de se décocher les flèches les plus assassines, avec ce ton des plus acerbes. Certainement la conséquence d’émotions longtemps contenues. La plupart des intervenants n’ont pas proposé des pistes pour un règlement du problème. Mais beaucoup aspirent néanmoins à ce que la paix revienne dans leur cité. Une liste unique d’intervenants a été ouverte pendant cette plénière et... 37 personnes ont levé leur doigt. Tous les propos tendaient vers un impératif de recherche de solution, face à une problème qui, à écouter les intervenants (les personnes âgées surtout), ne fait pas honneur à la ville de Diébougou.

« N’oubliez pas que la commune est une partie de l’Etat »

Après donc ces interventions marathon, qui ont pris plusieurs heures, le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a conclu que l’intolérance et l’insécurité sont établies dans la commune et que chacun doit faire preuve de réserve. Et pour la résolution de la crise, il a énuméré deux possibilités : une qui est radicale, à savoir la dissolution du Conseil municipal, en vertu de l’article 251 du Code électoral ou un arrangement entre les différentes parties concernées. Le ministre a jeté son dévolu sur cette seconde option.

« Je propose la mise en place d’une petite structure de dialogue et de concertation qui aura un mois pour trouver une solution de sortie de crise. En attendant, nous allons demander de surseoir à toute convocation du Conseil municipal ». Ce comité aura comme facilitateurs des membres de la société civile et de l’administration.

Mais un participant ne semblait pas voir d’un bon œil la présence de l’administration. Réaction du ministre : « Si ça vous gêne, les réunions pourraient se tenir sans le haut-commissaire. Mais n’oubliez surtout pas que la commune est une partie de l’Etat et reste tout de même sous la tutelle de l’administration ». Il sera aussitôt appuyé par une autre intervention, celle d’une dame plus précisément, visiblement irritée par la méfiance de l’intervenant : « Ecoutez laissez la commission comme ça ! Si on pouvait régler ce problème entre nous, nous n’en serions pas là ».

Issa K. Barry

L’Observateur

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