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Situation socioéconomique des femmes : Légère amélioration dans les Hauts-Bassins et les Cascades

Publié le jeudi 8 février 2007 à 07h27min

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Odile K Hebié

Depuis quelques années, les femmes font l’objet d’une attention particulière de la part des autorités administratives et politiques, des partenaires au développement et des Organisations non gouvernementales (ONG).

Conséquence, leur situation naguère très précaire connaît une légère amélioration. C’est du moins ce que disent les femmes et leurs partenaires des régions des Hauts-Bassins et des Cascades.

Organisées de plus en plus sous forme d’associations ou de collectifs d’associations, les femmes du Houet arrivent à se prendre en charge grâce aux activités génératrices de revenus. Pour le directeur régional de la Promotion de la femme des Hauts-Bassins, Assane Badini, depuis la création d’un ministère de tutelle et des directions régionales, beaucoup de choses ont été faites pour les femmes.

“Au plan économique, avec nos partenaires, comme le FAARF (Fonds d’appui aux activités rémunératrices des femmes), le FASI (Fonds d’appui au secteur informel) et le PAMER (Projet d’appui aux micro-entreprises rurales), nous avons réussi à obtenir de nombreux micro-crédits pour les femmes de la région”, a-t-il souligné.

Ces micro-crédits ont permis aux associations et collectifs bénéficiaires de mener des activités tels que le petit commerce, l’élevage, l’agriculture et la transformation de produits (beurre de karité, savon). M. Badini affirme qu’avec ces financements, certains groupes de femmes arrivent vraiment à être autonomes financièrement parlant. “ Sont de ceux-là les collectifs Gafreh de Mme Lamizana et Femmes et développement du Houet de Adja Naba Diané ”, déclare-t-il.

Cependant, reconnaît M. Badini, la lutte pour la promotion et l’émancipation de la femme ne se fait pas sans difficultés. Et de citer entre autres, les retards de paiement accusés par les femmes lors du remboursement des crédits, la faiblesse des montants octroyés aux femmes, le nombre pléthorique d’associations. En effet, il faut noter qu’il existe 16 collectifs de femmes et plus de 1 000 associations féminines dans le Houet.

Au plan social, la direction régionale de la Promotion de la femme (DRPF) en collaboration avec des ONG comme Wildaf, a permis à de nombreuses femmes de participer à des ateliers de formation sur divers thèmes. Ainsi, elles ont eu à suivre des formations sur leurs droits et sur bien d’autres sujets qui concourent à leur émancipation, à savoir la lutte contre les violences faites aux femmes et les montages des micro-projets notamment. En plus, des séances d’alphabétisation sont organisées régulièrement à leur intention.

Tous ces efforts ont permis aux femmes de la région de mieux connaître leurs droits et de savoir à qui s’adresser quand elles subissent des violences. “ Elles ont compris l’importance du mariage civil et de la dénonciation en cas de violence subie. Elles savent également qu’elles n’ont pas besoin de l’accord de leurs époux pour fréquenter les centres de santé. Aussi, elles ne se laissent plus dépouiller de leurs biens en cas de décès de leur mari ”, a précisé M. Badini. Comme perspectives, la DRPF des Hauts-Bassins compte renforcer les formations et œuvrer à une meilleure accessibilité des femmes aux micro-crédits.

Assita Ouattara est la coordonnatrice provinciale des femmes du Houet. Elle est par ailleurs la présidente du Collectif “Femmes et environnement du Houet”. Selon elle, la situation socio économique des femmes bobolaises et du Houet a beaucoup évolué. “Si on la compare à celle d’il y a dix ou quinze ans, on peut dire que ça va”, affirme-t-elle. Une situation due, à son avis, au fait que de plus en plus les femmes mènent des activités génératrices de revenus. Il s’agit essentiellement de la teinture, du petit commerce, de la production du beurre de karité, de la fabrication de savon, du soumbala, du séchage de fruits et légumes.

Cependant, dit-elle : “Par rapport au coût de la vie, elle ne parvient toujours pas à satisfaire ses besoins fondamentaux”. En un mot, la situation s’est améliorée, mais des efforts restent à faire. Surtout qu’à Bobo, la situation de la femme est à l’image de celle de la ville. Mme Ouattara est convaincue que l’accroissement des financements, la levée des garanties exigées par les structures d’octroi de crédits et le respect de la période souhaitée pour l’obtention des fonds sont des solutions économiques à l’amélioration de la situation de la femme.

Sur le plan social, elle suggère le renforcement des formations sur la gestion des prêts et l’adoption de bonnes habitudes par les femmes pour les sortir de l’ornière. Ces solutions pourraient lever bien des obstacles qu’elles résume en ces points : difficultés d’accès aux crédits et modalités de leur remboursement, délais d’obtention de ces prêts, détournement de la finalité des fonds obtenus, dépenses ostentatoires des femmes et concurrence inutile entre elles.

En termes de perspectives, Assita Ouattara est d’un optimisme débordant. “L’espoir est permis parce qu’actuellement il y a une dynamique nouvelle qui est enclenchée au niveau des associations et des collectifs”, affirme-t-elle. Elle apprécie plus particulièrement les femmes des départements qui, dit-elle, “se battent et utilisent à bon escient les prêts contractés”.

Les femmes des Cascades condamnées à se battre

Les propos de la directrice régionale de la Promotion de la femme des Cascades, Mme Odile Konadi Hébié sont également révélateurs du combat quotidien des femmes de la Léraba et de la Comoé pour braver la pauvreté. “La situation socioéconomique des femmes s’est améliorée du fait de l’engagement même de celles-ci et surtout des activités qu’elles mènent en faveur de leur épanouissement”. Tenaillées entre les pesanteurs socioculturelles et les adversités économiques, la tâche des femmes des Cascades ne semble pas a priori aisée.

En effet le poids des traditions reste présent et constitue un frein à un véritable essor de l’autre moitié du ciel. La directrice régionale des femmes des Cascades fait remarquer qu’il y a certes des avancées significatives en termes d’évolution des mentalités, mais les pratiques néfastes hantent toujours les esprits et même persistent dans certaines localités.

A titre d’exemple, le pouvoir de décision est souvent revenu aux hommes et la femme est par moments, privée du droit à la parole en public tout comme celui d’occuper certains postes de responsabilité au sein des structures villageoises. A cela, il faut ajouter la persistance de certaines pratiques avilissantes de la femme et très ancrées dans les mœurs. Il s’agit par exemple de l’excision, du mariage fortement doté, du lévirat, du mariage précoce, des formes diverses de violences faites aux femmes, des spoliations des veuves par les parents de leur défunt époux.

Autre cas de figure, le problème d’accessibilité à la terre par la femme et de la scolarisation des filles qui restent cruciaux. En dépit de ce tableau sombre, les femmes de la région des Cascades ne sont pas résignées. Au contraire, elles ne manquent pas d’initiatives pour renverser la tendance et se créer les conditions meilleures d’existence. Elles croient plutôt aux vertus du regroupement et de la solidarité. Organisées en groupements ou associations, on dénombre 890 structures féminines réparties dans les dix-sept départements de la région.

On les retrouve dans les domaines de la transformation et de la commercialisation des produits de l’élevage et de l’agriculture : “le recensement de ces groupements et associations nous a permis d’élaborer et de mettre en œuvre un programme d’activités annuelles qui prend en compte les objectifs fixés par le ministère dans son plan d’action”, a précisé la directrice régionale de la Promotion de la femme. Aussi la DRPF s’est-elle attelée, conformément à sa mission et depuis 2001, date de sa création, à assurer une assistance technique à travers des sessions de formation sur la gestion des micro-crédits, le montage des projets et les séances d’alphabétisation.

Du côté des femmes, elles notent avec satisfaction l’accompagnement technique et financier par leur ministère, les ONG et partenaires dans la mise en œuvre de leurs projets. Dans la région, la réduction de la pénibilité du travail est une réalité tangible à travers la dotation des structures féminines de moulins et décortiqueuses, de presses à karité, de motopompes, de machines à coudre, d’unités de savonnerie et de séchages à gaz. Malgré tout, il existe des difficultés.

Au nombre de celles-ci, l’insuffisance criante de logistiques et des ressources financières qui empêchent la DRPF des Cascades de mener à bien ses activités et de rendre effectivement fonctionnelle la Maison de la femme. Par ailleurs, les associations et groupements de femmes, souhaitent plus d’appui pour financer les nombreux projets qui dorment toujours dans les tiroirs. Mais d’une manière générale, on peut affirmer que dans les Cascades, les femmes sont à l’avant-garde de la lutte pour leur bien-être.

Autre lieu, mêmes défis

C’est le même combat qu’elles mènent dans la province du Kénédougou. Celle-ci compte une centaine d’associations regroupées au sein d’une coordination provinciale. Au chef-lieu de la province, Orodara, on dénombre une soixantaine d’associations. La plupart des femmes prises individuellement dans le Kénédougou exercent dans l’agriculture, le petit commerce et la transformation agro-alimentaire. Ce sont ces mêmes activités que mènent aussi les regroupements des femmes.

L’un d’eux, le groupement “Wili Katama” des femmes de Orodara gère une unité de séchage de fruits comme les mangues, la tomate et les bananes. Elle transforme aussi le manioc en produits variés comme l’attiéké, le gari, le tapioca, l’amidon ou la farine. L’unité des femmes “ Wili Katama ” fabrique aussi du soumbala et du beurre de karité. Les produits de cette unité sont vendus sur les marchés de Bobo-Dioulasso et de Ouagadougou. Les mangues séchées sont quant à elles, écoulées en Allemagne.

Pour la présidente de cette association, Mme Coulibaly née Pélagie Koutaba, le groupement s’en sort tant bien que mal. L’unité de séchage dont elle est la gérante emploie en période de campagne une vingtaine de personnes constituées de jeunes filles, de garçons et des femmes. L’association est appuyée par un projet local et par une association italienne dénommée ETIMOS. C’est cette dernière qui a aidé le groupement à construire les locaux de l’unité de séchage à hauteur de 12 millions de FCFA.

Il se trouve que malheureusement, la principale difficulté que rencontre “ Wili Katama ” est le remboursement de ce montant. “ Nous n’avons pas assez d’argent pour acheter la matière première, payer convenablement ceux qui travaillent ici et rembourser correctement le crédit. Si on pouvait nous aider, cela nous arrangerait beaucoup ”, affirme Mme Coulibaly. Pour elle, la situation des femmes du Kénédougou s’est sensiblement améliorée. C’est aussi l’avis de Aminata Coulibaly, vendeuse de patates douces au marché de Orodara : “ Avant nous n’avions pas d’argent pour faire le commerce. Maintenant, il y a des groupements féminins qui nous soutiennent dans nos activités. Cela nous permet de nous améliorer ”.

Assita Barro, vendeuse de fruits abonde dans le même sens : “ Je vends des oranges à Orodara. Cette année, c’est un peu dur parce qu’il y a beaucoup de commerçants, mais pas assez de clients. Néanmoins ce que nous gagnons nous permet d’acheter du savon, d’assurer le prix des condiments, de nous habiller et de nous soigner. Certains organismes nous aident, ce qui nous permet d’évoluer. ” A Orodara, les femmes sont présentes dans presque tous les domaines d’activités. Elles sont les plus nombreuses au marché devant leurs étals. A l’entrée de la ville, on les rencontre également avec leurs cuvettes remplies de produits divers sur la tête.

Dans le Kénédougou, les femmes sont libres de mener leurs activités même si certaines pesanteurs culturelles ou religieuses persistent toujours comme le confirme Mme Sanou née Ouattara Madiara, trésorière de la Maison de la femme de Orodara : “Dans le Kénédougou, les femmes exercent librement leurs activités à part quelques réticences de certains hommes. Les femmes contribuent beaucoup aux dépenses de la famille. Dans certaines familles, ce sont les femmes qui font tout. Il y a des religions qui causent des difficultés.

Mais les hommes commencent à comprendre car quand une femme a un revenu, c’est un soutien inestimable à toute la famille.” Madame Sanou souhaite avoir de l’aide comme cela se fait ailleurs pour faire fonctionner correctement la Maison de la femme. Selon Mme Coulibaly/Koutaba Pélagie, également responsable de la Maison de la femme de Orodara, leur structure manque de moyens alors qu’elle doit prendre en charge les filles qui y apprennent la couture, la broderie, le tissage. Elle doit aussi faire face aux charges de gardiennage, d’électricité et payer les animatrices et monitrices.

Le Kénédougou ne dispose pas, à la date du 12 janvier 2007, d’une direction provinciale de la Promotion de la femme. Les femmes relèvent de la direction régionale des Hauts-Bassins basée à Bobo-Dioulasso. A entendre Mme Coulibaly, le Kénédougou pourrait bénéficier bientôt d’une direction provinciale. Avec des moyens conséquents, les femmes du Kénédougou sont disposées à travailler pour améliorer leur situation socioéconomique et relever de grands défis.

Clarisse HEMA
Urbain KABORE
Frédéric OUEDRAOGO
& Adaman DRABO

Sidwaya

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