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Une "Lettre pour Laye" du 16/04/04 : un diplomate dans de sales draps

Publié le samedi 17 avril 2004 à 09h34min

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Cher Wambi,
Quelque dix jours après l’ouverture du procès de la présumée tentative de putsch, les juges du tribunal militaire de Ouagadougou ont emprunté hier jeudi la dernière ligne droite. Les treize inculpés et les témoins ayant été entendus, la parole a été donnée hier soir successivement au procureur pour son réquisitoire, ainsi qu’aux avocats de la partie civile et de la défense pour leurs plaidoiries.

Je n’ose pas émettre le moindre pronostic sur l’issue de ce procès, mais l’allure des débats et des différentes auditions me convainc que ce week-end c’en sera enfin fini de cette affaire de putsch d’octobre 2003. Le président du tribunal, Sibila Franck Compaoré, ne se fera en tout cas pas prier pour vider ce dossier afin d’être au rendez-vous du marché de Kienfangué, dont on dit qu’il est un inconditionnel, ce dimanche de la Saint-Parfait.

Mais en attendant, la plaidoirie des avocats de la partie civile devrait être assurée par Me Antoinette Ouédraogo, vu que son coéquipier Me Benoît Sawadogo s’est envolé avant-hier pour Paris, et que son autre coéquipier, Me Anicet Somé, n’a pu prendre part aux premières auditions pour cause de décès de son épouse et de sa soeur. Pour connaître le verdict, je te donne rendez-vous vendredi prochain, même si d’ici là tu l’apprenais des voyageurs en partance ou en provenance de Boussé, Yako, Ouahigouya, etc.

Mais quel que soit le résultat qui en sortirait, cher cousin, souhaitons à notre pays la paix sociale et beaucoup de pluies pour une saison agricole profitable à tous. Car sans paix sociale, point de développement, point de perspectives heureuses. Malheureusement, cher cousin, c’est l’évangile que refusent d’entendre les bandits de grand chemin qui continuent d’écumer nos campagnes. Pourtant, après les dernières "chasses fructueuses" des forces de l’ordre et de la sécurité courant mars, on s’était mis à rêver que plus jamais ces prédateurs des temps nouveaux ne dicteraient leur loi.

Hélas, eux aussi pensent avoir un défi à relever. Sinon, comment comprendre que ces jours-ci ils se permettent d’opérer en plein jour à la barbe des forces de sécurité ? Cette semaine, ce sont les pêcheurs professionnels du barrage de la Kompienga qui en ont fait les frais. Leur camion frigorifique qui appprovisionne régulièrement Ouagadougou a, en effet, été attaqué, et le chauffeur, abattu sans autre forme de procès.

Après ce forfait, les assaillants s’en sont pris à des femmes, les dépouillant de tous leurs biens. Une moto de marque Yamaha qu’ils ont emportée aurait été retrouvée au marché de Bilanga, sans pièces et sans propriétaire. C’est te dire, cher Wambi, que le phénomène du grand banditisme est devenu un problème de sécurité publique auquel tous, nous devons nous attaquer avec la dernière énergie.

Cela dit, cher cousin, le Burkina a commémoré le 30 mars dernier l’an III de la Journée nationale de pardon à travers moult cérémonies dont on retiendra :

- la conférence animée par Mgr Amselme Sanon sur le thème "Réconciliation au Burkina : mythe ou réalité ?" ;

- le lancement officiel du timbre-poste commémoratif de la Journée nationale de pardon ;

- la visite effectuée par les membres du gouvernement sur le site en chantier du monument aux héros nationaux.

Le pardon puise aussi sa source dans la vérité et la justice. Mais trois années après cette initiative présidentielle, nombre de Burkinabè s’estiment avoir été abandonnés en bordure de la voie du pardon. Est de ceux-là Chérif Yaméogo, un des ayants droit de feu Denis Yaméogo, qui a adressé la lettre suivante au président du Faso en vue d’une grâce présidentielle :

Excellence monsieur le Président,

La Journée nationale de pardon (JNP) que vous avez bien voulu instituer est dans l’entendement et dans le c ?ur de tous les Burkinabè une journée de pardon pour tous les fils, sans distinction, de cette nation qui nous est chère à tous. Les ayants droit de feu Dénis Yaméogo ne sont pas des parias de la nation, encore moins les ennemis de la nation. Aussi, nous nous posons ces questions :
pourquoi les mesures de la JNP nous sont difficilement applicables ?

Pourquoi tout le monde a droit au regard humain sauf nous ? Nous avons reçu la réponse à nos requêtes au fin de restitution des biens confisqués par décision du tribunal spécial du 7 décembre 1967. Et cela depuis le 16 août où vous invitiez, monsieur le Président, votre ministre de l’Economie, des Finances et du Plan à soumettre à votre appréciation et à celle du conseil des ministres un rapport relatif à la situation d’ensemble des charges inhérentes à ces restitutions. 10 ans après, nous constatons avec désolation que notre situation n’a point évolué.

Même s’il y a eu faute, elle est très chèrement payée. En rappel :
depuis 1966, il y a 38 ans, notre famille est dépouillée de tout pour raison politique ;
depuis 1968, il y a 36 ans, notre cher père, alors toujours en détention, a perdu la vie. "Paix à son âme" ;
depuis 1966 à 2004, il y a 38 ans, nous survivons dans la souffrance, sans soutien, sans revenu, sans patrimoine. C’est pour des raisons politiques, et surtout humaines, monsieur le Président , que vous avez institué cette Journée nationale de pardon.

Nous ne pensons pas que nous sommes des exclus de cet humanisme. Aussi, nous osons humblement insister sur votre sens humain et attirer votre regard sur notre sort, afin que soit levé l’obstacle qui empêche le règlement de notre dossier. Votre Excellence, vous êtes le seul qui pouvez ordonner la liquidation du dossier et alléger de notre souffrance. Quelle que soit la complexité de notre dossier, il nous est permis de penser qu’en 3 ans, si une attention particulière, vu sa complexité, lui était prêtée, nous aurions pu être de ceux-là qui jouissent aujourd’hui du fruit du pardon national qui a fêté son 3e anniversaire le 30 mars passé. Avec toutes mes considérations, veuillez agréer, monsieur le président, l’expression de ma considération la plus distinguée.

Chérif Yaméogo

Est jointe à cette lettre, cher cousin, une photocopie d’une correspondance du président du Faso, datée du 16 août 1994, adressée au ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, que je te propose de lire :

Monsieur le Ministre,

Par décision du tribunal spécial ou aux termes du décret n°67-309/PRES du 7 décembre 1967, les biens, immeubles notamment, de certaines personnalités ont été confisqués. Suite aux requêtes aux fins de restitution présentées par les intéressés, les investigations menées situent ces biens sous deux aspects différents :

D’une part, les biens immeubles restés sous la tutelle de l’Administration, dont la restitution ne créerait pas de difficultés. Il s’agit : Feu Denis Yaméogo
Parcelle TF n°815 du lot 1121 Ouagadougou (zone résidentielle)
parcelle P du lot 255 Bobo-Dioulasso (zone des écoles)
parcelle nord-est du lot 354 Koudougou (zone résidentielle)
un verger 819 à Koubri Feu Bégnon Koné (Passage illisible) Sawadogo Moussa
Parcelle J. TF n°645 du lot 1117 - Ouagadougou (Koulouba)

Cette parcelle a déjà été restituée aux termes du décret n°91-0418/PRES/MFP du 4 novembre 1991. Il y a cependant une erreur sur la référence de la parcelle dans le décret de restituton, qu’il faudra corriger.
Parcelle U et V du lot 1100 - Ouagadougou (Tiendpalogo)
un verger sis à Boulbi Compaoré Adama André
Parcelle K du lot 11130 - Ouagadougou (Koulouba)
parcelle F du lot 916 - Bobo-Dioulasso (zone résidentielle).

D’autre part, les biens immeubles ayant fait, après leur confiscation, l’objet de mutation de propriété et/ou qui ont subi des transformations importantes par l’Etat ou par de tierce personne, rendant leur restitution impossible. Il s’agit : Feu Denis Yaméogo
Parcelle C 1/2 du lot 1032 - Ouagadougou (Tiendpalogo)
un verger à Boulbi
parcelle K du lot 855 - Bobo-Dioulasso (zone des écoles) Feu Begnon Koné
Parcelle T.F n°517 du lot 1111 - Ouagadougou (zone résidentielle) Mme Compaoré Georgette (épouse de M. Compaoré Adama André)
Parcelle C du lot 1112 - Ouagadougou (zone résidentielle).

Ce second cas de figure se présente sous deux formes différentes à savoir : A. Les parcelles nues au moment de la saisie et qui demeurent toujours dans leur forme initiale. B. Les parcelles qui supportaient des réalisations au moment de la saisie et/ou qui ont fait l’objet de transformations importantes par la suite. Si pour le premier aspect la restitution est envisageable sans difficulté, pour le second il ne peut être prévu que des formes de compensation.

Il s’agira de proposer :
aux requérants intéressés par le point A : des parcelles nues de même dimension que celles confisquées ;
à ceux intéressés par le point B : des parcelles nues de même dimension que celles confisquées plus une somme d’argent forfaitaire. La détermination du montant de cette somme prendra en compte l’importance des réalisations que le requérant avait faites sur sa parcelle et les possibilités budgétaires qui s’offrent.

A l’issue de cette opération, vous voudriez bien soumettre :
à mon appréciation et à celle du Conseil des ministres :
un rapport relatif à la situation d’ensemble des charges inhérentes à ces restitutions ;
un projet de décret se référant entre autres au décret n°57-309/PRES du 7 décembre 1967 et qui constate ces restitutions en ce qui concerne M. Sawadogo Moussa et les héritiers de feu Begnon Koné ;
à mon appréciation et signature un projet de décret constatant la remise à titre gracieux des biens immeubles confisqués, au profit des héritiers de feu Denis Yaméogo.

Quant à M. Compaoré Adama André, la restitution de ces biens fera l’objet d’une grâce présidentielle. Recevez, M. le ministre, l’expression de mes sentiments distingués.

Blaise Compaoré

Pour l’histoire, cher cousin, retiens que feu Denis Yaméogo dont il est ici question était et le frère aîné de feu le président Maurice Yaméogo et son ministre de l’Intérieur quand survint l’historique soulèvement populaire du 3 janvier 1966. Pour certains, Denis Yaméogo était l’âme damnée de Maurice Yaméogo, mais pour ceux qui l’ont approché de très près, c’était un homme au grand coeur.

Malgré ses allures expéditives, c’était quelqu’un d’une si grande bonté, qui aimait s’amuser. Mais que veux-tu, cher cousin, on a vite fait de lui coller une légende négative qui l’a suivi jusque dans sa tombe. En rappel, c’est sous le régime de la détention préventive qu’il s’est éteint après la chute du régime. Le cri du coeur de son fils sera-t-il entendu ?


Cher Wambi, combien reste-t-il de dromadaires et de chameaux, pardon de Samos, dans la cité ? Point besoin de chercher longtemps, car au moment où tu me lis, hormis ceux d’entre eux qui émargent à la Caisse autonome de retraite des fonctionnaires (CARFO), à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), et les invalides, ils devraient avoir tous rejoint leur bercail et pour cause.

C’est hier jeudi que s’est ouvert à Toma, capitale du Nayala, le Festival de lutte et de masques en pays san, communément appelé LUMASSAN, qui est à sa 8e édition. Cette année, y sont attendus outre les Burkinabè, des lutteurs venus du Togo et du Niger. Côté masques, il y en aura 300.

Avant l’inauguration de l’arène de lutte traditionnelle, et la grande finale, placées sous la présidence de leur gendre Paramanga Ernest Yonli, premier ministre de Blaise Compaoré, les Samo entreront officiellement dans la civilisation avec le lancement des travaux d’électrification de la ville de Toma.

Comme tu le vois, cher cousin, là-bas on n’aura plus besoin du clair de lune pour s’adonner à son sport favori qu’est la lutte traditionnelle ou pour jouer les chevaux des Pierre Toé et Thérèse Bonané, elle, apprivoisée chez les Nabaloum à Koudougou. Je serai personnellement à la finale du samedi, pas pour compétir, tiens-toi bien, mais pour voir quel poids feront nos camélidés face à leurs adversaires venus de l’est et du sud. J’en connais en tout cas qui, avec leurs mollets de pintade, risquent de faire piètre figure à ce rendez-vous de la lutte qu’on voudrait grand.

Heureusement que de gros mortiers tels les Jean-Baptiste Dala, Emile, Etienne Paré, Emile Sya et Georges Emmanuel Ki semblent toujours tenir la route.


Cher Wambi, je ne t’apprends sûrement rien en disant qu’une forte communauté burkinabè réside en Italie, principalement constituée de Bissas. Rien que dans la seule ville de Milan, on en dénombre au moins six mille (6000).

Grands travailleurs, ils rapatrient chaque année des sommes importantes destinées non seulement à subvenir aux besoins des parents restés au village, mais aussi à d’autres investissements comme dans l’immobilier. Il suffit de faire un détour du côté de Béguédo pour s’en convaincre. Est-ce pour cette raison que certains ont flairé le filon ? On est enclin à le croire.

En tout cas une mission conjointe BACB-CEGECI (Banque agricole et commerciale du Burkina - Centre de gestion des cités) a séjourné du 7 au 14 avril à Milan et à Rome. Objectifs : échanger avec ces "kaosweto" des modalités de transfert de leurs sous à moindres frais et au besoin, leur procurer un logis clés en main à des conditions peu astreignantes.

Et à ce que l’on dit, c’est très favorablement que l’initiative a été accueillie là-bas. J’essaierai d’ailleurs d’en savoir davantage avec les "missionnaires" des deux institutions. Et avant de te quitter, cher cousin, je t’ouvre le carnet secret de Tipoko l’Intrigante, qui contient aujourd’hui un seul élément qui devrait donner à réfléchir.


Un diplomate burkinabè, chargé de mission précisément, qui exerçait dans une de nos ambassades en Asie aurait de nos jours maille à partir avec la justice, empêtré qu’il est dans une affaire d’arnaque notamment. La victime de Son Excellence n’est autre qu’un opérateur économique qui avait passé commande de machines dans ce pays par son intermédiaire.

Une fois les dollars US parvenus en Asie, notre diplomate a cru bon de les utiliser à d’autres fins. En vain l’opérateur économique a réclamé son dû, qui est évalué à 7424,8 USD, soit quelque 4 millions de FCFA. Dès qu’en haut lieu cette affaire a été ébruitée, Son Excellence s’est dépêchée d’envoyer à son créancier une note de réclamation des frais d’hébergement, de transport, de communication et de restauration à l’ambassade, équivalant au montant sus-indiqué. De qui se moque-t-on au fait ?

En attendant d’en savoir davantage, voilà qui met à nu certaines pratiques répréhensibles dans nos représentations diplomatiques. L’opérateur économique, qui a fait preuve de naïveté, l’aura appris à ses dépens, on ne confie jamais la garde de la viande à un chat. Voilà assurément une scène de théâtre où vont bientôt se retrouver les Affaires étrangères, la Justice et le monde des affaires.

L’Observateur Paalga

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