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Dysfonctionnements à l’hôpital de Ouahigouya : intoxication ou réalité ?

Publié le jeudi 1er février 2007 à 07h48min

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Trop de choses ont été dénoncées ces derniers temps par voie de presse sur l’hôpital de Ouahigouya. Jusqu’à ce jour, des problèmes continuent d’être soulignés. Nous avons fait un tour sur les lieux pour comprendre ce qui s’y passe réellement.

Nous avons rencontré les travailleurs, les responsables de la direction et les représentants des travailleurs. Constat de la situation.

Une panne d’ambulance, le jeudi 04 janvier 2006, occasionnant le retard de l’évacuation d’un malade à l’hôpital Yalgado Ouédraogo à Ouagadougou a été la goutte qui a fait déborder le vase. Déçu, un des parents du malade a adressé une lettre ouverte au ministre de la Santé pour attirer son attention sur les pannes d’ambulances au CHR de Ouahigouya.

Les responsables de la direction de l’hôpital ont tenté de se défendre à travers un droit de réponse signé par Eric N. Tougouma, directeur des services économiques et logistiques, publié dans notre édition du jeudi 11 janvier 2007, assimilant la panne à un problème de bougie. « Le mauvais état des ambulances a toujours été soulevé au cours des différentes rencontres », insistent certains travailleurs.

Par exemple, quelque temps après l’incident du jeudi 4 janvier, qui a valu la lettre ouverte au ministre, l’ambulance a roulé à pas de tortue (13h à 17h) pour l’évacuation d’un malade à Ouagadougou.

A la sortie de la ville au retour, l’ambulance est tombée en panne. Il a fallu faire recours à un garagiste pour le dépannage. Ce qui est courant également, ce sont les pannes d’essence nuitamment au moment des transports des agents pour les cas d’urgence.

Exemple illustrateur, une ambulance, faute d’essence, a été abandonnée en pleine circulation dans la nuit du 14 au 15 janvier 2007 quand elle ramenait des agents après une intervention chirurgicale.

Au moment où la polémique était vive sur la question des évacuations et du transport des soigneurs des urgences, un autre citoyen, Soumaïla Sawadogo qu’il s’appelle, a jeté un autre pavé dans la mare.

A travers l’Observateur Paalga du jeudi 18 janvier 2007, il s’offusque du manque de brancards et de brancardiers au CHR de Ouahigouya. Et ce n’est pas tout !

Rupture de tubes de prélèvement

Le jeudi 19 janvier 2007, nous sommes alerté par un accompagnateur de malade de l’absence de tubes de prélèvement en médecine générale. Arrivé sur les lieux, nous avons effectivement constaté cela.

Certains agents du service en question nous ont avoué les difficultés qu’ils ont à faire les prélèvements de sang depuis une dizaine de jours à cause de la pénurie de tubes, dans lesquels le sang est conservé pour les analyses au laboratoire. Il en était de même au service de pédiatrie, où les infirmiers se tournaient les pouces par conséquent. Dans les autres services, la situation n’était guère meilleure.

Renseignement pris, le service du laboratoire où se fait le ravitaillement n’en disposait pas depuis le 05 janvier 2007. Informée, une autorité aurait appelé, le 20 janvier 2007, le directeur régional de la Santé pour plus d’explications. C’est ce même jour qu’une commande d’une partie des tubes est arrivée de Ouagadougou aux environs de 18 h 00. Le film de cet événement nous a été confirmé par des agents du service qui devait réceptionner lesdits produits.

Jusqu’au moment où nous tracions ces lignes, il était impossible de faire certains examens au laboratoire, comme la glycémie, la transaminase, l’ionogramme, etc. Il y a toujours rupture des tubes secs permettant de faire ces examens. Il nous a été fait également cas du problème d’un appareil mobile d’oxygène, indispensable en cas d’insuffisance respiratoire aiguè, dans les services habilités.

L’insuffisance des désinfectants pour les salles d’hospitalisation est aussi revenue sur le tapis. Il y a également le non-fonctionnement du climatiseur en salle de réanimation et le manque de prises pour les branchements des appareils dans les chambres. La situation a été diagnostiquée par les agents de la SONABEL, mais l’administration de l’hôpital tarde à y remédier.

Du problème des implants en ophtalmologie et des réactifs au laboratoire

Certains agents dénoncent une politique de deux poids deux mesures qui ne dit pas son nom au sein de l’hôpital. Ils soupçonnent l’administration de se sucrer dans l’acquisition des implants en faisant du gré à gré avec un prestataire particulier pour les soins des yeux. Selon eux, le coût des implants ne figure sur aucune ligne budgétaire du CHR.

Il y aurait eu une mésentente entre l’administration et le service du laboratoire pour la commande des réactifs. Les responsables dudit service auraient émis des réserves sur la décision de l’administration de suspendre les avis d’appel d’offres pour se tourner vers le ravitaillement de gré à gré avec la CAMEG.

Sur le plan des réalisations, on regarde de mauvais œil un hangar construit devant la maternité, dont la rumeur dit qu’il a coûté trois millions de Francs CFA. L’absence d’interphone dans les services de l’hôpital constitue également un casse-tête. « C’est inadmissible ! si ce n’est pas à Ouahigouya, je n’ai jamais vu ça ; rien que pour un petit renseignement sur un service, il faut s’y déplacer ! », se plaint un agent.

Certains agissements laissent voir un déficit de communication entre les chefs des services et l’administration.

Dans la matinée du mercredi 24 janvier 2007, un entrepreneur a débarqué au bloc opératoire pour des travaux, notamment le carrelage des locaux. Le responsable du service aurait marqué son étonnement. Il n’en aurait pas été informé et n’en trouvait d’ailleurs pas la nécessité. Il n’a pas manqué de signifier son désaccord à l’administration.

Cabri mort n’a plus peur de couteau

Nous avons rencontré Korotoumou Ouattara, la directrice générale de l’hôpital, pour échanger sur certains problèmes soulevés.

C’était le mardi 23 janvier 2007. Elle avait à ses côtés Eric N. Tougouma, le directeur des services économiques et logistiques. D’un article sur l’hôpital la directrice ne voulait pas entendre parler. Pas question d’interview. Elle s’est montrée disposée à donner des explications pour notre propre gouverne. Malgré notre insistance pour enregistrer ses propos, elle est restée de marbre.

Elle nous a laissé entendre que le problème était en train de se régler autrement, pour ne pas dire politiquement. « C’est un problème politique », ne cessait-elle de répéter. A bâtons rompus donc, nous avons pu faire le tour de certains problèmes. De la question des ambulances, la directrice générale de l’hôpital nous a assuré du bon état des deux ambulances dont dispose le CHR.

Pour éviter les pannes d’essence au moment du transport des agents pour les urgences, il a été mis à la disposition des chauffeurs la 4 x 4 de la direction. Le ravitaillement dudit véhicule en essence se fait désormais chaque semaine. Le chauffeur de garde tient une fiche de suivi afin de contrôler les déplacements. Chaque chauffeur serait maintenant tenu de faire le bilan de l’état de l’ambulance qu’il aurait utilisée, avant sa descente du service.

Concernant les implants vendus au service de l’ophtalmologie, la directrice dit ne pas s’ingérer dedans. Ce serait un marché tacite, conclu entre les responsables du service et un prestataire particulier qui détient ces produits par la biais de ses partenaires européens. Ces produits, non seulement coûtent cher, et on n’en trouverait pas sur la place du marché au Burkina Faso, mais plutôt en Inde à en croire la directrice générale et le directeur des services économiques et logistiques.

La première reconnaît qu’on l’aurait approchée pour protester contre la vente des implants. Mais compte tenu de l’engouement des malades et de leur satisfaction par rapport aux prestations en ophtalmologie, elle n’était pas prête à suivre la volonté des plaignants. Si la direction nie encaisser le montant de la vente de ces produits, les contestataires persistent et signent que les responsables de la direction profitent d’une partie du deal.

Je ne sais pas ce que les détracteurs veulent

Pour les incompréhensions quant aux commandes des réactifs, les responsables de l’administration ont brandi une correspondance du ministère, les autorisant à faire les commandes de gré à gré avec la CAMEG. « Dans tous les cas, la CAMEG est une structure contrôlée en partie par l’Etat et il ne peut pas y avoir de dessous de table, surtout depuis sa décentralisation à Ouahigouya. Les commandes auprès d’elle nous facilitent beaucoup la tâche », précisèrent-ils.

Selon les patrons du CHR de Ouahigouya, la rupture des tubes de prélèvement serait liée au fait que le stock était épuisé à la CAMEG. Il a fallu donc se débrouiller ailleurs pour parer à l’urgence. Revenant au manque d’interphone, Eric N. Tougouma a révélé que depuis 2003, l’administration a pris ce problème à bras-le-corps.

L’ONATEL a eu à entreprendre des travaux à hauteur de 5 millions de francs sans solutions. Les installations seraient défectueuses au sein de l’hôpital. Un devis de 17 millions leur a été adressé pour une reprise complète des travaux. Une somme que l’administration continue de rechercher auprès de ses partenaires. Mieux, il est envisagé l’introduction du système de ‘’flotte’’ avec la téléphonie mobile.

Pour la question des brancards dans le dernier écrit, l’article serait paru au moment où la commande a été lancée. Deux brancards ont été livrés au service des urgences le mardi 23 janvier 2007 dans la soirée. La directrice générale de l’hôpital s’est montrée ahurie d’entendre le montant de trois millions avancé pour le hangar construit en face de la maternité.

Il y a eu au total deux prestataires. Le choix a été fait devant les 4 membres légaux de la commission d’attribution, sous les regards des représentants des médecins, des syndicats notamment le SYNTSHA et de la maternité de l’hôpital. C’est le moins disant des deux prestataires qui a été retenu pour une proposition d’environ 1 800 000 Francs CFA.

En un mot, selon nos interlocuteurs du jour, ce sont des problèmes familiers à tous les hôpitaux du Burkina Faso, que des individus qui ne seraient pas en odeur de sainteté auprès de l’administration agitent pour polluer l’atmosphère au sein de l’hôpital.

La direction fait cas de tentatives de réaction des responsables des services pour dénoncer les brebis galeuses. Comme par résignation, elle dit ne plus vouloir se prêter au droit de réponse dans la presse, sous peine de le faire tous les jours, car des problèmes ponctuels, il n’en manquera pas. Il n’est peut-être pas exclu que certains utilisent les défaillances pour des règlements de comptes, mais bon nombre d’agents ont bien accueilli la parution des articles dans les journaux.

« Depuis les écrits dans les journaux, l’administration commence à s’intéresser à nos doléances », reconnaissent-ils. Le représentant des travailleurs, dans son discours lors de la cérémonie de présentation de vœux et de la journée de solidarité envers les malades, a bien recadré les débats : « Si l’objectif essentiel de ces écrits est d’obtenir de meilleurs soins pour les habitants de la cité de Naaba Kango et de la population de la région du Nord de façon générale, il convient effectivement que l’administration s’en inspire et travaille à améliorer sa gestion de tous les jours », avait-il asséné.

Par Emery Albert Ouédraogo


Synthèse des doléances des travailleurs

Voici synthétisé ces points de doléance

1. Dotation du service des urgences en brancards, et son renforcement en brancardiers ;

2. Bonne gestion du parc automobile du CHR (ambulances et autres) ;

3. Dotation et équipement suffisant en consommables et matériels techniques des services (rompre avec les ruptures de stocks souvent constatées dans les services, exemple : Labo, dépôts de vente MEG) ;

4. Rétablissement en urgence du téléphone dans les services (interphones) ;

5. Le règlement dans les meilleurs délais des impayés des avancements et reversements ;

6. Fonctionnement adéquat du service de buanderie en prenant en compte le linge hospitalier, les champs opératoires et les blouses du personnel ;

7. Bonne planification des séminaires de formation dans le temps ;

8. Renforcement de la gestion des ressources humaines et financières du CHR.


Point de vue du secrétaire général du SYNTSHA, section du Nord

A propos du bruit qui court sur la gestion du Centre hospitalier de Ouahigouya (CHR) ces derniers temps, Issaka Ouattara, secrétaire général du Syndicat national des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA), donne son point de vue.

Quelles analyses faites-vous des déclarations, tout dernièrement dans la presse, concernant le CHR de Ouahigouya ?

• Nous avons tous appris par la presse le problème d’évacuation et celui des brancards. Il faut noter que ce sont des faits avérés et réels. Nous avons attiré l’attention de l’administration sur ce problème d’ambulance lors de la présentation de vœux tout dernièrement. Il ne faut pas qu’on revive une telle situation. Le problème des brancards, par exemple, était connu de l’administration depuis longtemps, dans la mesure où, lors des réunions mensuelles des surveillants de soins, ce point était souvent évoqué, mais n’a jamais connu une résolution jusqu’à la parution de l’article.

Avez-vous été mis au courant de la rupture de tubes de prélèvement au laboratoire ainsi que des problèmes d’oxygénation et d’aspirateurs ?

• C’est exact, il n’y a rien à cacher. Tout récemment, nous avons été saisis par nos camarades du laboratoire de la rupture des tubes. Je précise d’ailleurs que nous sommes quotidiennement saisis par nos camarades, à ce niveau, de l’approvisionnement en produits. De façon générale, il y a un problème de maintenance des appareils bio-médicaux. Ce ne serait pas étonnant que des problèmes d’oxygénation et d’aspirateurs soient vécus, mais j’avoue que le syndicat n’a pas été saisi de ces questions. Vous m’informez également de la situation des implants.

Il y a d’autres problèmes soulignés dans les salles d’hospitalisation, entre autres, des problèmes de désinfectants, de climatiseurs et de rallonge.

Comme je vous l’ai dit d’entrée de jeu, il y a des problèmes de ravitaillement de nos services en matériels, ce n’est pas toujours évident que l’administration puisse répondre à tous les besoins. Certains points soulevés paraissent banals, mais ont un impact négatif sur la qualité des soins.

Avez-vous eu à discuter du problème d’interphone ?

• Ce problème est posé depuis deux à trois ans. C’est impensable, de nos jours, que l’hôpital manque de cet outil précieux de communication. Nous reconduisons cette doléance chaque année. Les agents ont besoin d’échanger rapidement et d’accorder leurs points de vue sur la situation de certains patients, la prise et la disponibilité de certains produits.

On reproche à votre structure une certaine léthargie, qui expliquerait l’accumulation des problèmes et leur non-résolution.

• Le syndicat a toujours pris les préoccupations des travailleurs en compte. Nous n’attendons pas les présentations de vœux pour faire des requêtes à l’administration. A tout moment, nous recensons un certain nombre de défaillances, qui font l’objet de discussions avec l’administration. Nous ne pouvons pas empêcher les gens de faire des critiques, le syndicat est une organisation démocratique, et c’est normal qu’on rencontre des divergences dans la gestion des résolutions des problèmes. Nous ne cessons pas de rappeler aux militants de nous mettre au courant des dysfonctionnements des services.

Mais est-ce que vous avez eu des acquis lors de vos rencontres avec l’administration ?

• Certains problèmes trouvent des solutionnements. On ne peut pas dire que des efforts ne sont pas faits, mais il reste beaucoup à faire.

Est- ce que vous pensez que le budget du CHR peut résoudre tous les problèmes ?

• Nous discutons en tenant compte du budget. Nous avons foi qu’une bonne partie des problèmes peuvent être résolus si on s’y met réellement. Par rapport au ravitaillement des services en consommables et en matériels thermiques, le syndicat a eu à adresser une requête au conseil d’administration, demandant de revoir à la hausse les sommes allouées à l’administration pour permettre la résolution des difficultés rencontrées dans les différents services. Je pense que cette requête a été prise en compte. Vu également le taux de recouvrement, qui semble satisfaisant, la capacité de l’hôpital à résoudre certains dysfonctionnements ne souffre pas de discussions. Il faut que l’administration pense sérieusement à motiver les travailleurs en améliorant leurs conditions de travail.

Au sein de l’hôpital, on a l’impression de vivre un déficit de communication entre l’administration et les agents.

• Concernant notre organisation syndicale, nous sommes conviés très souvent à participer à la prise de certaines grandes décisions. Le syndicat est invité à participer aux cadres de concertations et aux discussions sur les grands sujets intéressant la vie de l’hôpital. J’avoue que je ne peux pas trop m’aventurer sur les échanges entre l’administration et les chefs de service. Je profite encore de cette occasion pour interpeller la direction du CHR afin qu’elle améliore ses méthodes d’approche et de travail pour éviter les dérives et les cas regrettables.

Propos recueillis par E.A.O.
L’Observateur Paalga

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