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Site d’orpaillage de Gaoua : L’exploitation continue malgré l’interdiction

Publié le vendredi 26 janvier 2007 à 07h30min

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Le 16 décembre 2006, le ministre de l’Energie, des mines et des carrières prenait la décision de fermer temporairement le site d’or du secteur n°1 de Gaoua. Pourtant, les orpailleurs sont à la 4e semaine d’exploitation du site. La principale galerie a atteint 15 mètres de profondeur.

Toujours aux aguets face aux forces de l’ordre qui y font des descentes sporadiques pour les déguerpir, les chasseurs du métal jaune dissèquent de plus en plus le bas de la colline à l’aide de dynamites appelées dans leur milieu "Far away".

"Y a-t-il eu une décision contraire autorisant l’exploitation du site ?" s’enquiert Ollo Palé Daniel, un journaliste de la radio ESO, devant le site d’or. Il manifestait ainsi sa surprise auprès du premier orpailleur accosté en voyant le grand monde qui avait envahi le site litigieux. "Nous n’avons pas reçu d’autorisation de la part des autorités nous permettant d’exploiter le site.
Nous sommes des orpailleurs et nous courons après l’or", a répondu le jeune homme qui semblait être sorti d’un gouffre. Il s’est empressé d’ajouter : "Nous persistons parce que nous ne savons où aller. Nous avons des agents qui sont en train de prospecter d’autres lieux ; si nous découvrons un site qui va nous causer moins de problèmes, nous allons plier bagages". Le plus grand attroupement se fait autour de la galerie principale. Les gros troncs d’arbres qu’un camion venait de déverser servaient à maintenir l’équilibre de la galerie et éviter ainsi les éboulements. Puis, soudain, on entend une déflagration assourdissante.

C’est la détonation d’un "Far away". Une dynamite qu’ils utilisent au fond du trou pour creuser beaucoup plus aisément. De jour comme de nuit, les bruits causés par ces "Far away" ne cessent de se faire entendre. Certains riverains les prenaient pour ceux d’armes lourdes de l’Armée. Birba Yacouba fait savoir qu’il n’en est rien, avant de montrer comment il procède avec cet outil de travail acquis dans un pays voisin.

Plusieurs dizaines de trous d’un mètre de diamètre environ jonchent également le site ; et cela à un mètre de distance les uns par rapport aux autres. Ce sont les dynamites qui sont régulièrement utilisées dans ces trous qui présentent l’aspect de puits. "Nous sommes des étrangers et nous ne savons pas si le site est sacré. C’est A.O. qui nous a vendu chaque trou à 65 000 F CFA. S’il nous avait dit que la colline était sacrée, personne ne serait ici", a relevé l’un d’eux, visiblement remonté du fait des descentes musclées des forces de l’ordre qu’ils ont dû subir.

Selon ceux qui se sont exprimés, toutes les fois que les forces de l’ordre sont venues les déguerpir, ils ont eu des blessés parfois graves. "Imagine qu’on vienne contre toi et que tu sois au fond du trou, tu ne peux manquer de te blesser", déclare celui qui faisait office de traducteur en français. La majorité des orpailleurs interrogés s’exprimaient en mooré.

Les minerais obtenus sont transportés dans des sacs en direction de la ville pour l’extraction. C’est l’univers d’un site artisanalement exploité qui prend de plus en plus corps sur la colline dite sacrée avec son lot d’activités parallèles : commerçants ambulants, pharmacie de la rue, gérants de restaurants, grilleurs de viande, vendeurs d’eau. Le sachet d’eau glacée à la maison de la Femme qui est à moins de 1 000 m du site fait 10 F, alors que la même eau fait 25 F au site. Un agent de l’Inspection de Gbomblora qui jouxte la colline après l’école de Youmpi se plaint de commencer à subir la vie chère du site. Selon lui, tous les produits sont vendus dans sa zone au prix du site. Le bidon de 20 litres d’eau qui fait 10 F à la fontaine y est vendu à 150 F.

En bravant la décision du ministre pour exploiter un site supposé être sacré dans de mauvaises conditions, les orpailleurs reconnaissent qu’ils courent d’énormes risques. Du reste, un autre mort portant le nombre de disparus à 3, était la récente nouvelle triste qui se répandait dans le site. Malgré tout, ces orpailleurs répètent toujours leur argument favori à ceux qui leur rappellent le risque encouru : "Là où il y a la mort se trouve l’argent."


Silence des autorités locales

L’autorité à Gaoua s’est refusée à tout commentaire lorsque nous l’avons approchée récemment par rapport à la question du site d’orpaillage du secteur n°1 de Gaoua. Selon le service du protocole, l’autorité aurait argué du fait qu’elle s’est déjà trop exprimée sur la question.

Le site d’orpaillage en question a effectivement fait couler beaucoup d’encre et de salive. Beaucoup d’actions ont été menées dans le sens de solutionner son problème. Le ministre de tutelle a même effectué deux visites à Gaoua à cause de ce site.

Mais peut-il en être autrement tant qu’il continue de se présenter comme la matière par laquelle l’escalade pourrait arriver dans la ville ? Trois morts en moins de trois mois d’exploitation ; cela sans compter les blessés et les disparus, à en croire des orpailleurs. Le bilan est tristement éloquent et commande que la garde ne soit pas baissée. C’est pourquoi au stade actuel des événements, certaines questions méritent d’être éclaircies :

- Le ministre ayant pris la décision de fermer le site le 16 décembre alors que l’exploitation est à la 4e semaine, doit-on admettre que c’est l’incivisme qui a pris le dessus à Gaoua ?

- Après le passage du ministre, les orpailleurs ont-ils été réunis pour être informés de sa décision de fermer le site ? (le site n’ayant pas été octroyé, les orpailleurs n’ont pas de répondant reconnu de tous).

- Pourquoi suppléer la garde du site par des descentes sporadiques des forces de sécurité qui ne font qu’exposer les orpailleurs à des blessures graves ?

La communication est de toute évidence souhaitable pour dissiper les zones d’ombre dans lexploitation du site d’or de Gaoua.

H. Sylvestre KAMBOU

Le Pays

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