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Site d’or de Douré (Yatenga) : Un mort et d’importants dégâts matériels

Publié le mardi 9 janvier 2007 à 07h08min

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Un incendie a eu lieu sur le site d’or de Douré, village de la commune rurale de Kaïn à environ 60 km de Ouahigouya. Bilan, une personne complètement carbonisée et d’importants dégâts matériels.

Vendredi 5 janvier 2007, il est 14h quand nous arrivons sur le site d’or de Douré. Objectif de notre présence sur les lieux, nous enquérir d’une altercation entre policiers et orpailleurs qui a eu lieu quelques jours avant les fêtes de fin d’année (Tabaski et 31 décembre 2006). En cet après-midi de ladite journée, l’ambiance était folle. Un monde où il était impossible de dénombrer les habitations en paille. Preuve que de milliers de personnes y vivent. L’endroit est devenu subitement un centre commercial où il y a du tout : restaurants, buvettes, boucheries, commerces d’articles divers, forges, etc.

A quelques mètres des concessions, on creuse pour chercher l’or. On y dénombre de multiples trous distants d’un mètre. Après quelques échanges avec des creuseurs, au moment où nous rejoignons la zone d’habitation et commerciale, une flamme jaillit d’un hangar. Aidé par le vent et l’état des matériaux, le feu embrasa du coup plusieurs hangars. Sa violence était telle que personne n’a pu tenter le moindre geste pour atténuer le danger.

Impuissants, les gens ont pris leurs jambes au coup. C’était le sauve-qui-peut. Dans cette course pour la survie, seulement quelques-uns ont pu s’emparer de leurs montures. Cinq minutes durant, le feu a dicté sa loi avant de s’éteindre tout seul comme par miracle. Place à une épaisse fumée noire : plus d’une centaine de hangars réduits en cendres. Des téméraires se jettent dans la fumée pour essayer de sauver ce qui pouvait encore l’être. Malheureusement, il ne restait plus rien de récupérable. Le bilan est catastrophique. Plus d’une centaine de moyens de locomotion (vélos, motos) réduits en ferraille, des animaux dévorés, du matériel de commerce (articles divers, boissons) consumés.

Dans la fouille, un corps humain a été découvert, complètement carbonisé. Il était entouré de morceaux de cartons de vin, de bouteilles de bière et de liqueurs. Les spectateurs retiennent leur souffle. Un silence de cimetière s’installe. La victime était sûrement dans un lieu de vente de boisson. Etait-elle saoule ? Dormait-elle ? Personne ne saurait y répondre. Difficile de l’identifier à vue d’œil. Les gens finissent par se regrouper par affinité pour identifier les absents. Peu à peu, le site se vide de son monde. Ceux qui sont des villages aux alentours plièrent bagage dare-dare. Quelques heures après notre départ, on nous annonça en cours de route que le regretté est de Loubré, un des villages de la commune rurale de Thiou. Son frère roulait à toute vitesse sur une moto grosse cylindrée pour annoncer la mauvaise nouvelle au village.

De l’origine de l’incendie

En pareille circonstance, les conjectures vont bon train, le surnaturel s’en mêle. Selon certaines personnes, un interdit a été bravé sur le site. Un marabout qui aurait mis les gens au courant de l’existence de l’or sur le site aurait recommandé de ne pas travailler le vendredi.

Chaque vendredi, on tue des moutons dans le village pour faire des sacrifices. De la mise en garde du voyant, les gens n’en avaient cure. L’incendie serait donc une punition divine.

D’autres lient le décès à un mystère qui entoure l’or. Pour qu’un site donne bien, selon eux, il faut nécessairement un sacrifice humain. A écouter ceux qui tiennent ces propos, il y aura de l’or à gogo après ce décès. C’est le troisième incendie sur le site. Le premier a été vite maîtrisé. Le deuxième a affecté uniquement les locaux de la société qui a le permis d’acheter l’or sur les lieux. Un incendie provoqué par des orpailleurs en furie contre les policiers chargés de la sécurité de ladite société.

Mais une chose est claire, la nature des matériaux des concessions et l’imprudence qui y règne sont des terreaux propices au feu.

Un far west

Les habitués des sites d’or n’ignorent pas les risques qu’ils courent : "En partant sur un site d’or, on dit adieu à sa famille, car les risques d’y rester sont énormes", explique Boukary Soro.

"De toute façon, on peut mourir pour un rien, il vaut mieux mourir dans la recherche de l’or, car là au moins, on dira après que tu es mort en cherchant la richesse", ajoute l’un d’entre eux.

A une certaine profondeur des trous, les risques d’effondrement sont énormes. Le week-end dernier, un jeune qui ressortait d’un trou a perdu toutes ses forces et a rechuté. Gravement blessé, il a été transféré d’abord à l’hôpital de Ouahigouya puis évacué à Ouagadougou. "Quand on commence à recueillir de l’or dans un trou, il faut jouer des gros bras, menacer parfois avec une arme blanche pour effrayer les concurrents, sinon pas question de voir l’intérieur du trou", martèle Lassané Guiro. A Douré, n’importe qui peut commencer un trou sans demander la permission à qui que ce soit. Mais il faut avoir les moyens de creuser, d’atteindre une profondeur de 25 à 30 m pour espérer le métal précieux. Dans la majorité des cas, les trous sont gérés par une personne ou des associés qui se font aider par des volontaires. Sur 7 jours, quand le trou commence à donner, les recrus consacrent 6 jours aux propriétaires, et une seule journée de travail leur revient. Ils empochent tout ce qu’ils gagnent au cours de ladite journée.

Ceux qui ont confiance en leurs muscles attendent le bon moment pour forcer le passage, puis partagent le butin avec le ou les patrons. Sur ce site, l’or est vendu exclusivement à une société présente sur les lieux, munie d’un permis délivré par l’Etat. Les orpailleurs tentent de les contourner pour aller vendre l’or à un prix plus élevé ailleurs. Quelques jours avant les fêtes, les policiers ont eu maille à partir avec les travailleurs. Ces derniers, qui ont vu leur marchandise retirée, ont organisé une descente musclée au QG de la société. Après avoir tout pillé, ils ont mis le feu aux locaux de la structure, où sont également logés les flics qui les ont contraints à abandonner le lieu. Les orpailleurs sont en colère contre ceux chargés de la sécurité. Ils les soupçonnent d’user de subterfuges pour s’enrichir sur leur dos. "Souvent, les policiers viennent nous racketter si tu ne leur donnes rien, ils commencent à menacer" , se plaint un orpailleur.

Actuellement, le site d’or de Douré a souri à plusieurs orpailleurs. Partis à pieds ou à bicyclette, ils ont eu le métal précieux qu’ils ont vendu pour s’acheter des motos. Les motos neuves nouvellement acquises grâce à la vente de l’or peuvent s’évaluer à plus de deux cent sur le site. La plus prisée, c’est la Sanili grosse cylindrée, vient après la P50 Ninja.

Au moment des fêtes, une dizaine de jeunes sont venus en groupe à Ouahigouya se procurer chacun une Sanili 125. Personne ne savait comment rouler. La prospérité du site augmentait au fil du temps. Certains chercheurs du métal précieux trouvaient leur compte et ceux venus uniquement pour le commerce se tiraient d’affaire également. Mais l’incendie du vendredi 5 janvier 2007 est venu ruiner beaucoup d’espoir et semer la désolation.

Ils sont nombreux ceux qui repartent plus démunis qu’à leur arrivée. Sans oublier les malchanceux de la première heure, repartis bien avant, pour avoir contracté des maladies respiratoires à cause de la poussière.

Avant le drame, les femmes étaient les plus malheureuses sur le site. A entendre la majorité de celles qui tamisent la terre à côté des trous, elles ne gagnent pas plus que des cristaux d’une valeur de 1000 F/j pour les plus chanceuses. La plupart des femmes repartaient chaque jour les mains vides, hormis celles venues faire le commerce.

L’eau, une denrée rare

La barrique d’eau y coûte 750 F. Les orpailleurs se soucient très peu de la propreté : "c’est chaque vendredi, quand je retourne chez moi que je me lave", révèle Boukary Soro, un privilégié qui dit engranger pas moins de 800 000 FCFA en l’espace de deux semaines. D’autres y sont un mois durant, sans se verser une goutte d’eau sur le corps.

Un phénomène qui attire aussi l’attention sur le site, c’est le travail des enfants. Ils sont exposés à tous les dangers. Voilà toute la complexité du combat contre le travail des enfants au Burkina. C’est à se demander si certaines associations n’agissent pas par effet de mode. Ou ont-elles trouvé une caverne d’Ali Baba pour s’enrichir car on les voit rarement dans les endroits comme le site de Douré où elles ont leur mot à dire.

Au-delà de tout, le site d’or de Douré participe sans doute à l’essor économique de la localité. Rien que dans le chef-lieu de la commune de Thiou à 20 km du site, plusieurs jeunes ont acquis des motos. L’aisance se fait sentir. Certains se sont dotés de parcelles qu’ils ont commencé à mettre en valeur. Mais les autorités se doivent de porter un regard sur le site. La société chargée de sa gestion ne donne pas l’impression d’être à la hauteur de sa mission. En d’autres lieux, on remarque une police spécialisée. Ce n’est pas le cas à Douré où ce sont des policiers du commissariat de Thiou qui se relayent. Est-ce l’importance de ce site qui ne mérite pas qu’on lui accorde plus d’attention ?

Le drame du vendredi dernier interpelle les autorités à ouvrir l’œil sur l’aspect sécuritaire pour éviter une situation plus grave. Il est inconcevable de laisser des milliers de personnes agir dans une entité territoriale comme dans une jungle.

Emery Albert Ouédraogo

L’Observateur

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