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Burkina Faso : Les trois menaces à la paix

Publié le jeudi 21 septembre 2006 à 07h47min

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Le monde célèbre aujourd’hui la Journée internationale de la paix. Si certaines organisations de la société civile au Burkina ont choisi de marcher le 15 septembre 2006, d’autres célèbrent l’événement autrement. Est de celles-là le Mouvement de la paix (MP/B), qui a opté pour une conférence de presse tenue hier à Central Hôtel de Ouagadougou. Nous vous proposons la déclaration liminaire prononcée par son président, le Dr Pierre Bidima.

Le 21 septembre de chaque année, la Communauté internationale commémore la Journée internationale de la Paix.

Notre Association, qui œuvre depuis sa création en 2003 pour la Paix, la Promotion et la protection des droits humains, ne saurait rester en marge de cette date historique. Si depuis la seconde guerre mondiale, soit plus de 60 ans, l’humanité a réussi à éviter à notre planète une 3e guerre mondiale, il y a malheureusement çà et là, de nombreux foyers de conflits qui causent chaque jour des pertes importantes en vies humaines, de nombreux dégâts matériels, écologiques... ; les réfugiés et les personnes déplacées se comptent par dizaines de millions, sans oublier les violences graves et massives des droits humains : génocides, viols, crimes de guerre sont le lot quotidien des populations.

"Le climat social inquiète les diplomates et partenaires financiers"

Au Burkina Faso, nous vivons encore en paix, et cela grâce aux efforts de tous, mais jusqu’à quand ? En effet, chaque jour qui passe voit se renforcer les tendances à la rupture de la Paix au Pays des hommes intègres. Cette situation de paix fragile est même reconnue par des chancelleries et des partenaires financiers du Burkina Faso ; en effet, selon une source d’un hebdomadaire généralement bien informé de la place, « ... une récente réunion des diplomates et partenaires financiers du Burkina Faso sur l’évaluation de la situation de notre pays, estime la dangerosité du climat social à quatre sur une échelle de six... ».

Le Mouvement de la Paix a identifié trois (3) menaces sérieuses à la Paix dans notre pays ; elles méritent d’être connues et combattues afin de consolider la paix au Burkina Faso :

• L’impunité : le régime de la IVe République traîne les pieds pour combattre et éradiquer ce fléau ; l’impunité des crimes de sang, surtout elle, s’est traduite ces derniers temps par des manœuvres dilatoires de la justice burkinabè pour renvoyer aux calendes grecques la recherche de la vérité et la justice sur les assassinats du Président Thomas Sankara et du journaliste Norbert Zongo. L’ordonnance de non-lieu dans l’affaire Zongo et la proposition de verser 43 millions aux ayants droit du Président Thomas Sankara en lieu et place de la recherche de la vérité, la justice et le pardon (trilogie pertinente proposée par le collège de sages), constituent une insulte aux défenseurs des droits humains, de la paix et à tout le peuple et même au-delà.

Aucune somme d’argent, même des milliards, ne peut consoler ni sécher les larmes, annihiler l’esprit de revanche, la rancune et le désarroi des parents des victimes et du peuple, alors que la vérité, qui ne coûte rien financièrement est à même d’apaiser les cœurs meurtris, réconcilier le peuple avec les assassins et permettre la consolidation de la Paix. L’impunité des crimes de sang, évalués à plus d’une centaine de cas sous le régime de la IVe République (1991) par les Organisations de la société civile, est réellement une menace sérieuse à la stabilité des institutions et à la paix dans notre pays.

C’est pourquoi le Mouvement de la paix sera toujours aux côtés de toute structure associative, politique ou syndicale qui combat ce fléau au nom de la paix et de la protection des droits humains dans notre pays.

• La pauvreté et l’exclusion constituent la 2e menace sérieuse à la paix au Burkina Faso. Les "efforts" du gouvernement pour faire reculer la pauvreté et l’exclusion sont très insuffisants au regard de notre indicateur de développement humain (IDH) très faible et qui nous classe comme le 3e pays le plus pauvre du monde.

Les manifestations de cette pauvreté sont nombreuses : le taux de scolarisation est l’un des plus bas l’Afrique subsaharienne ; le taux de létalité demeure très élevée, de 17 à 18 pour mille. La mortalité infantile dépasse les 105 pour mille. Près de la moitié de la population du pays vit au-dessous du seuil de pauvreté estimé à un dollar américain par jour.

La couverture sanitaire du pays en ressources humaines et en équipements est en deçà des attentes des populations : 80% des pathologies dont souffrent celles-ci sont liées aux questions d’hygiène élémentaire et à l’ignorance ; l’espérance de vie est estimée à 46 ans. Des facteurs endogènes et exogènes combinés tels que la corruption, les abus de biens sociaux, l’envolée des prix des hydrocarbures au plan international, les subventions européennes de leur coton... ont engendré une cherté de vie inédite au Burkina Faso.

Avec une croissance économique rarement au-dessus de 6%, notre pays ne pourra jamais sortir de la pauvreté, encore moins se rapprocher des pays émergents, même dans 100 ans si la tendance actuelle n’est pas inversée. Pourtant, le Burkina Faso dispose de potentialités et des fonds nécessaires pour réussir la lutte contre la pauvreté et l’exclusion ; le pays pourrait même connaître une croissance à 2 chiffres si la bonne gouvernance y était appliquée. En effet, notre pays a bénéficié de la suppression totale de ses dettes extérieures.

Au 31 décembre 2000, cette dette s’élevait à plus de 109 milliards FCFA (source : Direction générale du Trésor et de la Comptabilité). Avec une progression annuelle de 77 milliards FCFA (source Idem), l’annulation de notre dette intervenue en 2005 a concerné plus de 1400 milliards FCFA. Avec cette somme, on peut réduire de façon progressive et significative la pauvreté et les exclusions.

Une partie de ce jackpot pourrait servir à subventionner, par exemple, le carburant, donner une petite allocation aux familles les plus défavorisées pour la rentrée scolaire, augmenter le budget de l’éducation (30% au moins du budget), de la santé, améliorer les moyens, les équipements et les conditions de travail pour les Forces de défense et de Sécurité dans leur lutte contre le grand banditisme, rehausser les bourses scolaires et universitaires, augmenter les crédits alloués aux évacuations sanitaires pour les populations.

L’exclusion dans ce domaine est assez criarde : en effet, les crédits alloués pour les évacuations sanitaires extérieures au profit d’éventuels malades sont généralement épuisés autour du mois de juillet de chaque année ou même avant.

"Il n’y a plus d’évacuation sanitaire"

Ce fut encore le cas cette année où une note du ministère de la Santé datant du mois de juillet 2006 vient de suspendre les évacuations à l’extérieur du pays au motif que « les crédits alloués par l’Etat sont épuisés ». Si un membre du régime tombe malade en ce mois de septembre ou en octobre et que son état sanitaire nécessite une évacuation à l’extérieur, va-t-on lui refuser cette évacuation à la charge de l’Etat au motif que « les crédits alloués aux évacuations sanitaires pour l’année 2006 sont épuisés ? ».

Il faut bannir cette discrimination en allouant des crédits pour les évacuations sanitaires, accessibles à tout malade dont l’état de santé nécessite une évacuation, et cela pour toute l’année budgétaire. Une partie de notre dette annulée pourrait servir à cela, car les inégalités et les discriminations trop criardes menacent la paix et la stabilité des institutions.

• La troisième menace sérieuse à la paix au Burkina Faso est le manque d’alternance au pouvoir et les ingérences des autorités de la IVe République dans les affaires internes d’autres pays. Après avoir avalisé le tripatouillage de la constitution en 1997 et en 2000, le Président Blaise Compaoré a réussi à se faire réélire en décembre 2005 pour un 3e mandat consécutif à la tête de l’Etat contrairement à la loi ; il rejoint ainsi le club des présidents aux longs mandats consécutifs.

Or, les mandats présidentiels trop longs et consécutifs sont une véritable source de conflits en Afrique ; des exemples illustrent nos affirmations : Côte d’Ivoire, République démocratique du Congo, Rwanda, Ouganda, Togo ; ce dernier pays, depuis la mort du Président Eyadéma le Timonier, se trouve dans une situation de ni guerre ni paix. Le pays est divisé. Le nième Accord de Ouagadougou évitera-t-il au Togo la guerre civile ?

C’est souhaitable mais tous les ingrédients objectifs de la rupture de la paix dans ce pays sont malheureusement réunis. Le refus de l’alternance chez nous risque de nous coûter très cher aussi. C’est pourquoi pour éviter cela, les défenseurs des droits humains, les pacifistes et tous les patriotes à quelque niveau qu’ils se trouvent doivent œuvrer à réaliser l’alternance au pouvoir, gage de stabilité et de paix.

Quant aux ingérences, leurs effets néfastes sont toujours présents : les Burkinabé sont mal vus en Côte d’Ivoire, en Sierra Leone et au Liberia ; nos compatriotes rasent les murs et sont souvent obligés de se munir de faux documents d’identité pour éviter les violences sur eux. Avant de se lancer dans les médiations pour la paix ici et là, pour être pris au sérieux et réussir ses missions de paix, le Président Blaise Compaoré devrait au préalable présenter ses excuses en son nom personnel et au nom du peuple burkinabè aux peuples et aux dirigeants de ces pays qui ont été agressés et traumatisés à travers notre soutien militaire et non militaire dans un passé récent aux criminels de guerre de ces pays. Ces excuses, si elles sont acceptées par ces peuples et leurs dirigeants, vont incontestablement consolider la paix dans la sous- région.

D’autres menaces à la paix tout aussi importantes que les trois que nous venons de mentionner persistent au Pays des hommes intègres : Il s’agit des conflits entre agriculteurs et éleveurs, la corruption, les abus des biens sociaux... La pratique de la bonne gouvernance est le remède à ces menaces à la paix. Au plan international enfin, la principale menace à la paix demeure la situation au Proche et Moyen Orient, notamment la question palestinienne.

Près de 50 ans de guerre entre Israéliens et Palestiniens n’ont rien résolu. Seules les solutions politiques, diplomatiques peuvent mettre fin à ce conflit qui doit au bout du compte déboucher sur la création d’un Etat palestinien viable et indépendant vivant en paix aux côtés d’un Etat israélien libre et en sécurité. Le quartet devrait redoubler d’effort et la communauté internationale devrait éviter d’isoler le Hamas, car cela va radicaliser les positions et intensifier la violence ; il faut négocier avec le Hamas puisqu’il accepte le jeu politique et vient d’être démocratiquement élu par son peuple.

La situation en Iran mérite aussi d’être résolue par la diplomatie. Le ton guerrier et non diplomatique que l’Administration américaine actuelle adopte régulièrement à l’encontre de l’Iran et les déclarations incendiaires et négationnistes des dirigeants iraniens sur bon nombre de vérités historiques ne sont pas favorables à la paix. Les uns et les autres devraient mettre un peu d’eau dans leur vin au nom de la paix mondiale. Enfin, le terrorisme international continue de menacer la paix mondiale.

La lutte contre ce fléau est un devoir pour tout citoyen de ce monde. Mais le Mouvement de la Paix estime que la seule option militaire pour éradiquer ce mal est vouée à l’échec tant que le combat ne prend pas en compte les causes du terrorisme que sont, entre autres, l’injustice, la pauvreté, les exclusions, les inégalités et le droit des peuples à leurs terres et à disposer d’eux-mêmes.

Le Mouvement de la Paix salue les actions de l’ONU en faveur du maintien de la paix dans le monde et soutient toutes les résolutions de l’Organisation pour ramener la paix au Burundi, en Côte d’Ivoire, en RDC et au Soudan.

Vive la Journée internationale de la Paix ! NON aux guerres ! La paix pour tous !

L’Observateur

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