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Houet : Le village de Nasso sinistré après les inondations

Publié le mercredi 13 septembre 2006 à 07h21min

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Les pluies torrentielles qui se sont abattues ces derniers temps à Bobo-Dioulasso et dans les environs ont causé d’importants dégâts, notamment dans le village de Nasso, situé à une quinzaine de kilomètres à l’Ouest de Bobo-Dioulasso.

A 17 h 30 à Dindéresso peu avant le village de Nasso, le pont enjambant le Kou était toujours submergé suite aux pluies de la veille. Des masses d’eau tourbillonnantes s’engouffraient sous le pont comme si elles étaient attirées par une sorte d’entonnoir. Du côté droit, émergeait à quelques trois mètres en aval une roue de tracteur.

Une dizaine de mètres plus loin, était la remorque, emportée par les eaux de pluies. Des jeunes s’activaient à sortir de la remorque des épis de maïs qu’ils transportaient jusqu’à une fourgonnette garée à une trentaine de mètres en arrière. A côté du véhicule se trouvait Mme Sali Héma, responsable du « Dispensaire trottoir », une structure d’accueil et de soins pour les enfants de la rue, basée au secteur 22 de Bobo-Dioulasso. « C’est notre tracteur », dit-elle, mais elle se refuse à tout autre commentaire. Visiblement, le cour n’y est pas, à la vue du spectacle désolant qu’elle a sous les yeux et devant lequel elle reste impuissante.

Lorsque le cas des personnes qui se trouvaient à bord du tracteur et de sa remorque (14 enfants et 2 adultes) est évoqué, Mme Héma consent alors à parler. « Les blessés qui ont été évacués à l’hôpital n’étaient pas pris en charge plus de deux heures après leur arrivée là-bas alors qu’il y a parmi eux un enfant qui a eu un doigt coupé », lâche-t-elle. « J’ai demandé à mon mari d’aller voir ce qui se passe et lorsque le maire (ndlr : Salia Sanou) est venu ici, je le lui ai fait savoir », poursuit-elle, les yeux toujours fixés sur le tracteur englouti et la remorque en dérive.

Un peu plus tôt, le commandant adjoint de la 2e compagnie de la brigade nationale des sapeurs pompiers, le lieutenant Boubacar Kéïta confiait que ses hommes avaient évacué au centre hospitalier universitaire Sourô Sanou de Bobo-Dioulasso trois blessés légers pendant leur intervention qui a duré près de cinq heures (9 h 30 -14 h 00). « La voie était inondée, le courant trop fort et la hauteur de l’eau atteignait un mètre », s’est rappelé le jeune lieutenant dont l’équipe était dirigée pendant l’intervention par le commandant par intérim de la même compagnie, Daba Naon. « Mais aucune perte en vie humaine n’a été enregistrée », a-t-il relevé.

Une voie complètement submergée

Pendant que l’entretien se poursuit avec Me Héma qui affirme que « l’eau a beaucoup baissé », arrivent deux véhicules communément appelés « Peugeot, bâchées ». Tour à tour, ils s’engagent sur le pont. Le premier, après quelques mètres, s’arrête, le moteur ayant calé dans l’eau. Le second véhicule n’aura même pas le temps de franchir le premier cassis qu’il subira le même sort. Il faut donc les pousser lors de l’eau. Après une vingtaine de minutes d’efforts, des jeunes, venus prêter main forte aux conducteurs et à leurs apprentis, parviennent à sortir les deux véhicules des eaux en furie.

Pendant ce temps, la procession des transbordeurs de céréales se poursuit sur les lieux avec la conviction que les 16 occupants du tracteur l’ont vraiment échappé belle.

Il est 18 h 20 mn. Au village de Nasso, situé un peu plus en profondeur à l’Ouest de Dindéresso, rien ne laisse à première vue présager les dégâts occasionnés par les eaux du Kou en crue. Mais une visite sur les lieux sous la conduite du vieux Dokaba Sanou et Ardjouma Sanou va révéler un véritable drame. Des concessions entières effondrées, des greniers emportés par les eaux montrent à quel point l’eau a fait des ravages dans la partie ouest de ce village situé dans un bas fond. Dans la première concession longée par la rivière, il ne reste plus que quatre personnes alors qu’en temps normal, une dizaine de personnes y habitent. Le grenier et les deux principales maisons construites en banco n’ont pas tenu. « L’eau m’atteignait à la hanche pendant plus d’une heure », affirme Soungalo Sanou qui poursuit : « C’était vers 6 h 00 et on a dû sortir nos affaires en catastrophe. Quelques 30 minutes après, le grenier et les deux grandes maisons se sont effondrés ».

Où passer la nuit ?

Debout à côté de son frère qui porte le même nom que lui, Soungalo Sanou n’en croit pas ses yeux. Au fond de la concession, se trouve assise sur un tabouret la vieille, Sokolo Sanou. Une de ses petites filles est assise sur ses jambes. Elle se tient le menton dans la main droite, le regard grave. La nuit qui approche inexorablement lui donne des soucis. « Où vais-je dormir ? », se demande-t-elle certainement. Dans la même concession se trouve une grande maison qui a été épargnée par les eaux, mais aucun membre de la famille n’entend y passer la nuit. « Elle a commencé à se fissurer de toutes parts et je ne serais pas étonné de la voir s’écrouler d’ici là également », dit le vieux Sanou, le chef de famille qui a même fait enlever les portes et les fenêtres de la maison pour ne pas les perdre comme ce fut le cas pour les maisons déjà écroulées.

Les autres membres de la famille ont pu être hébergés dans d’autres concessions grâce à la solidarité qui existe généralement dans les villages. Ceux qui sont restés affirment qu’ils vont se « débrouiller ». A la sortie de la concession, se trouve à gauche une tombe affaissée : « même les morts ont été troublés dans leur repos », lâche en soupirant un membre de la famille.

Pendant que la visite se poursuit dans le bas fond, le guide, la cinquantaine passée, confie : « C’est la première fois que je vois une telle situation à Nasso ». Apparaît alors une concession complètement détruite par les eaux. Là aucun bâtiment n’a résisté. Des grains de maïs et de mil épars attestent l’ampleur de la destruction des trois greniers de la famille. « Les membres de la famille sont tous partis », affirme le guide dont le champ est situé à quelques mètres de là. Les pieds de maïs sont par terre. « Heureusement que mon maïs était prêt à être récolté », dit-il quelque peu soulagé. Ce n’est pas le cas du champ situé juste avant le sien. Les tiges qui s’apprêtaient à amorcer la phase d’épiaison sont toutes à même le sol. « On ne peut pas les redresser ? », demande-t-on. « C’est foutu ! », lance le second guide qui doit se dire qu’il a affaire à des profanes.

Il est 19 h 00. Une fine pluie se met à tomber. Il commence à faire nuit et jusque-là, Soungalo et ceux avec qui il est resté dans la concession n’ont pas encore trouvé de gîte. Pourront-ils vraiment se « débrouiller » ?

Urbain KABORE

Sidwaya

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