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Phénomène des filles-mères à Bobo-Dioulasso : L’Action sociale fait ce qu’elle peut !

Publié le vendredi 8 septembre 2006 à 07h34min

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Mariam Ouédraogo

Après avoir donné la parole dans son dernier numéro aux filles-mères de Bobo-Dioulasso “Constat”, cette semaine, se penche sur les causes, les conséquences et les solutions à ce phénomène qui, chaque jour prend de l’ampleur dans la ville de Sya. Des travailleurs sociaux et des membres d’associations donnent leurs points de vue.

D’emblée, il faut dire que la plupart des travailleurs sociaux rencontrés estiment que : “Le problème des filles-mères est devenu une difficulté dont la gestion n’est pas toujours aisée” au regard de ses causes et de ses conséquences. Les causes généralement avancées sont la pauvreté, l’ignorance des jeunes filles, leur cupidité, le relâchement de certaines valeurs, le manque de repères pour ces jeunes filles, la crise d’adolescence.

Les filles-mères sont issues généralement de milieux pauvres et comme l’adage le dit, : “La pauvreté est mère de tous les vices”. Quelques présents ou des billets de banque ont forcément une certaine influence sur ces jeunes filles qui, souvent malgré elles, vont avec des jeunes garçons ou des hommes afin de subvenir aux besoins alimentaire et financier.

De l’instinct de survie initiale, on débouche sur une certaine cupidité de ces filles qui par la suite, veulent “ tout avoir et tout de suite”. Une course effrénée s’engage vers des biens matériels qu’on veut accumuler indéfiniment. Ainsi, des filles issues de familles dont la situation économique est très précaire se retrouvent avec des vêtements de valeur ou des engins (les fameuses JC), sans que personne de leur entourage ne s’en émeuve.

Alors qu’en réalité, elles se livrent à la prostitution, mais personne en famille n’ose leur demander quoi que ce soit. Selon Mme Assita Monique Tamboula, chef du service protection du jeune enfant et de la promotion de la famille de l’Action sociale, la moindre des choses serait de leur demander la provenance de ces biens. Ainsi, l’enfant vit au-dessus des moyens de ses parents, mais avec toutes les conséquences que cela comporte !

A la cupidité des jeunes filles, il faut ajouter une démission des parents face à leurs responsabilités. En effet “Certains parents savent rarement où leur enfant va, d’où il vient, qui il fréquente, qu’est-ce qu’il fait et avec qui”, affirme Mme Tamboula qui pense qu’ “on a laissé tomber certaines valeurs”. Et de poursuivre : “Avant, on trouvait que les parents étaient trop sévères. A 19 heures par exemple, les enfants n’avaient pas la liberté de sortir et d’aller où ils voulaient. Il fallait avoir une bonne raison pour pouvoir sortir ”. Par ailleurs, elle relève un réel problème d’encadrement, affirmant que les parents ne sont pas très regardants sur l’éducation des enfants si bien qu’en définitive, “ Ils ne savent rien d’eux. C’est souvent l’enseignant qui les informe sur leurs propres enfants ”.

Quels modèles d’adultes avons-nous ?

Certains parents, il faut le reconnaître, ont la bonne volonté et le souci de donner une bonne éducation à leur progéniture, mais au regard de certaines responsabilités ou contraintes, ils ne peuvent pas les suivre régulièrement. D’autres même sont presque toujours absents. Généralement, ils pourvoient à tous les besoins matériels de leurs enfants et ne se rendent même pas compte qu’ils ne leur donnent aucune éducation. En outre, certains enfants croient que ce qui est permis ou admis ailleurs l’est forcément chez eux. Ils se laissent malheureusement influencer par certaines pratiques qui ne sont toujours pas bonnes pour eux et pour notre société.

On note également le manque de repères pour ces jeunes surtout que certains adultes ne sont pas des modèles à suivre. Des adolescentes se retrouvent ainsi avec des enfants dont les pères sont des adultes et qui refusent d’assumer entièrement leur paternité “ de peur de voir leur foyer se briser ”. “ Nous avons eu des cas où des gens qui ont dépassé la cinquantaine ont eu des enfants avec des filles de 18 et même 16 ans. Cela nous choque ”, avoue l’éducatrice sociale. Elle évoque également le cas de certaines familles monoparentales où le parent et l’enfant entretiennent, chacun de son côté, des relations sexuelles. Le parent n’est donc plus un modèle et la fille estime qu’il n’ y a pas de raison qu’elle n’entretienne pas de rapports sexuels avec qui elle veut et selon son entendement.

Il faut enfin reconnaître que la plupart des filles-mères sont des adolescentes alors que cette étape de la vie constitue en elle-même un autre problème : “ On croit être mûre alors qu’on ne l’est pas encore ”, note Mme Tamboula. “ Quant aux élèves, ils croient tout connaître ”, enchaîne-t-elle. “ Tout cela les amène à commettre des erreurs de jeunesse. Les rapports sexuels ne sont pas protégés et les jeunes pendant ces rapports pensent rarement à l’éventualité de la survenue d’une grossesse. Il y a même de ces cas où les jeunes filles entretiennent des relations sexuelles avec plusieurs garçons qui souvent se connaissent ”, affirme-t-elle. Et de soulever le cas de cette fille qui, en deux jours, a eu des aventures amoureuses avec trois garçons dans une période de fécondité.

Toutes ces grossesses “ hors normes ” ont des conséquences multiples sur ces jeunes filles, leur famille, les enfants et la société. Mariam Ouédraogo, éducatrice sociale au bureau de la Promotion de la famille confie que : “ Dans la plupart des cas, ces filles ne mènent pas d’activités, n’ont pas de soutien de la part de leurs familles. La situation devient plus compliquée lorsque l’enfant n’a pas été reconnu ”. Toutes choses qui peuvent déboucher sur des avortements clandestins aux fins souvent tragiques, les abandons d’enfants, les infanticides, l’échec scolaire, le bannissement, le VIH-Sida et les IST.

Mme Tamboula préconise comme solutions, l’éducation à la vie familiale avec l’implication des deux parents, des actions de sensibilisation dans les écoles, les secteurs pour faire comprendre aux gens qu’il y a des possibilités d’abandon d’enfant, mais par voie légale.

L’Action sociale toujours attentive

Par ailleurs, elle suggère le recours au tribunal pour les déclarations des enfants à l’état-civil parce que dans la plupart des cas, ces enfants n’ont pas d’acte de naissance. Mlle Ouédraogo, quant à elle, souhaite que l’accent soit mis sur la sensibilisation pour ce qu’elle appelle “ un éveil de conscience ”. Elle affirme qu’“ avec un enfant, la vie devient souvent plus compliquée. Une fois qu’elles sont conscientes, elles savent comment faire pour ne pas tomber dans une telle situation. ” Mariam Ouédraogo poursuit en soutenant qu’elles doivent mener une vie sexuelle saine pour éviter les maladies et les risques de grossesse. Une éducation sexuelle est également indispensable à son avis.

Les différents services de l’Action sociale sont généralement le dernier recours pour ces filles. Ils essaient autant que faire se peut de régler à l’amiable les conflits de paternité, les refus de paternité et les problèmes de pension alimentaire qui leur sont posés. Quand cette procédure échoue, ils s’en réfèrent à la justice “ pour que de manière officielle, la jeune fille puisse faire valoir ses droits ”. N’ayant pas de fonds à gérer à son niveau, l’Action sociale les oriente vers des structures comme le FAARF (Fonds d’appui aux activités rémunératrices des femmes) ou le projet de réduction de la pauvreté des jeunes (REPAJE) qui peuvent les aider à mener des activités génératrices de revenus.

En plus de ses attributions, l’Action sociale intervient parfois auprès de familles d’où les filles ont été chassées. “ On est souvent intervenu au niveau de certaines familles qui rejettent systématiquement leur fille quand celle-ci a un enfant en dehors du mariage. Beaucoup de filles viennent nous voir et on en a souvent hébergées dans nos services ”, se souvient Mme Tamboula. En outre dans le but de faire accepter la fille par les siens, des agents ont pris sur eux de convaincre les auteurs des grossesses à suivre les coutumes de la famille de la fille. “ On a même souvent assuré le transport de certaines filles pour qu’elles puissent rejoindre un parent, le temps que les coutumes puissent être respectées ”, poursuit Mme Tamboula.

En vue de soutenir ces filles, des femmes ont créé en 2005 l’Association des femmes et des filles-mères en difficulté à Bobo-Dioulasso.

Présidée par Mme Denise Soma, l’association basée au secteur n°10 a été officiellement reconnue en 2006. “ Mais déjà, elle compte 346 adhérentes ”, relève Mme Toé/Paré Nana, la vice-présidente. A travers des causeries-débats et des activités de sensibilisation, les responsables de cette association ont remarqué que : “ Ces filles ont pour la plupart perdu l’estime d’elles-mêmes alors qu’elles ont des potentialités qui peuvent être exploitées à bon escient ”.

C’est pourquoi l’association des femmes et des filles-mères en difficulté a monté des projets pour obtenir des financements afin de mener des activités d’alphabétisation surtout qu’elle dispose déjà d’un centre “ Bissongo ” au secteur n°10 (Colma) Bobo-Dioulasso.

Elle a l’ambition d’ouvrir divers ateliers pour leur permettre de mener des activités génératrices de revenus.

Urbain KABORE

Sidwaya

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