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Conflit foncier Mali-Burkina : Vite, le bornage !

Publié le lundi 10 juillet 2006 à 08h08min

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Quelque dix jours après les affrontements meurtriers entre agriculteurs maliens et burkinabè par suite d’un litige foncier, les ministres en charge de l’Administration territoriale des deux pays sont allés à la rencontre des populations frontalières ce samedi 8 juillet 2006.

Après les messages de condoléances et de compassion et les appels au calme et à la solidarité livrés à forte dose de méthode Coué, la communauté burkinabè, toujours sous le choc de la mort de neuf de ses membres (dont certains cadavres ont été mutilés), réclame, impatiente, le bornage de la frontière, seule urgence, selon elle.

Les plaies à cet endroit de la frontière malo-burkinabè, jamais cicatrisées, sont plus que jamais à vif. Ce constat surprendra plus d’un, puisqu’à ce que l’on raconte, les deux communautés (jadis une) ont en partage un seul et même substrat socioculturel et la même histoire : une seule langue, le bwamu, le même terroir villageois, les mêmes ancestres et les mêmes coutumes.

ue du Mali). Pourtant, au cours de l’histoire très récente, nombre de tumultes sporadiques ont fini par mettre dos-à-dos ces deux populations : "Il paraît qu’il y a eu déjà un affrontement en 1980 puis en 1985", s’était fendu d’une révélation le préfet de Djibasso (département dont relève le village burkinabè), Ibrahim Traoré, dans une interview parue dans le Journal Sidwaya du 6 juillet 2006. A Ouoronkuy d’abord, où les deux ministres, Clément P. Sawadogo du Burkina Faso, et le général Kafougouna Koné de la République du Mali se sont rencontrés, un grand ressentiment se lisait sur le visage des habitants.

Les autorités rassurent, la population reste sceptique

Et certains, malgré les assurances répétées des deux délégations, n’en restent pas moins sceptiques : "cinq jours après les affrontements, l’administration locale nous a dit que l’on pouvait repartir sur nos champs sans inquiétudes. Lorsque je m’y suis rendu, trois Maliens armés de fusils m’ont chassé", nous confie Félicien Kénon, les yeux injectés de sang, peu avant le début de la rencontre de sensibilisation.

Dans son message de paix, de compassion et d’appels au calme, le ministre Sawadogo, relayé mot à mot par son homologue malien, a souligné avec quelque insistance qu’il ne s’agit nullement de problème frontalier entre les deux pays : "Nos deux Etats connaissent les limites frontalières. C’est plutôt la cohabitation entre vous qui n’est pas sereine", a précisé le chef de la délégation burkinabè. Il a ensuite appelé à l’abandon de toute idée de vengeance et à la confiance aux autorités dans la recherche des solutions. Mais sans la matérialisation effective de la frontière par des bornes, annoncée pour cette année par le ministre Sawadogo, la ligne de feu qui sépare désormais les deux villages sera difficile à supprimer.

Impossible pour les "frères ennemis", chauffés à blanc par une revendication foncière, de s’entendre sur la portion litigieuse : "La solution la plus urgente reste le bornage de la frontière. Si après la délimitation, il se trouve que les champs sont en territoire malien, nous sommes disposés à les abandonner", promet Mathieu Kiénon, la soixantaine bien sonnée, au cours de notre bref échange. Même au niveau des autorités locales, on reste très prudent sur l’emplacement réel de la zone.

Sur les cartes qu’il nous a été possible de voir, et dont les tracés remontent à 1954, impossible de se faire une opinion. Aucun des deux villages frontaliers n’est matérialisé sur ces cartes. "Actuellement, il m’est impossible de vous dire de quel territoire relève la portion de terre. Les cartes dont nous disposons ne mentionnent la présence d’aucun des deux villages", reconnaît, l’air gêné, le préfet de Djibasso, à qui revient la tâche, paritairement avec son homologue malien, de veiller "au maintien des exploitants sur les champs de la saison écoulée, jusqu’au bornage".

A l’origine du conflit, la tradition

A Ouanian (à 7 km de Ouoronkuy), où les deux délégations se sont retrouvées par la suite, le discours est resté identique qu’à Ourokuy. Tout comme la langue locale, le paysage naturel et le style architectural. Dans le communiqué conjoint, les deux parties ont réaffirmé la nécessité de gérer les problèmes de frontière par le dialogue et la concertation.

Elles se sont également engagées entre autres au rétablissement de la sécurité des personnes et des biens dans les deux localités, à la tenue de rencontres périodiques et à la diligence d’enquêtes devant aboutir à des poursuites judiciaires. Le déclenchement du conflit foncier dans la nuit du 30 juin au 1er juillet 2006, à en croire la version officielle, serait parti de la tentative des habitants de Ouoronkuy de récupérer leurs terres jadis prêtées à ceux de Ouanian.

Et suite à une dispute entre deux agriculteurs le 29 juin 2006 pour l’exploitation d’un lopin de terre, des hommes armés, venus du village malien, ont mené une opération de saccage à Ouoronkuy le 30 juin. C’est au cour de leur réplique que les Burkinabè, pris au piège à l’entrée du village de Ouanian, ont été repoussés, laissant derrière eux 8 morts, un captif (mort par la suite) et trois blessés qui ont pu rejoindre Ouoronkuy. Mais selon certain notables de la localité burkinabè, tout serait parti du refus des exploitants agricoles maliens de se soumettre à une obligation de la tradition.

En effet, selon un d’entre eux, en contrepartie des terres qui leur ont été prêtées, les Maliens rétrocédaient une partie de leurs récoltes aux véritables propriétaires terriens que sont les habitants de Ouoronkuy. Mais depuis quelques années, le pacte aurait été violé du côté du Mali et une plainte aurait même été portée auprès du préfet burkinabè de l’équipe. Et c’est cette tentative de se soustraire à l’obligation ancestrale, considérée par les Burkinabè comme une volonté d’expropriation, qui serait la cause lointaine du conflit. Cette dernière version semble la mieux partagée à Ouoronkuy.

Alain Saint-Robespierre

L’Observateur Paalga

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