LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Ouargaye : Une affaire de racket éclabousse la gendarmerie

Publié le jeudi 9 mars 2006 à 06h54min

PARTAGER :                          

Au moment où le Burkina passe à la phase opératoire du concept de police de proximité, il n’est pas inutile de s’arrêter sur l’affaire d’utilisation d’intermédiaires véreux qui éclabousse en ce moment la brigade territoriale de gendarmerie de Ouargaye dans la province du Koulpélogo.

Malgré les intimidations, les victimes - des éleveurs du village de Boudangou, département de Soudougou - ont non seulement dénoncé la corruption, mais surtout exiger le remboursement de l’argent qui leur a été extorqué. C’est un bel exemple de courage que le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) ne peut qu’encourager. Le dossier est aujourd’hui pendant devant le tribunal de grande instance de Tenkodogo.

Tout serait parti, en décembre 2004, d’une ténébreuse affaire de vol de bétail. Un éleveur peulh nommé Djibril Diandé, soupçonnant un des fils de Dicko Salou Belco d’avoir soustrait ses bœufs, en a saisi la gendarmerie de Ouargaye.

Une procédure de convocation a été alors enclenchée. Au lieu d’interpeller le présumé voleur, ce sont plutôt 5 membres de sa famille qui se sont retrouvés dans les geôles de la gendarmerie de Ouargaye.

Du 14 décembre 2004 au 15 janvier 2005, le chef de famille et son petit-fils ont passé 9 jours de violon tandis que 3 de ses fils en ont eu pour respectivement 10, 21 et 26 jours.

L’objectif de ce scénario savamment orchestré était de contraindre la famille à verser une rançon de 1 050 000 FCFA pour recouvrer la liberté. Ce qui a fini par se faire par l’intermédiaire d’un certain Djibril Sidiwendé agissant pour le compte d’un gendarme.

Selon la déclaration des éleveurs, ce monsieur leur a été présenté par un agent de la brigade nommé Ouédraogo Lomisnaba, plus connu sous le pseudonyme d’« Adjoint ». Pour recouvrer la liberté, il leur aurait proposé de donner « 50 000 F pour lui-même et un million (1 000 000) pour Adjoint ».

Pris de court et dans l’impossibilité d’honorer le pot-de-vin, les bergers obtiennent la libération provisoire d’une semaine pour 2 membres de leur famille afin que ceux-ci aillent réunir la somme exigée par leurs ravisseurs. En fait, ils sont allés « vendre le maximum d’animaux » pour pouvoir honorer la rançon.

Quelques jours après, rendez-vous a été pris avec l’intermédiaire Djibril Sidwendé « dans une case sans porte » où la rançon a été versée. Lorsque le gendarme a jugé que les comptes étaient bons, il a ordonné de libérer tout le monde. C’était le 14 janvier 2005.

Mais avant de laisser les bergers rejoindre leur village, le gendarme leur avait intimé l’ordre de quitter le Burkina avec leur bétail pour aller s’établir au Togo voisin. Cela afin de les éloigner définitivement et de les empêcher ainsi d’ébruiter cette sale histoire.

Malgré les menaces et les intimidations, les bergers ont refusé « de quitter le Burkina ». Mieux, ils ont lancé, en février 2005, un appel en direction du Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) afin non seulement de demander de l’aide, mais surtout de faire rembourser la somme de 1 050 000 à eux extorquée.

A travers cette requête, ils voulaient également prendre à témoin l’organisation de défense des droits humains pour que le fait de refuser de quitter le Burkina Faso ne soit pas la « signature de leur arrêt de mort ».

Le MBDHP a fait diligence et a saisi à son tour le Procureur général près la Cour d’appel de Ouagadougou à travers une note d’informations.

Des sources proches du Tribunal de grande instance de Tenkodogo, on apprend que le sieur Djibril Sidwendé, qui a servi d’intermédiaire entre le gendarme et la famille Dicko, a fini par avouer avoir illégalement pris de l’argent aux bergers.

Toutefois, il ne reconnaît et n’a remboursé que la somme de 500 000 F au lieu des 1 050 000 F. En revanche, au niveau de la brigade, c’est toujours mystère et boule de gomme.

Pour le REN-LAC, le fait que le nommé Djibril Sidwendé soit utilisé par le gendarme pour extorquer de l’argent aux bergers est assez grave pour être relevé. Il apparaît que cet individu n’est même pas dans le rôle d’« indicateur », dont se sert généralement la gendarmerie.

Son intervention semble avoir servi une fin inavouée et inavouable. Tous les faits relevés ne militent pas non plus en faveur de la transparence que les citoyens sont en droit d’attendre des dossiers gérés par la gendarmerie.

En choisissant de traiter avec des personnes peu recommandables « dans une case sans porte », comme l’ont souligné les bergers peulhs, des gendarmes ne feront qu’accroître légitimement le soupçon des populations.

Car, et comme l’a relevé le MBDHP dans sa correspondance au Procureur général, la région de l’Est, où l’on paie le plus lourd tribut de l’insécurité, est paradoxalement « coutumière de ces agissements, et les agents incriminés doivent être appelés à mieux expliquer leur gestion ».

Mieux, à l’heure où les autorités publiques appellent les populations à coopérer avec les forces de sécurité pour bouter l’insécurité hors du Burkina Faso, il s’avère important de régler correctement ces passifs, qui risquent de plomber la machine de la police de proximité.

Le REN-LAC attend que justice soit rendue aux victimes de cette corruption qui ne dit pas son nom, et que des sanctions exemplaires soient infligées aux responsables de ces actions.

Le REN-LAC se propose de publier vos réactions, vos suggestions, vos dénonciations, si cela est conforme à la déontologie et à l’éthique professionnelle. Vos critiques et suggestions sont les bienvenues. Pour toutes informations et suggestions, contactez-nous à l’adresse suivante : Réseau National de Lutte Anti-Corruption (REN-LAC) 01 BP : 2056 Ouagadougou 01, Tél. : 50 -33- 04- 73, Email : info@renlac.org, site : http: //www.renlac.org

Tél. vert : 80-00-11-22 (gratuit).

Le REN-LAC

Observateur Paalga

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Route Didyr-Toma : 12 mois de retard, 7 km de bitume sur 43 km