LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Niou : Wagré ou le pèlerinage de Naaba Karfo

Publié le jeudi 2 mars 2006 à 07h36min

PARTAGER :                          

A Niou, dans le département du Kourwéogo, tout naaba (chef) qui accède au trône du canton a l’obligation d’accomplir le rite du Wagré, une sorte d’hommage aux ancêtres. C’est aussi un rendez-vous auquel le chef convie toutes les populations de son territoire coutumier et même au-delà, pour raviver leurs sentiments d’appartenance à une même famille.

Naaba Karfo, 19e chef du canton de Niou, a sacrifié à ce rituel, pour la première fois depuis son accession au trône, le 25 février dernier.

24 février 2006. Il était presque 20 heures quand le véhicule qui nous transportait stationna dans le domaine royal de Naaba Karfo, à Niou. Nous sommes à la veille du Wagré et il y régnait déjà une ambiance joviale, un signe annonciateur de l’importance de l’événement tant attendu par tous les Gnoulais.

En effet, le lieu grouillait déjà de monde, occupé qui par le dressage des tentes qui par l’éclairage et la sonorisation... Bref, chacun y mettait du sien pour que la fête soit belle.

Entre-temps, le chef sort de sa cour et nous en profitons pour lui demander un entretien sur le sens du rite Wagré. Dans son séjour, à peine a-t-il commencé à nous faire la genèse du Wagré que nous entendons des tam-tams résonner.

Notre interlocuteur interrompit sa narration, après s’être excusé, avant de nous confier qu’il devait s’apprêter, car il devait recevoir incessamment un hôte de marque ; en l’occurrence le Naaba Saaga de Bèma (Yatenga), qui est situé à une soixantaine de kilomètres de Niou.

Effectivement, quelque temps après, nous apercevions une dizaine de cavaliers à la tête d’une foule nombreuse. Avançant au rythme des sons de "benda" (tam-tams) et de "lounsé" (tambours), ils vinrent s’arrêter devant la demeure royale débordante de monde, qui se bousculait, chacun voulant voir le Naaba Saaga de Bèma, dont le cheval était guidé par une femme. On avait l’impression que tout Niou s’y était retrouvé à cet instant.

Le maître des lieux sort et, dans une allure majestueuse, alla à la rencontre de son convive de Bèma, qui, outre les autres membres de sa délégation, était accompagné d’un de ses amis, le chef du village de Goungré du Yatenga.

Ils échangèrent de chaudes poignées de main avant de se retirer pour un conciliabule. Pendant ce laps de temps, des troupes musicales et de danse se mirent en place pour rendre hommage à l’illustre hôte et sa suite.

Au terme d’un quart d’heure d’audience, l’étranger et sa suite prirent congé de Naaba Karfo. Ils sont conduits chez leur logeur au quartier Bangrin (habités par les autochtones). Après leur départ, les musiciens ont animé jusqu’au-delà de trois heures.

Une journée chargée pour Naaba Karfo

Samedi 25 février, jour "J" du Wagré. Il est 7 heures passées de quelques minutes et l’aire d’accueil du palais était déjà noire de monde. Naaba Karfo faisait des va et vient incessants pour recevoir les révérences et les cadeaux, non seulement des chefs placés sous son autorité, mais aussi des délégations d’autres chefs venues d’ailleurs.

C’était devant une petite case servant de portique, en quelque sorte une issue sacrée qui ne sert qu’en des circonstances extraordinaires comme celle-là. En tous cas, à l’instar du chef de l’Etat, à l’occasion des grandes rencontres de présidents dans la capitale, cette journée ne fut pas de tout repos pour Naaba Karfo et ses pages, tant le ballet diplomatique était important.

Parmi les invités de Naaba Karfo, il y en avait un et non des moindres : le président de l’Assemblée nationale, Roch Marc Christian Kaboré (cf. encadré).

Le Wagré au-delà de son côté festif

Tout ce qu’on a relaté jusque-là n’est que la face visible de l’iceberg. Ainsi, au-delà de la fête, quel sens donne-t-on au Wagré ; à la présence des délégations de chef de certaines localités comme Méguet du Zoundwéogo, Bèma du Yatenga et de Boulsin du département de Doudoulma dans le Kadiogo ?

D’abord, aussi curieux que cela puisse paraître, le nom « Niou » ne dérive pas de la langue mooré, mais plutôt de celle de l’ethnie des autochtones de ladite localité, notamment les Ninissi.

Selon ce que nous a rapporté un des ressortissants de Niou, Pascal Ouédraogo, un cadre de l’ONATEL imprégné de l’histoire de son village, Niou signifierait en mooré « Kitenga ». Ce qui pourrait être traduit en français « La terre où le mil est abondant ».

Maintenant, qu’en est-il de "Wagré" ? Pour les non-locuteurs du mooré, au sens propre ce mot veut dire "famélique". Au figuré, il résume une pensée ou un constat, qui, développée, donne « Ka yaa wagre wa nobe », autrement dit « Ici, tout famélique retrouve la forme ».

Comment en est-on arrivé à cette assertion ? L’histoire est aussi vieille que celle de la chefferie dans cette localité. Selon nos différents interlocuteurs, le Naaba Karfo et Pascal Ouédraogo, tout serait parti de l’arrivée du Naaba Kanga, le fondateur de Niou.

Il est le frère jumeau du fondateur de Méguet, du nom de Kangabila. Ce serait à la suite de querelles de chefferie, très fréquentes chez les Mossé, que le premier, considéré comme l’aîné, est parti de Méguet pour installer ses pénates à Niou.

Historiquement donc, les descendants des deux frères jumeaux qui se sont séparés ont un lien de sang tout comme avec ceux de Bèma et de Boulsin, dont les aïeux seraient des dissidents de la famille royale de Niou. A ce qu’on dit, le Naaba Kanga a trouvé, à son arrivée à Niou, des Ninissi, qui lui ont offert l’hospitalité.

Mais la longueur de la distance parcourue, de Méguet à Niou, a décharné les chevaux qui les ont transportés jusqu’à destination. Au regard de leur état pitoyable, un des autochtones les conduisit dans un pâturage au flanc d’une colline, situé au sud-est du village.

Il en ramena les chevaux tout dodus. A la vue de la forme des animaux, le Naaba Kanga s’écria : « Ici, tout ce qui arrive famélique grossit !", c’est-à-dire en mooré "Ka yaa wagre wa nobe". Ils décidèrent, depuis lors, qu’après les récoltes, des sacrifices seront faits aux mânes des ancêtres à cet endroit précis.

Ce, pour les remercier de leur avoir réservé une bonne saison de pluie. Le Wagré, qui désigne en même temps le lieu rituel, remonte donc au temps de Naaba Kanga, fondateur de leur dynastie. Selon Naaba Karfo, sa commémoration, au départ, était annuelle.

Mais depuis une certaine époque, le rendez-vous festif est devenu triennal, à cause des mauvaises pluviométries. Par ailleurs, les sacrifices rituels se font obligatoirement chaque année.

Hamidou Ouédraogo


Le président de l’A.N., Roch Marc Christian Kaboré : on apprend davantage

C’est une occasion pour nous de lui souhaiter une bonne santé et de la clairvoyance dans sa mission de guide de la population, mais également de le remercier de son souci de faire en sorte que la famille élargie puisse se retrouver autour de sa fête coutumière ; j’avais déjà constater que chaque fois que le chef de Méguet célébrait sa fête, il y avait toujours une forte délégation de Niou qui y participait.

Je salue cette initiative qui consiste à faire en sorte que l’ensemble des racines de la famille puissent se retrouver et communier ensemble à des festivités.

Vous conviendrez avec moi que si la tradition n’a pas de repère culturel, nous serons aussi perdus. C’est la raison pour laquelle nous sommes d’ailleurs attentifs à ce que les chefs traditionnels font, parce qu’ils sont importants dans la sensibilisation et dans l’organisation de la société.

Au Parlement, nous sommes également prêts chaque fois à participer aux activités organisées par nos autorités coutumières afin de leur apporter notre soutien et de communier avec eux à ces festivités en leur demandant toujours de continuer à appuyer la République dans son travail de formation et d’éducation de notre société.

On apprend toujours davantage et il faut que nous soyons à l’école de notre culture et de notre histoire. Rien qu’en arrivant à Niou aujourd’hui (Ndlr : le 25/02/06), j’ai appris, après les explications qui m’ont été données par les chefs, que finalement la famille s’étend depuis Méguet en passant par Niou, Boulsin ...et jusqu’à Bèma au Yatenga.

J’ignorais tout cela alors que c’est quand même important de le savoir. On découvre donc tous les jours, et comme la tradition est orale, il faut que, quelque part, cela soit codifié afin que ça reste pour les générations futures.

Propos recueillis par O.H.

Observateur Paalga

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Route Didyr-Toma : 12 mois de retard, 7 km de bitume sur 43 km