LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

A. Diouf : "La Francophonie n’a pas beaucoup de sens si elle ne contribue pas à satisfaire le besoin de solidarité"

Publié le mardi 20 janvier 2004 à 10h50min

PARTAGER :                          

Le Secrétaire général de l’Organisation Internationale de la Francophonie, M. Abdou Diouf, a présenté ses voeux à la communauté francophone le 19 janvier 2004. Occasion pour lui de revenir sur les grandes préoccupations de la Francophonie.

A. Diouf, à l’ambassade
du Burkina le 19/12 dernier

Mesdames et Messieurs,
Chers amis,

Merci. Merci du fond du cœur d’être venus si nombreux. Les occasions de se retrouver dans une ambiance si amicale et si conviviale ne sont jamais assez nombreuses. Aujourd’hui en tous cas, au seuil de cette nouvelle année 2004, votre présence compte beaucoup pour moi. Face à un calendrier déjà si rempli, et à la lourdeur des charges et des responsabilités que nous allons devoir assumer, je ressens cette présence comme un soutien. Elle est pour moi très stimulante, et elle nourrit mon optimisme pour notre ambition francophone.

Alors bonne et heureuse année à toutes et à tous. Le premier souhait que je formule pour la Francophonie c’est de vous voir cette année encore continuer avec conviction et talent à développer sans relâche les efforts que vous déployez tous au service de notre langue et de nos valeurs.
Je voudrais d’abord que nous ayons ensemble une pensée pleine d’émotion et de compassion pour ces victimes récentes du drame épouvantable qui a choqué l’Iran et le monde, et pour celles et ceux qui ont tragiquement disparu dans les catastrophes aériennes de Cotonou et de Charm-El-Cheikh. Songeons aussi à toutes les victimes des événements dramatiques qui ont frappé bon nombre de pays membres de notre organisation.

Je souhaite par ailleurs tout particulièrement saluer la présence des nouveaux membres du Conseil Consultatif de la Francophonie qui se réunissent depuis ce matin pour la première fois. Certains d’entre eux, malgré leur emploi du temps, sont venus de bien loin et nous donnent à tous un bel exemple d’attachement à la Francophonie. Je sais d’avance que leur apport à notre réflexion constituera une ouverture et un enrichissement de grande qualité.

L’année 2003 a été marquée par des épreuves difficiles. Des conflits inquiétants, ravageurs, des processus de sortie de crise longs et difficiles, des signes préoccupants de régression de la démocratie, des violations inadmissibles des droits de l’homme, l’échec ou la déception dans des grandes négociations internationales essentielles pour le progrès économique et social de l’humanité. La situation au Moyen-Orient et la guerre en Irak qui nous donnent des raisons supplémentaires de nous engager contre l’usage de la force, contre le terrorisme, pour consolider en toutes occasions le dialogue des civilisations.

Ces événements nous ont démontré, en tous cas, que si la fin de l’histoire est bien illusoire, la fin des empires est nécessaire pour bâtir un monde de paix, de justice, de respect des identités et de la dignité humaine.
Mais de l’année 2003 nous devons également garder en mémoire des signes d’espoir.

Des progrès à petits pas vers la paix en Asie, des évolutions positives en matière de lutte contre la menace nucléaire, des progrès encourageants dans les trop nombreuses guerres qui déchirent le continent africain : au Burundi, au Soudan, en République Démocratique du Congo, et ces dernières semaines en Côte d’Ivoire. L’année 2004, je l’espère, confirmera ces tendances, consolidera la paix, marquera le début d’une nouvelle ère qui privilégiera la négociation politique et la réduction de la durée des processus de règlement des conflits.

Quoi qu’il en soit, dans ce contexte, l’Organisation internationale de la Francophonie s’est impliquée autant qu’elle a pu le faire avec ses inébranlables convictions et son inaltérable détermination.

Partout où nous avons été sollicités, nous avons répondu présents. Pour aider à surmonter les crises et favoriser la réussite des transitions, en Côte d’Ivoire, en Centrafrique, aux Comores, et désormais en République Démocratique du Congo. Présents sur le terrain, conjuguant nos efforts avec ceux des autres partenaires bilatéraux et multilatéraux, plaidant sans relâche pour mobiliser davantage la communauté internationale, nous avons, avec tout l’optimisme volontaire nécessaire en ces circonstances, appuyé tout ce qui pouvait faire progresser la paix.

Au delà de la gestion de ces crises, j’ai attaché personnellement beaucoup d’importance à rendre plus solides, plus structurés, plus durables nos outils et nos méthodes dans ce domaine, dans le cadre de notre déclaration de Bamako de novembre 2000.

De la Conférence de Brazzaville en avril 2003 sur la mise en réseau des structures nationales des Droits de l’homme, à la mise en place, lancée depuis ces derniers mois, des mécanismes d’alerte précoce et de prévention des crises ainsi que du renforcement des moyens de médiation, de facilitation et d’information, j’ai voulu insister sur la nécessité pour la Francophonie de s’engager, toujours plus vite et toujours plus efficacement, sur le chemin de la paix et des droits de l’homme.

A Libreville, en mars, sur l’enseignement du français et en français, nous avons engagé un processus essentiel pour revitaliser notre langue, sa contribution au progrès de l’éducation, sa relation avec les langues et les cultures nationales.
J’attends beaucoup dès 2004 du suivi des orientations nouvelles qui ont été tracées à cette occasion.
Les progrès décisifs que nous avons enregistrés sur la question de la diversité culturelle, en particulier à l’UNESCO, pour l’adoption d’un instrument juridique international contraignant, la coopération de plus en plus étroite et productive avec les autres aires linguistiques, l’ampleur que nous avons donnée à nos actions dans le domaine de la société de l’information et dans le sens du renforcement de la solidarité numérique…, tout cela donne la mesure de nos ambitions, mais aussi de l’immensité de la tâche qui reste à accomplir et de l’énergie que nous allons devoir dépenser. Ces enjeux-là sont vitaux. Ils sont au cœur de notre mission. Nous avons, nous le savons, vis-à-vis, des défis qu’ils représentent, un rôle, une mission particulière à accomplir. Nous serons donc en 2004 encore plus exigeants sur ces dossiers, encore plus résolus à obtenir des résultats concrets.

Je voudrais d’ailleurs, sur quelques exemples qui marqueront cette année 2004, fortement symboliques même s’ils ne sont pas exhaustifs, appeler votre attention et votre vigilance.

Le premier, c’est celui des Jeux Olympiques qui se dérouleront en août à Athènes. La popularité du sport n’est plus à démontrer. L’impact médiatique de l’événement est immense. La langue française et ses valeurs y occupent une place historique. Il ne doit pas être question, sous quelque prétexte que ce soit, de laisser cette place grignotée, voire amputée.
L’autre exemple que je tiens à évoquer est celui de l’élargissement de l’Europe qui constitue pour nous tous un immense défi que nous devons prendre très au sérieux. Il faut nous engager davantage, car dans cette affaire, c’est la crédibilité du français comme grande langue internationale de communication qui est en jeu. C’est aussi, dans la reconstruction en cours de ce continent de référence pour le monde entier, une chance historique de faire prévaloir le modèle de diversité culturelle que nous revendiquons.
De ce bilan, que je n’ai pas voulu trop détailler devant vous, je voudrais tirer deux leçons pour l’avenir, avant de vous adresser deux vœux pour l’année que nous entamons.

 En premier lieu je voudrais vous dire que, depuis les choix que nous avons opérés lors du Sommet de Beyrouth, l’évolution des relations internationales nous conforte dans l’idée qu’il n’y a pas d’autre voie raisonnable et conforme à nos valeurs d’humanisme et de partage, que le multilatéralisme pour organiser la communauté internationale et faire progresser la paix, la sécurité et le développement. La mondialisation nous montre bien sûr que notre monde est devenu une scène unique et que de nombreuses avancées sont susceptibles de contribuer à rapprocher les peuples et les cultures. Mais, pour autant, cette mondialisation ne nous garantit aucunement la fin des conflits et la disparition des inégalités. Elle ne garantit pas non plus le respect de la diversité et des identités, condition essentielle de la réussite de ce dialogue des civilisations auquel nous aspirons.
Le multilatéralisme n’est pas une fin, c’est une voie, une méthode. Ce n’est pas la plus facile à suivre et elle n’est sans doute pas exempte de frustrations. Mais elle est sûrement la plus équitable, la plus respectueuse de la démocratie, la plus apte à organiser durablement un partage des richesses et des valeurs, une communauté de droit acceptable et applicable par tous.
La Francophonie est multilatéraliste. Par nécessité, par vertu et par conviction. Elle doit donc œuvrer au quotidien pour renforcer cet engagement.
Elle doit le faire d’abord en soutenant le système des Nations Unies, et bien entendu les efforts entrepris pour le réformer et le moderniser. Elle doit le faire aussi en appuyant les progrès de la dynamique de l’intégration régionale, élément indispensable de l’architecture multilatérale. Elle doit le faire enfin en luttant contre la marginalisation de continents entiers et en soutenant par exemple des initiatives historiques comme le NEPAD. Le multilatéralisme, c’est un travail patient et complexe pour organiser harmonieusement « cet enchaînement des parties du globe » dont parlait Paul Valéry dès 1931. Les enseignements des pères fondateurs de la Francophonie, en particulier ceux de Léopold Sédar Senghor, nous guident exactement vers ce grand dessein.

 La deuxième leçon, qui découle directement de la première, est celle de l’exemplarité de la Francophonie. Vous le savez bien, ma préoccupation permanente est d’améliorer le fonctionnement de nos institutions, nos méthodes de travail, de voir s’affirmer les actions de nos opérateurs. Mais je sais fort bien que nous serons jugés sur nos résultats, sur notre crédibilité, notre visibilité, la cohérence de notre démarche. Nos moyens et notre rôle s’accroîtront à la mesure de la reconnaissance de notre utilité et de notre efficacité par nos Etats-membres, mais aussi par tous nos partenaires internationaux et par nos populations.
Pour faire œuvre utile dans ce grand dessein multilatéraliste, la Francophonie doit sans relâche veiller à être toujours plus utile, toujours plus performante.

Aussi, je m’adresse à vous ce soir pour former deux vœux, qui pour se réaliser, nécessitent absolument votre implication.

Le premier vœu, c’est qu’en 2004 la Francophonie montre, face à tous les défis qu’elle a entrepris de relever, sa capacité à se rassembler. Se rassembler sur ses valeurs. Se rassembler pour toutes les causes dans lesquelles nous sommes engagés. L’OIF, l’AIF, son opérateur principal, les autres opérateurs directs , que sont l’AUF, l’AIMF, TV5 et l’Université Senghor, tout comme notre vigie démocratique qu’est l’APF, font remarquablement leur travail. Je les félicite une fois encore et je remercie tous les acteurs de la Francophonie pour leur apport et leur fidélité.

Mais nous irons beaucoup plus loin avec l’aide active de toutes les forces vives de la Francophonie qui approfondissent le lien avec les populations, qui popularisent nos idées et nos revendications, qui enrichissent aussi nos réflexions.
Cet appel à vous rassembler s’adresse aux hommes et aux femmes de terrain, aux milieux associatifs et aux ONG, aux enseignants, aux chercheurs, aux étudiants, aux créateurs et aux artistes, aux entrepreneurs et aux milieux économiques, aux journalistes, responsables de médias et défenseurs de la liberté d’expression. Nous avons les mêmes valeurs et les mêmes ambitions. Aidez-nous, aidez-vous à expliquer et à convaincre, à donner l’exemple. A ouvrir davantage au monde les portes et les fenêtres de notre Francophonie, à oser aller vers les autres et à partager.

Le second vœu que je forme pour cette année nouvelle, c’est celui du renforcement toujours plus exemplaire de la solidarité. Nous avons choisi la solidarité comme thème de notre prochain Sommet, le grand rendez-vous francophone de 2004 qui se tiendra en novembre, en terre africaine, à Ouagadougou et qui s’intitulera « Francophonie : un espace solidaire pour un développement durable ».
Nous savons trop bien qu’il ne s’agit pas pour nous d’un vain mot. La Francophonie n’a pas beaucoup de sens si elle ne contribue pas à satisfaire ce besoin si fort. La composition de notre communauté, qui rassemble sur les cinq continents des pays du Nord et du Sud sur l’idée même du partage, fait de l’expression de la solidarité un fondement de son existence.
• Solidarité déjà engagée entre Francophones, qui se traduit par exemple, de plus en plus systématiquement, par la concertation et la recherche de positions communes sur les grands enjeux du développement et de la réduction des inégalités, et que nous devons affiner avec éclat à Ouagadougou sur l’ensemble des aspects du développement durable.
• Solidarité avec tous ceux qui dans le monde ont besoin d’un développement plus juste, de démocratie, de diversité culturelle, auxquels la Francophonie doit montrer que ces valeurs et les combats qu’elles appellent ne sont pas vains.

Mesdames, Messieurs,
Chers amis,

Je souhaite que nous puissions ensemble poursuivre notre route commune au cours des prochains mois, et je vous adresse à toutes et à tous mes vœux les plus chaleureux de bonheur personnel et de réussite professionnelle.
En vous remerciant de faire vivre la Francophonie avec autant d’ardeur, je vous encourage à l’exprimer haut et fort le 20 mars prochain à l’occasion de la Journée internationale de la Francophonie.

Je vous remercie de votre attention et vous invite à boire le verre de l’amitié.

PARTAGER :                              
 LeFaso TV