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Pascal Simboro, maire de Nouna : "Il n’y a pas de problème entre les conseillers"

Publié le lundi 7 novembre 2005 à 08h22min

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Agent technique d’agriculture spécialisé, Pascal Simboro a été élu, le 3
novembre 2 000, maire de Nouna, une bourgade de plus de 23 000 âmes
dans la province de la Kossi. 21 conseillers issus de 4 partis politiques (CDP
13, UDF 6, ADF/RDA 1, PAI 1) siègent au conseil municipal.

Dans l’entretien
qu’il nous a accordé, le maire de Nouna dresse le bilan de 5 années de
gestion. Avec un ton teinté d’humour et très décontracté, Pascal Simboro a
répondu sans ambages à toutes nos questions.

"Le Pays : Qu’est-ce que le conseil municipal a fait pour alléger la souffrance
de la population suite à la crise alimentaire ?

Pascal Simboro : Le budget communal étant faible, nous avons fait appel aux
ressortissants de la commune et de la province. Notre cri du coeur a été
entendu. A travers eux, nous avons bénéficié au total de 19 tonnes de vivres.

Ce don a permis de soulager un tant soit peu quelques ménages.
Individuellement des efforts ont été également faits par certaines bonnes
volontés. En tout état de cause, nous nous arrangeons de sorte à ce que les
nécessiteux ne soient pas laissés pour compte, parce que marginaliser un
citoyen, de surcroît en situation difficile, n’est pas normal. Le Conseil
municipal est de coeur avec eux.

Quel bilan faites-vous de la gestion des 5 années que vous avez passées à
la tête de la commune ?

En matière d’exercice de la démocratie locale, je pense qu’au sein du
Conseil, nous avons toujours gardé la bonne ambiance et travaillé en
équipe. Nous avons essayé d’impliquer autant que faire se peut, la
population dans la gestion de la cité. Nous avons beaucoup sensibilisé. Ce
qui fait qu’aujourd’hui, beaucoup de citoyens comprennent ce que c’est que la
commune, ce que c’est que la décentralisation. Je pense que c’est un acquis
indéniable parce que, quand les citoyens eux-mêmes ne savent pas ce qu’ils
veulent, c’est un peu difficile.

Nous avons également réorganisé les services
de la mairie, parce que nous avons trouvé une situation catastrophique due
à l’inexpérience de la 1re équipe. Un organigramme fonctionnel a été mis
en place. En somme, c’est de l’ordre que nous avons mis dans la maison ;
cela est très important.

Durant les 5 années, notre budget est passé de 25
millions à 40 millions de francs CFA. Le taux de recouvrement est assez
appréciable. Comme le citoyen lambda ne voit que les réalisations
physiques, en la matière, nous pouvons citer entre autres, l’achèvement du
marché, l’acquisition d’un véhicule de seconde main, parce que nous étions à
pied pendant 3 ans, l’acquisition de 3 motos Yamaha V80, l’acquisition de
matériel informatique, ce qui permet d’améliorer les prestations au niveau de
la mairie.

Nous sommes en train da réhabiliter le stade municipal Jean le
Sourd. Nous pouvons citer également la construction du jardin du maire, la
clôture et la construction de deux écoles. Nous avons beaucoup mis l’accent
sur l’assainissement, en organisant les trois dernières années un concours
de salubrité baptisé "le secteur le plus propre", doté de prix. Tous les secteurs
y participent pleinement à travers les femmes, que nous avons du reste
équipées en matériel d’assainissement. Cela nous a paru très encourageant,
parce qu’avant, l’hygiène n’était pas la chose la mieux partagée.

Toujours
dans les réalisations, on peut compter le plateau omnisports, la clôture de la
poissonnerie grâce à l’appui du PNGT II, quoi que nous ne fassions pas
partie de la zone de couverture du projet. Nos populations ont été dotées de
deux forages. Durant les cinq années, nous n’avons pas certes fait de
lotissement, mais nous avons régularisé des situations assez difficiles des
attributions précédentes. Nous avons incité nos concitoyens à investir dans le
bâtiment.

Il faut ajouter que nous avons créé un bulletin d’information et de
sensibilisation locale, pour parer au déficit de communication entre les élus
locaux et les citoyens. Pour nous, s’il y a un déficit de communication entre
élus et citoyens, quelles que soient les actions que vous menez, elles sont
vouées à l’échec. Nous faisons un compte rendu annuel à nos citoyens, à
travers des rapports, des actes que nous avons posés. Nous entretenons de
bonnes relations avec les services déconcentrés et notre tutelle.

Les
partenaires au développement nous ont permis de bénéficier de plusieurs
financements pour la réalisation de toutes les actions. Sinon, le budget
communal ne nous permet pas de faire des investissements et cela est
dommage. La formation a également été un aspect sur lequel nous avons mis
l’accent. Les femmes faisant partie intégrante des priorités du Conseil
municipal, nous avons tout mis en oeuvre pour équiper leur maison. Toute
chose qui leur permet de s’épanouir.

Malheureusement, des problèmes de
leadership ont annihilé notre volonté. Le rendement ne répond pas à nos
attentes. On aurait souhaité, avoir une Maison de la femme très animée à
travers des formations, des activités créatrices de revenus et bien d’autres.
Qu’à cela ne tienne, des discussions sont en cours avec les actrices pour
régler la question. A notre actif, on peut noter l’ouverture du CSPS communal.

Je pense que tous les efforts sont insuffisants et nous osons espérer que la
prochaine équipe pourra poursuivre l’œuvre. J’en profite pour dire merci à
toutes les autorités administratives, politiques, coutumières et religieuses qui,
par leurs conseils, leurs prières et leur contribution ou autres soutiens, nous
ont permis d’atteindre plus ou moins les objectifs que nous nous étions fixés.

Quelles sont les insuffisances et les difficultés que le Conseil municipal a
connues tout au long de ce quinquennat ?

Les insuffisances sont internes. Du fait que le mandat est gratuit, la
motivation n’est pas toujours à la hauteur des attentes. Nous n’avons pas pu
maîtriser non plus tous les textes de la décentralisation. Les niveaux étant
hétérogènes, l’interprétation est souvent difficile chez certains conseillers.

Ceux qui sont à leur 2e mandature étaient plus éclairés. Cependant, avec ces
derniers, ce n’est pas toujours l’amour parfait, parce que nous avons une
méthodologie autre que celle de la première équipe. Nous, nous avons
choisi la méthodologie de la transparence, en somme, la gestion de proximité
qui privilégie chaque fois le dialogue et la concertation. Ensuite au niveau
des moyens humains.

Au niveau de la mairie, nous n’avons pas de cadres,
sauf le secrétaire général qui est mis à notre disposition. Les autres agents
ont un niveau bas de formation, ce qui pose des problèmes de conception.
Lorsque vous travaillez à la mairie, c’est pour être utile à la société. Le budget
communal ne couvre que les charges de fonctionnement, ce qui est une
insuffisance.

L’incivisme fiscal est un véritable frein au développement. D’une
manière générale, les citoyens sont réticents à payer les taxes et les impôts.
Le contrôle exercé par la tutelle a été à mon avis insuffisant. Si nous étions
régulièrement contrôlés par exemple deux fois l’an, cela nous éviterait de
commettre des erreurs. Ce n’est souvent pas sciemment fait, mais c’est parce
que, si on nous avait mis sur le chemin, nous aurions pu éviter certaines
erreurs relevées.

Plus on est suivi, plus on est appuyé, plus on s’améliore
parce qu’il ne faut pas percevoir le contrôle comme étant mauvais. C’est
plutôt pour nous mettre sur de bonnes voies. A notre niveau, par exemple, il
manquait des textes sur le budget et nous ne savions pas où les trouver.
L’une des insuffisances est le personnel mis à notre disposition par la tutelle.

En 5 ans, nous avons eu 5 secrétaires généraux, 4 hauts-commissaires, 4
secrétaires généraux de province, 3 commissaires de police, 3 percepteurs.
Cela ne nous a pas aidé à travailler sereinement. Parce que c’est l’éternel
recommencement. Les difficultés, on en a rencontré. Trois des conseillers ne
jouaient pas franc jeu, vu leurs comportements d’auto-destruction, leurs
instincts saccageurs et leur égoïsme.


Ces conseillers sont-ils d’une autre formation politique ?

Non, ils sont du parti majoritaire. Des 4 partis politiques qui siègent au
Conseil, il n’ y a jamais eu de problème. Si vous assistez aux sessions, vous
ne pouvez pas vous rendre compte qu’un tel conseiller est de tel ou tel bord.

Nous avons constitué une famille dans laquelle, il y a l’ambiance, l’harmonie.
Il faut ajouter que lorsque nous prenions en main cette commune, beaucoup
de partenaires avaient perdu confiance à la mairie de Nouna. Et cela a été
difficile pour nous. Il a fallu travailler, pour aboutir à quelque chose. Notre ville
est par exemple jumelée à une ville espagnole. Malheureusement, tous les
conseillers n’ont pas été associés dans le tissage des relations.


Qu’est-ce qui explique que le taux d’occupation du marché central ne soit pas
satisfaisant ?

Nous avions demandé le déménagement du marché. Cela n’a pas été facile.
Comme on le dit, la persuasion est un art difficile. Il faut laisser le temps au
temps. Nous essayons de sensibiliser les commerçants pour qu’ils sachent
que le marché est le lieu le plus indiqué pour l’exercice des activités
commerciales. Ceux qui ont refusé de rejoindre le marché ont peut- être leurs
raisons, mais je pense que s’ils veulent que leurs activités prospèrent, ils ont
intérêt à rejoindre les autres.


Est-ce que vous êtes prêt à briguer un second mandat à la tête de cette
commune ?

Ce n’est pas une préoccupation pour moi parce que c’est la population qui
décide. Avant de venir à la mairie, mon parti a estimé que je pouvais présider
aux destinées de cette ville. Si après le bilan, on estime que je peux
poursuivre, alors je suis partant. Si l’on trouve qu’il y a plus de déception que
de satisfaction, alors je retournerai dans les champs.


Quels ont êté vos meilleurs et mauvais souvenirs ?

Les mauvais souvenirs se résument en 3 parties. Le décès de mon père et
de deux conseillers municipaux au cours de mon mandat, l’élection du 1er
adjoint a été très très dure. Nous ne nous sommes pas accordés et ça a pris
un virage dangereux qui m’a parfois privé de ma liberté.

L’incarcération des masques ne fait-elle pas partie de ces mauvais souvenirs
 ?

Oui, c’est dans le cadre de la rivalité politique que cela a été dramatisé.
Parce qu’on dit que le maire est de la famille coutumière. C’est vrai qu’il y a
eu des actes condamnables, mais on a fait autre chose, tout ça c’était pour
avoir la tête du maire. Sinon, il y a eu bien des cérémonies après celle-là,
sans effusion de sang.

Quand des gens s’infiltrent dans la coutume pour faire
de la vengeance sur des citoyens honnêtes, c’est dommage ! La
cohabitation est très pacifique à Nouna. Si c’est parce que le maire est de la
famille coutumière, en posant de tels actes, il répondra, et on pourra le
destituer. Si tel est le cas c’est un mauvais souvenir pour moi.

Des perspectives ?

Le plan communal de développement 2004-2008 est un tableau de bord,
une feuille de route qu’il faut suivre. Il a été élaboré par l’ensemble des
couches sociales. Des priorités ont été dégagées. Cela évite qu’on navigue à
vue. Avec ou sans moi, il y aura la réalisation du marché à bétail,
l’assainissement de la ville estimé à 120 millions.

Quelle appréciation faites-vous de la révocation de vos
collègues maires ?

Je regrette que quelqu’un en qui les populations ont placé leur confiance
soit révoqué. Mais il faut mettre cela sur le compte de l’inexpérience. Il n’y a
pas d’école de maire, c’est sur le tas qu’on acquiert la formation. Nous
sommes en politique. C’est vrai que l’élu n’est pas au-dessus de la loi et nous
sommes exposés. Une petite tentation, et on ne vous rate pas. Ce sont des
leçons à tirer pour les uns et les autres. Il ne suffit pas d’avoir la tête du maire
pour clamer victoire. On devrait se poser la question suivante : si j’étais à la
place du maire, qu’est-ce que j’allais faire. C’est cette question qu’on doit se
poser avant de destituer le maire. Si les conseillers se posaient cette
question avant de s’acharner contre le maire, on
éviterait les révocations et autres démissions de maire.

Propos recueillis par Serge COULIBALY

Le Pays

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