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Journées de fraternité des cadres et responsables catholiques : Le concept "Ubuntu" au cœur des échanges

Publié le jeudi 24 juin 2021 à 11h30min

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Journées de fraternité des cadres et responsables catholiques : Le concept

À l’occasion de la 6e édition de la journée de communion et de partage, organisée ce dimanche 19 juin 2021 par le Service pastoral pour la formation et l’accompagnement des responsables (SEPAFAR), une conférence publique a été animée au profit des cadres et responsables de l’Eglise catholique. Le concept Ubuntu qui se traduit par « Je suis parce que nous sommes » a été au centre des échanges.

« Ubuntu : je suis parce que nous sommes ; une voie vers la renaissance africaine » est le thème principal qui a fait l’objet de la 6e édition des rencontres des cadres et responsables catholiques. Deux intervenants ont tenu en haleine l’assistance pendant quatre heures pour expliquer la quintessence du mot Ubuntu et son impact dans la sphère sociale, politique, économique pour la construction d’une nouvelle Afrique. Il s’est agi de Jean-Paul Sagadou, prêtre assomptionniste, journaliste, rédacteur en chef de « Prions en Eglise », et Dr Alice Somé /Somda, enseignante de philosophie à l’université Joseph Ki-Zerbo et chargée de recherche à l’Institut des sciences des sociétés.

Jean-Paul Sagadou, prêtre assomptionniste, journaliste, rédacteur en chef de « Prions en Eglise »

Le mot « Ubuntu », issu de langues bantoues du Sud de l’Afrique, désigne une notion proche des concepts d’humanité et de fraternité. En Afrique du Sud, ce terme a été employé notamment par les prix Nobel de la paix Nelson Mandela et Desmond Tutu, pour dépeindre un idéal de société opposé à la ségrégation durant l’apartheid, puis pour promouvoir la réconciliation nationale. Selon l’archevêque Desmond Tutu, acteur de réconciliation, « quelqu’un d’Ubuntu est ouvert et disponible pour les autres », car il a conscience « d’appartenir à quelque chose de plus grand ».

Pour mieux cerner le sens du mot « Ubuntu », il est fait référence au discours d’hommage de Barack Obama à Nelson Mandela, le 10 décembre 2013, cinq jours après le décès du leader de la lutte anti-apartheid. « Mandela a compris les liens qui unissent des hommes. Il y a un mot en Afrique du Sud -Ubuntu- qui résume sa plus grande contribution : C’est la reconnaissance de liens qui unissent les hommes et qui crée une intégrité humaine. C’est en partageant et en s’adonnant aux autres que l’on devient soi-même. On ne sait pas si c’était une notion qu’il avait depuis toujours ou une notion à laquelle il est parvenu après des années de détention, mais c’est quelque chose qu’il a su mettre en pratique en invitant à sa table ses geôliers. Il a su faire d’une tragédie de famille une arme contre le Sida, il était l’incarnation de cet Ubuntu. C’est Madiba et cette notion qui ont permis de libérer les opprimés et les oppresseurs. La réconciliation n’est pas l’ignorance d’un passé mais l’inclusion, la compréhension du passé, de la vérité. »

Armand Béouindé à la tribune pour la lecture de la prière universelle

Atteindre la renaissance africaine

Le père Jean-Paul Sagadou a estimé que c’était important de parler de ce concept car dit-il : « Ici et là on entend parler mais on sent bien que c’est quelque chose d’assez nouveau aussi pour beaucoup de gens ». Donc, la première des choses était de faire connaître ce qu’est le concept Ubuntu qui se traduit simplement par « Je suis parce que nous sommes. » Pour lui, l’enjeu de cette thématique c’est de s’interroger sur les moyens ou les résolutions à prendre sur le continent africain pour atteindre la renaissance africaine.

De son point de vue, quand on parle de renaissance africaine on veut un continent développé où il y a la solidarité, où le vivre-ensemble transcende l’individualisme, où il y a une démocratie respectueuse des droits des uns et des autres. « L’enjeu finalement était comment se fonder sur des valeurs proprement africaines pour essayer de donner de l’impulsion à notre pays qui en a vraiment besoin. Ubuntu défini avec l’expression ‘’Je suis parce que nous sommes ‘’, une des premières valeurs est la dignité de chaque être humain car nous ne pouvons pas vivre en communauté dans ce monde s’il n’y a pas cette reconnaissance mutuelle de la dignité de chacun d’entre nous. La deuxième chose c’est qu’à l’intérieur de cette dignité, il y a un tas de valeurs qu’il faut mettre en place que sont la cohésion sociale, la justice, la tolérance, la paix, la solidarité, l’honnêteté, etc. Ce sont des valeurs que les Africains sont en train de perdre peut-être à cause de la mondialisation où chacun se déshabille de ses valeurs proprement culturelles pour emprunter d’autres habits qui ne correspondent pas toujours à nos propres manières de penser, à nos propres imaginaires. »

Quelques personnalités publiques présentes dans la salle de conférence

Du point de vue religieux, le père Sagadou a affirmé que le défi pour la mission aujourd’hui consiste à exploiter au maximum possible les valeurs de la tradition africaine que sont la solidarité, la justice, la paix, l’intégrité, le pardon, pour une meilleure évangélisation des chrétiens. « D’un point de vue politique, dit-il, personnellement je considère que le concept Ubuntu peut accompagner le désir du continent africain à faire unité, à faire intégration. C’est aussi un concept qui a une dimension sociale et une dimension politique très fortes », a-t-il déclaré.

Ubuntu, un avenir enfoui dans nos valeurs fondamentales africaines

Armand Béounidé, maire de Ouagadougou, s’est réjoui de la tenue de cette journée, surtout le thème du panel qui, pour lui, est d’actualité. « Le concept Ubuntu est une manière de rappeler aux Africains que nous devrions cultiver notre voie pour le développement, rechercher dans les fondements de notre société les solutions pour une meilleure gouvernance de notre pays et de tout le continent. Le panafricanisme, la renaissance africaine nous amène en tant qu’intellectuels catholiques à voir quelle est la place que nous devons jouer dans notre société pour ne pas oublier notre passé quand bien même le choc des civilisations doit être progressiste. Aussi, nous devons adopter une attitude qui n’oublie pas le fondement de notre africanité parce que c’est une véritable richesse. Si aujourd’hui nous manquons de solutions pour régler un certain nombre de problèmes, c’est parce que nous nous sommes éloignés de la vérité, notre vérité à nous », s’est ainsi exprimé le maire Béouindé.

L’auditoire

La 6e édition de la journée de communion et de partage des cadres et responsables catholiques a refermé ses portes par une messe d’action de grâce présidée par le cardinal Philippe Ouédraogo.

Dofinitta Augustin Khan
Lefaso.net

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