LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Mario Zejan (FMI) : "La fraude et la corruption sont à combattre"

Publié le lundi 19 septembre 2005 à 07h16min

PARTAGER :                          

Le FMI considère que les politiques économiques mises en œuvre au Burkina Faso sont intéressantes. Mais il reste que les réformes en cours doivent être renforcées et élargies à d’autres secteurs pour permetre au pays de maintenir le cap et d’améliorer ses performances.

Tel est le sentiment du représentant-résident du Fonds monétaire international au Burkina Faso, M. Mario Zejan exprimé dans cette interview dont la première partie de l’interview a été publiée dans le Sidwaya n° 5397 du vendredi 16 septembre 2005 dans le supplément économique Wariko.

S. : Malgré les efforts consentis pour améliorer ses performances économiques, il reste que le Burkina Faso doit faire face à des situations difficiles telles que l’augmentation du prix du pétrole, la baise du prix du coton, principale culture d’exportation, l’attaque acridienne... Le FMI va-t-il accorder un traitement préférentiel au Burkina Faso ?

M.Z. : Le FMI apprécie certainement les mesures qui ont été prises par les autorités. Le conseil d’administration considère que les politiques économiques mises en œuvre jusqu’ici au Burkina Faso sont intéressantes. C’est ainsi que, comme je disais tantôt, malgré le choc économique externe, le pays connaîtra un taux de croissance de l’ordre de 3,5% environ. C’est là une belle performance réalisée dans un contexte difficile, voire défavorable...

S. : Les efforts fournis par les autorités et dont vous êtes sensible ne méritent-ils pas que le FMI accorde des facilités au Burkina pour l’aider à maintenir le cap et à aller de l’avant ?

M.Z. : Oui certainement. Le Burkina Faso a bénéficié de l’Initiative PPTE. Cela constitue une réduction très considérable du paiement du service de la dette qui, en ce moment ne représente plus qu’environ 5% des dépenses totales de l’Etat. Le FMI continue d’être actif pour l’allègement de la dette du Burkina. On peut aussi mentionner d’autres formes de soutien du FMI au Burkina. Il s’agit par exemple, de la mobilisation des fonds extérieurs soit à travers l’appui des bailleurs de fonds qui accordent des aides multiples au Burkina soit à travers les prêts concessionnels accordés par la communauté internationale pour permettre au Burkina Faso de financer son Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) et renforcer ses dépenses dans les secteurs sociaux. Dans le cadre du programme du Fonds monétaire international, l’augmentation des dépenses sociales est un élément important.

S. : A Gleneagles, les pays du G8 ont décidé d’une annulation de dettes pour les pays pauvres très endettés. Mais depuis lors, même les autorités du Burkina ne connaissent pas le montant de la dette qui est concernée ni quelles sont les modalités de l’annulation. Pourriez-vous nous donner des précisions sur cette annulation de dettes ?

M.Z. : Il faut comprendre que le G8 au cours de sa rencontre à Gleneagles a pris un certain nombre de mesures parmi lesquelles l’annulation de dettes de 18 pays PPTE arrivés au point d’achèvement de dettes avec le FMI, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD). C’est une proposition des pays du G8 que chacune des institutions tantôt citées, devra considérer et analyser.

En ce moment, le FMI, pour ce qui le concerne, est en train d’analyser cette initiative du G8 et les contours que cela devra prendre. Il y a un travail technique qui se fait, il y a des dispositions à prendre. On pense que d’ici à la tenue des réunions annuelles, on aura des éléments plus concrets sur l’annulation de dettes. Il faut laisser à chacune des institutions le soin de faire le point à travers un travail technique avant de donner des détails. Le directeur général du FMI a, pour sa part, salué l’initiative du G8. Au niveau de notre institution, nous disons qu’il est important d’analyser cette mesure en tenant compte de certains principes comme le principe d’uniformité de traitement pour tous les pays membres et sauvegarder aussi les ressources que le Fonds monétaire a de disponible pour appuyer les pays qui ont des problèmes de balance de paiement. Ce sont des principes généraux qui ont toujours existé au FMI.

Il faut donner du temps à chaque institution avant de pouvoir savoir quelles sont les caractéristiques spécifiques de l’annulation de dettes ainsi que les montants concernés.

S. : Cela signifie-t-il qu’il n’y a pas eu de concertation préalable entre la Banque mondiale, le FMI, la BAD et le G8 avant la prise de la décision ?

M.Z. : Ce qui s’est passé jusqu’ici, c’est qu’il y a une concertation au niveau du G8 qui les a permis de proposer une initiative aux autres institutions. Maintenant, il appartient à chacune de ces institutions d’engager des concertations en son sein pour voir dans quelle mesure et comment la décision du G8 peut-elle se réaliser concrètement. Il y a une volonté claire du FMI de continuer à s’engager dans toute initiative d’allègement de la dette.

S. : La flambée des prix des céréales touchent essentiellement les plus pauvres. Or, il y a au Burkina, un programme de réduction de la pauvreté soutenu par des institutions comme le FMI. Si des mesures ne sont pas prises pour vendre les céréales à des prix sociaux, la lutte contre la pauvreté ne sera-t-elle pas qu’un vain mot ?

M.Z. : Bien sûr qu’il y a des mesures qui sont prises. Il y a des prévisions dans le budget de l’Etat pour gérer ces genres d’urgence. C’est ainsi que pour la crise alimentaire, des céréales ont été soit distribuées gracieusement, soit vendues à bas prix aux populations. Du côté du FMI, nous avons toujours donné la priorité à la prévision d’une ligne budgétaire pour la gestion des cas urgents.

S. : Les chefs d’Etat se sont réunis à New York pour évaluer, cinq ans après les résultats des objectifs du millénaire. Vue du FMI, l’Afrique subsaharienne, en particulier le Burkina Faso, a-t-il fait des progrès ou a-t-il régressé dans le cadre des objectifs du millénaire ?

M.Z. : Dans le cadre spécifique du Burkina Faso, il est clair qu’on a fait des progrès. En témoigne le taux de croissance soutenu de 6% en moyenne. C’est un progrès certes mais il reste que ce n’est pas suffisant pour soutenir l’atteinte des objectifs du millénaire. Le FMI considère qu’il faut augmenter les flux de financement pour permettre l’atteinte des objectifs du millénaire.

Pour cela, notre travail comme je l’ai déjà dit, c’est de voir comment œuvrer à augmenter la capacité d’absorption des ressources additionnelles. Il y a eu une vague de réformes institutionnelles au Burkina Faso ainsi que des réformes structurelles dans les domaines par exemple, de l’énergie, des télécommunications, pour accroître la participation du secteur privé au processus de création de richesses. Cet approfondissement des réformes est nécessaire pour booster l’économie burkinabè une économie toujours vulnérable aux chocs externes comme par exemple, une mauvaise pluviométrie.

Alors pour réduire la vulnérabilité de l’économie, il est nécessaire de renforcer la diversification de l’économie en appuyant les initiatives de création de capacités productives dans de nouveaux domaines. Des efforts sont déjà faits dans ce sens.

On peut citer d’autre part, la dynamisation de la filière fruits et légumes, du secteur minier, la construction de pistes rurales, de retenues d’eau,... Ce sont des mesures très salutaires. Il faut poursuivre dans ce sens afin d’accroître les capacités économiques du pays, toute chose qui permettra de réduire sa vulnérabilité aux chocs externes.

S. : Le Burkina Faso va bientôt connaître une élection présidentielle. Y a-t-il des risques que cette élection vienne perturber la stabilité économique du pays ?

M.Z. : Je ne le crois pas. Pour l’organisation de cette élection, des prévisions ont été faites dans le budget de l’Etat. Avec les autorités, nous avons fait le point des capacités du pays à pouvoir organiser cette élection. Il n’y a donc pas de risques pour les finances de l’Etat.

S. : A propos d’augmentations de salaires, n’était-il pas possible au gouvernement de faire mieux ?

M.Z. : Ce qui est possible, c’est ce que les financements permettent. Une augmentation de salaires est une dépense qui, à la différence d’autres types de dépenses, n’est pas seulement pour l’année en cours. Mais pour toutes les prochaines années. Il faut donc pour cela, être sûr qu’on aura des financements futurs pour soutenir ce niveau de dépenses. Il est clair que face à une telle situation, il faut être prudent. Il faut bien analyser les prévisions de financements disponibles avant de se laisser aller.

S. : Estimez-vous qu’il y a trop de fraude et de corruption au Burkina ?

M.Z. : J’estime comme les autorités l’ont reconnu que la fraude et la corruption sont des phénomènes à combattre. J’estime aussi qu’il y a eu de bonnes réformes institutionnelles contre la fraude et la corruption comme celles qui visent à accroître la transparence dans la gestion des finances publiques, l’audit des finances publiques fait par la Cour des comptes, la prise de décisions administratives contre certains cas de fraude et de corruption. Nous pensons qu’il faut encourager les autorités à poursuivre dans ce sens.

Interview réalisée par :
Tiergou Pierre DABIRE
Rabankhi Abou Bâkr ZIDA

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina : Une économie en hausse en février 2024 (Rapport)