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Soutenance de thèse : la directrice de la police judiciaire, Nènè Amy Traoré, décroche le titre de docteur en Histoire

Publié le dimanche 29 juillet 2018 à 23h00min

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Soutenance de thèse : la directrice de la police judiciaire, Nènè Amy Traoré, décroche le titre de docteur en Histoire

L’Université Ouaga I Pr-Joseph-Ki-Zerbo a désormais un nouveau docteur en Histoire en la personne de Nènè Amy Traoré, le commissaire principal de police, directrice de la police judiciaire. Elle a défendu le fruit de son travail sur le thème « L’Etat face à la prostitution au Burkina Faso (Haute-Volta) de la période coloniale à la IVe République (1896-2016) », devant un jury présidé par Kodjona Kadango, professeur titulaire à l’Université de Lomé (Togo). Le travail du nouveau docteur a été sanctionné par la mention « Très honorable ». C’était le 28 juillet 2018, à Ouagadougou.

Plus de quatre ans. C’est le temps que la directrice de la police judiciaire, Nènè Amy Traoré, a mis pour rédiger sa thèse de doctorat unique en Histoire, intitulée « L’Etat face à la prostitution au Burkina Faso (Haute-Volta) de la période coloniale à la IVe République (1896-2016) ». La présente thèse est une suite permettant d’approfondir la réflexion sur ce qu’elle a produit en 2007 à l’École nationale de la police et en 2009 à l’université Ouaga1 pour l’obtention du DEA. La thèse comporte 450 pages.

Les travaux de l’impétrante se sont déroulés sous la direction de Maurice Bazemo, professeur titulaire à l’Université Ouaga I Pr-Joseph-Ki-Zerbo. En choisissant ce thème, Mme Traoré a voulu réanimer le débat sur la gestion politique de la prostitution et l’introduire différemment dans le champ de la recherche. Ce qui permettra de rompre le silence avec cette pratique dont des terminologies n’ont jamais manqué pour y faire référence : « plus vieux métier du monde », « métier » ou « travail », « mal nécessaire », etc.

Des résultats de ses travaux, il est ressorti que la prostitution a toujours été une préoccupation pour les pouvoirs publics au Burkina Faso depuis la période coloniale. « Il y a certains pouvoirs publics qui ont essayé de règlementer la pratique, d’autres ont essayé de la tolérer. Cependant, toujours est-il que le phénomène est bien présent dans la société », a constaté Mme Traoré. Cette situation, qui laisse croire que rien n’a été fait jusque-là pour juguler le fléau, selon l’’auteur, « cache des acquis certains. Seulement, ces acquis sont peu perceptibles à côté des nombreuses difficultés rencontrées dans l’application des mesures politiques au cours de l’histoire ».

Pour parer à cette situation, faut-il primer l’option politico-juridique au Burkina Faso ou pas ? « Quand on parle de fiscalisation de la pratique, nous ne sommes pas dans cette option parce que ceux qui légalisent aussi ont reconnu la prostitution en tant que travail. (…) Il y a des options et chaque pays est souverain en matière de vision sur la question de la prostitution. Au Burkina Faso, on se dit que la prostitution n’est pas un délit. Si on arrive à jouer sur les facteurs qui encouragent son expansion notamment le racolage et le proxénétisme, on peut mettre fin à la prostitution », a-t-elle avancé.

Cette étude de Mme Traoré a permis d’ouvrir d’autres pistes de réflexion. S’il existe un lien entre la prostitution et la gestion des besoins sexuels des militaires en caserne ou sur le terrain des opérations, comment la sexualité des troupes était-elle gérée pendant la période précoloniale ? Existait-t-il d’autres formes de relation pour résoudre les problèmes sexuels ponctuels des soldats en campagne ou dans les garnisons militaires ? A-t-elle demandé.

Il convient, cependant, de souligner qu’une telle étude ne s’est pas faite sans obstacles. « La contrainte majeure a été avec les prostituées. Elles évoluent dans un environnement fait de méfiance et souvent elles considèrent que ceux qui s’intéressent à elles sont de la police à la recherche d’informations pour mieux les réprimer. Celles qui sont en rupture avec leurs familles sont encore plus méfiantes.

Elles pensent que ce sont leurs familles dont elles ne veulent plus entendre parler qui ont envoyé quelqu’un pour les ramener à la maison. Il a fallu donc adopter un profil et un comportement qui permet une communication facile avec les prostituées (…) », témoigne la candidate. Se familiariser avec un milieu caractérisé par un manque de pudeur est aussi un pan des obstacles rencontrés dans le cadre de ses recherches.

A la fin de la soutenance, le directeur de thèse, Maurice Bazemo, professeur titulaire à l’Université Ouaga I Pr-Joseph-Ki-Zerbo, a salué la pertinence du thème traité par son étudiante. En tant qu’historien, c’est avec beaucoup d’enthousiasme qu’il a accueilli les résultats de l’étude, car, dit-il, il vient combler un vide. « Le document est intéressant aussi au niveau des pouvoirs publics, car ils pourront regarder dans le rétroviseur pour voir ce qui a été fait depuis la période coloniale jusqu’à la IVe République et tirer des leçons des causes des échecs pour voir comment la bataille peut être réorientée afin d’espérer des résultats meilleurs à ce que nous avons eu jusqu’à présent », selon lui.

Les membres du jury, quant à eux, sont tous unanimes : la thèse est de belle facture. « Elle respecte les normes d’élaboration d’un travail scientifique en histoire », a justifié le président du jury, Kadango Kodjona, professeur titulaire de l’Université de Lomé. Toute œuvre humaine n’étant pas parfaite, le jury a aussi relevé des imperfections tant sur la forme que sur le fond du document.

Des observations que l’impétrante a d’ailleurs promis d’intégrer dans la version finale. Pour l’instant, elle a été consacrée docteur en Histoire. Le jury lui a aussi attribué la mention « Très honorable », en présence de son époux, sa famille, ses amis et collègues venus lui témoigner leur soutien et saluer ses mérites au terme d’un long parcours.

Aïssata laure G. Sidibé
Lefaso.net

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