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Présidentielle 2005 : L’alternance pour quoi faire ?

Publié le jeudi 9 juin 2005 à 08h08min

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Alternance, le mot phare du lexique politique du moment au Faso. Telle que vue à travers le prisme de certains hommes politiques, l’alternance paraît le remède miracle qui propulserait notre pays au premier rang de ceux développés et ils en font pratiquement un programme politique.

On est alors en droit de se demander si le Burkina Faso, dans le contexte actuel, marqué par sa stabilité, sa démocratie citée en exemple et son aura internationale grandissante, a vraiment besoin d’une alternance. En d’autres termes, les conditions de l’alternance sont-elles réunies ?
Le peuple burkinabè veut-il vraiment d’une alternance en ce moment ? Des questions qui ont toutes leur importance.

L’alternance en politique se définit par le dictionnaire « le Petit Larousse » comme une succession au pouvoir, dans un cadre démocratique, de deux tendances différentes. Autrement dit c’est une possibilité que la démocratie donne au peuple de renouveler, de changer ses dirigeants pour la bonne marche de la cité. Une illustration donc de la conception « Rousseauïste » du gouvernement du peuple par le peuple.

Dans le principe, aucun démocrate ne saurait être contre l’alternance. Mais il faut reconnaître qu’elle n’est pas une fin en soi, voilà pourquoi l’alternance aux forceps peut être un danger pour la démocratie elle-même et évidemment pour le peuple. « Forcé » à l’alternance par des politiciens qui ne pensent qu’à la conquête du pouvoir pour expérimenter leurs « recettes », le peuple, artisan de cette même alternance peut désenchanter à l’épreuve des nouvelles réalités et méthodes de gestion que lui imposeront les nouveaux « princes » qu’il aura portés au pouvoir. Ainsi dit, l’alternance ne doit pas être perçue comme une formule mathématique dont l’application permet de résoudre une équation.

Dans certains pays, la preuve a d’ailleurs été donnée qu’elle est loin d’être une panacée. Ceux-là mêmes qui se sont mobilisés pour le changement le regrettent amèrement aujourd’hui, et clament souvent très haut leur désappointement.
Principe démocratique, l’alternance répond à des normes et conditions.

Les conditions de l’alternance

Il faut d’abord dire que pour l’alternance, le peuple est et sera au début et à la fin du processus. Et le peuple, c’est loin d’être ces hommes politiques qui ignorent tout de ses réalités, mais se présentent paradoxalement comme ses défenseurs. Ceux de l’opposition, qui aspirent à remplacer les autres, se donnent toujours de beau rôle, déterminés qu’ils sont à débarrasser le peuple d’un « gouvernement incapable ».

Mais le combat est que, le plus souvent, les pourfendeurs des tenants du pouvoir se livrent à des actes qui finissent par convaincre ce peuple qu’ils ne peuvent faire mieux. Cette « dichotomie politique » aux allures du voleur qui crie au voleur embarrasse le peuple et le laisse souvent sans repère. Fort heureusement, comme il a le dernier mot, c’est lui qui décide, toujours.

Ainsi, on ne saurait lui imposer une alternance s’il ne s’y retrouve pas et que des conditions objectives ne l’y obligent. C’est pourquoi d’ailleurs est intéressante cette réflexion du député, président du RDF, interviewé dans ces mêmes colonnes qui, parlant des circonstances pouvant inciter à l’alternance, disait ceci : « Je pense que tout (NDLR : l’alternance) se jouera par rapport à un projet de société qui soit alternatif surtout crédible et réalisable et ça, il y a encore beaucoup à faire...I

l faut des circonstances favorables à l’alternance : un pouvoir en place qui est en perte de vitesse, qui n’est pas reconnu, qui a du mal à payer ses fonctionnaires...Tous les 2 ou 3 jours les gens marchent...On peut alors dire que les circonstances sont favorables...Or, objectivement, quand on regarde la situation actuelle, ce n’est pas ce qu’on voit...C’est vrai qu’au Burkina on a des problèmes mais personne ne peut dire que chaque fin du mois les fonctionnaires ne sont pas payés.

Cela veut dire qu’il faut avoir la patience d’attendre que les circonstances soient favorables à ce qu’on puisse faire une alternance qui profitera aussi bien à l’opposition qu’au Burkina entier. »Pour des propos d’une personnalité de l’opposition, y a t-il commentaire à faire ? Et nous n’oublierons pas qu’ils viennent longtemps après de semblables produits par une haute personnalité religieuse du pays au dessus de tout soupçon d’accointance politique !

En d’autres termes, la réalité politique, sociale et économique de notre pays aujourd’hui, exige que les adeptes de l’alternance prennent leur « mal » en patience. Le Burkina Faso, et le peuple avec, est convaincu que malgré les problèmes de tout genre, la Nation burkinabè reste forte et avance sûrement. C’est pourquoi, il serait illusoire de penser que le peuple se laissera piéger par des vendeurs de rêves qu’il sait chimériques alors que son présent l’enchante.

Doit-on prendre une voie sans issue ? la réponse à cette question montre à ceux qui s’échinent, occultant les intérêts du peuple pour les leurs, que leur lutte pour une alternance (non souhaitée par le peuple) a encore, pour longtemps, de beaux jours... jusqu’à ce que les conditions objectives soient réunies. Encore qu’il leur faudra se forger une carrure et un projet de société alternatif. Or, plutôt que d’œuvrer à cela, beaucoup se fourvoient dans les récriminations acrimonieuses et autres critiques stériles contre le pouvoir en place ; choses qui semblent devenues leur programme politique.

A l’orée de la présidentielle de novembre 2005, ils veulent alors se donner une âme d’homme d’Etat qu’ils n’ont pratiquement pas fait grand chose à cultiver et le peuple longtemps infantilisé et abreuvé de déclarations de tous genres est aujourd’hui appelé à leur accorder l’onction pour la magistrature suprême du pays ! Belle perspective mais il faut reconnaître que le Burkina Faso démocratique a, pour le moment, besoin d’autres choses que de l’alternance pour l’alternance. Le peuple a tellement de défis à relever que l’alternance ne saurait être pour lui, une priorité du moment, surtout que rien, absolument rien n’indique que les conditions sont réunies.

par Bilé Kiswendsida ZONGO
L’Opinion

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