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Formation et Recherche en Sécurité Alimentaire et Biotechnologieen Afrique

Publié le mardi 31 janvier 2017 à 23h17min

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Formation et Recherche en Sécurité Alimentaire et Biotechnologieen Afrique

Contexte

Depuis 2014, l’Union Africaine (UA) a reconnu les études en Science, Technologie et Innovation (STI) comme faisant office de ses stratégies prioritaires d’ici 2024 et font partie intégrante de son agenda jusqu’en 2063. L’UA reconnait les STI comme principaux moteurs pour le développement durable de l’Afrique, sa compétition et la transformation de son économie.Pendant ce temps l’Union Européenne a injecté 80 milliards d’euros (52 480 milliards de FCFA) pour son programme Horizon-2020 (2014-2020) dans le domaine exclusif des STI !!!!. Maisla plupart des pays africains manquent toujours d’engagement ferme dans le domaine des STI. Cependant, les STI jouent un rôle centraldans la création des richesses,la santé humaine, la lutte contre le terrorisme, l’assurance de la sécurité alimentaire, et l’obtention du bien-être.

Les pays d’Afrique n’ont pas très bien bénéficié de la révolution verte de Norman Borlaug (Prix Nobel de la paix en 1970), qui a eu lieu au cours des cinquante dernières années ; qui a fortement contribué à assurer la sécurité alimentaire en Asie, plus précisément en Inde. Les Etats Africains luttent toujours pour nourrir leurs populations en perpétuelle croissance. Dans de nombreux pays de l’Afrique sub-saharienne, l’importation des denrées alimentaires absorbe une proportion importante des revenus nationaux. Au Burkina Faso par exemple, les importations alimentaires coûtent environ un quart du PIB. La production alimentaire par habitant est aujourd’hui inférieure à ce qu’elle était il y a 40 ans. Ce tableau général s’aggrave avec la baisse de la productivité agricole occasionnée par les catastrophes naturelles, les pertes post-récoltes, la substitution des cultures vivrières par les cultures commerciales, les migrations rurales-urbaines et l’impact du changement climatique.

La biotechnologie peut contribuer de manière significative au développement agricole durable et au renforcement de la sécurité alimentaire par l’amélioration de la productivité des cultures locales, la réduction de l’utilisation des pesticides, la protection des cultures contre les ravageurs et les pertes post-récoltes, l’amélioration de la qualité nutritionnelle (enrichissement des denrées alimentairesen vitamines, acides aminés, minéraux, etc.),la tolérance aux stress biotiques ou abiotiques.
Selon la convention des Nations Unies sur la diversité biologique : « la Biotechnologie est l’utilisation des systèmes vivants ou organismes pour développer ou fabriquer des produits ou toute autre application technique qui utilise des systèmes biologiques, des organismes vivants pour fabriquer ou modifier des produits ou procédés pour un usage particulier ».

En français facile, la Biotechnologie est toute technique qui utilise du vivant ou une partie du vivant pour fabriquer un produit. La biotechnologie ancienne (la première génération), aborde les domaines des fermentations comme par exemple la préparation de la bière moderne ou traditionnelle « dolo », du yaourt, du pain, du « soumbala », du « zoom-koom », du « gapal »etc.. La deuxième génération implique les sélections variétales (mil, sorgho, maïs, riz, ignames, etc.), les greffages (tangelo, clémentine, mangue greffée,etc.), les ensemencements de spermes dans la production animale, etc..

La Biotechnologie classique (troisième génération) s’intéresse à la manipulation du génome par des techniques de clonage ou génie-génétique pour créer des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) comme le Coton Bt, le maïs Bt, l’insuline humaine (utilisée par les diabétiques) clonée et biosynthétisée à partir de bactéries, etc.. Les techniques récentes (quatrième génération) s’intéressent à la nanobiotechnologie (échelle atomique), la bioélectronique, les “omiques” (génomique, transcriptomique, protéomique, métabolomique, nutrogénomique, etc.), lesmutations induites par radiationdu génome (exemple raisin rouge du Brésil), l’édition du génome (exemple : système CRISPR/Cas9), la biologie synthétique ou xénobiologie (création de nouvelles macromolécules biologiques ou de nouveaux organismes !!!), etc. Sous peine de ne plus être capable de suivre « l’évolution », l’Afrique ne doit pas être en marge des avancées exponentielles dans le domaine des STI et particulièrement en technologie du vivant.

Si par principe les Etats sont libres d’adopter, de suspendre ou de ne pas adopter les Organismes Modifiés (OM) ou les Organismes Génétiquement Modifiés (OGM), il n’en demeure pas moins qu’ils sont obligés d’avoir des compétences humaines et des outils analytiques capables de les comprendre et de les contrôler.Heureusement, les pays africains y compris le Burkina Faso qui disposent aussi bien en interne qu’au sein de sa diaspora de beaucoup d’experts dans ces domaines émergents des STI doivent mettre à contribution ce potentiel pour permettre à sa jeunesse scientifique de s’approprier ces nouvelles technologies.

La croissance de l’insécurité alimentaire, la rapidité des progrès scientifiques et technologiques et la commercialisation croissante des plantes génétiquement modifiées aux USA, en Inde, en Chine et en Argentine ont entraîné un changement de paradigme sur les OM. Le débat sur les OGM en Afrique est centré sur les limites de la science, du grand public et des décideurs. Dans le monde entier plus de 50% des pays ont signé le protocole de Carthagena sur la biosécurité, parmi lesquels on trouve environ 87% des pays africainsdont le Burkina Faso (Le Kenya est le premier pays et la Côte d’Ivoire le dernier en date). Certains pays africains ont une meilleure expérience de la recherche scientifique dans le domaine de l’Agriculture moderne que d’autres. Leur base de connaissances et l’expertise accumulée leur ont permis de faire un saut dans les cultures OGM, c’est le cas de l’Afrique du Sud, du Burkina Faso, du Kenya, du Soudan, du Nigeria, etc.

Les attitudes et les intérêts des acteurs impliqués dans les débats publics sur les risques et les avantages des OM ont une influence significative sur l’opinion publique ainsi que les résultatsdes politiques d’intérêt public lié à l’utilisation des OGM dans l’agriculture des pays. Le rôle de la participation des intervenants, de l’internalisation et l’appropriation dans le processus du développement de la biotechnologie est très important pour l’adoption de la technologie.Ce débat se trouve à deux niveaux : une partie de la population perçoit la biotechnologie comme source de plusieurs solutions économiques, sociales et environnementales et aux problèmes de sécurité alimentaire auxquels l’Afrique est confrontée, et l’autre qui traite la biotechnologie avec beaucoup de rejet comme une technologie qui apportera plus de dépendance tertiaire, et qui est une science à but lucratif indépendamment du risque pour la santé humaine, l’équité sociale ou la qualité de l’environnement.

Ce scénario a été de plus en plus rejoué en Afrique que partout ailleurs dans le monde.Les controverses entourant le développement de la biotechnologie en Afrique ont un accent accru sur les cultures industrielles, surtout sur le syndrome de dépendance perçue sur quelques multinationales semencières telles que Monsanto/Bayer. Cependant l’agriculture africaine continue d’être en proie à de mauvaises récoltes des cultures, avec un faible rendement, un déficit sur le plan nutritionnel, de longues périodes de production, de faible résistance aux stress biotiques et abiotiques, de grandes pertes post-récoltes, la difficulté de conservation des fruits climactériques tels que les mangues, les tomates, les bananes, etc. Entre la maîtrise de la biotechnologie, son adaptation ou son rejet, que faut-il privilégier ?

Nécessité de création d’un nouveau programme de formation et de recherche

Les contraintes alimentaires, économiques, énergétiques et environnementales associées aujourd’hui à des enjeux sociétaux de plus en plus marqués imposent une nouvelle orientation de l’enseignement supérieur vers des formations pragmatiques afin d’assurer la sécurité alimentaire. Depuis 2006 le Burkina Faso a adopté une loi autorisant l’importation ou l’expérimentation des OGM dans le pays sous réserve de l’avis de l’Agence Nationale de Biosécurité (ANB). Il s’avère donc nécessaire d’assurer une formation spécifique dans le domaine de la maîtrise des biotechnologies pour l’assurance non seulement de la biosécurité des aliments (qualité et hygiène), notamment les productions dérivées des OGM ou OM mais aussi de la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans le sens de la productivité, la disponibilité, l’accessibilité, et la stabilité comme définie par la FAO.

En effet des enquêtes ont révélé qu’aucun programme de formation spécifique de niveau Master n’existe dans les universités et instituts de formation au Burkina Faso sur la discipline de la Sécurité Alimentaire et Biotechnologie. Les modules de formations de niveau Master qui traitent de la sécurité alimentaire dans nos universités méritent d’être amélioréspour donner plus de compétences aux étudiants en fin de cycle qui veulent s’orienter spécifiquement dans cette spécialité. Parmi les recommandations fortes issues des ateliers organisés dans le cadre des activités universitaires dans ces trois dernières années, on peut noter :

- la création d’un diplôme de Masterayant pour spécialités ou options les quatre piliers du Programme Détaillé de Développement de l’Agriculture en Afrique (PDDAA), de l’Union Africaine (Pilier1 : étendre les superficies exploitées, à travers une gestion durable des terres, et bénéficiant de systèmes fiables de maîtrise des eaux. Pilier2 : améliorer l’accès aux marchés en renforçant les infrastructures rurales et les autres interventions liées au commerce. Pilier3 : augmenter l’approvisionnement alimentaire et réduire la faim. Pilier 4 : améliorer la recherche et les systèmes agricoles) ;
- l’inclusion des modules spécifiques sur la sécurité alimentaire et biotechnologiepour les filières de formation ayant trait à la production végétale ou animale ;
- l’implication des acteurs/utilisateurs potentiels des cadres à former dans la mise en place des curricula ayant trait à la sécurité alimentaire et la biotechnologie ;
- la formation continue des acteurs/utilisateurs pour leur meilleure appropriation de la biotechnologie ;

- la création d’un Institut, une Faculté, ou une Université agronomique avec un cursus de formation diplômante en sécurité alimentaire et l’inscription de la sécurité alimentaire dans les missions de l’Institut. Il a été suggéré que cet institut soit placé sous les cotutelles des ministères en charge de l’Agriculture et de l’Enseignement Supérieur .

Dans le cadre du projet EDULINK-FSBA, intitulé « Sécurité alimentaire et Biotechnologie en Afrique », financé par l’Union Européenne,la recommandation ayant trait à l’élaboration d’un programme spécial de formation qui intègre le concept de sécurité alimentaire et la biotechnologie a été opérationnalisée.Ce programme a été élaboré grâce aux enseignants-chercheurs de l’Université Ouaga I-PJKZ, de l’Université de Groningen (Pays-Bas), de l’University of Nigeria in Nsukkaau Nigeria,de l’Université d’Eldoret au Kenya et l’Agence Africaine d’Expertise en Biosécurité du NEPAD (NEPAD-ABNE).

Contenu du programme de Sécurité Alimentaire et Biotechnologie en Afrique

L’introduction durable de la biotechnologie doit prendre en compte, en plus des questions propres à la Biologie physico-chimique, la Biochimie, la Biologie moléculaire, l’Enzymologie moléculaire et la Biotechnologie fondamentale, des sujets liés tels que les systèmes agricoles, la résistance sociale contre les biotechnologies, les perceptions des risques, le rôle des médias dans la communication scientifique, la réglementation, la propriété intellectuelle, la gouvernance, l’éthique, la participation des parties prenantes, et les mécanismes d’interaction entre les STI et la société.

L’objectif principal du programme est de travailler à l’introduction durable de la biotechnologie pour atteindre la sécurité alimentaire en Afrique en abordant avec précaution les questions de biosécurité et les préoccupations de toutes les parties prenantes : des petits exploitants et consommateurs jusqu’aux décideurs.
Les modules apporteront un point de vue complémentaire aux formations déjà existantes par une approche globale et multidisciplinaires privilégiant l’étude et la maîtrise de nombreux processus interdépendants qui tiennent compte de la chaîne de valeur.

Ce programme permettra non seulement de renforcer les programmes de Master déjà existants en Afrique mais aussi de créer éventuellement un nouveau programme de Master en Sécurité Alimentaire et Biotechnologie dans les universités ou Instituts supérieurs publics ou privés de l’Afrique qui seront intéressés par les curricula. Les modules pourront également être utilisés comme formation complémentaire ou continue pour toute personne désireuse d’avoir une meilleure compréhension de la Biotechnologie, non seulement sur le plan scientifique mais aussi sur le plan économique, règlementaire, social et éthique.

Ce programme de formation est rédigé en Anglais et en Français. Six modules spécifiques du programme subdivisés en plusieurs unités d’enseignement (crédits) seront mis à disposition gratuitement sur Internet à partir du 29 Février 2017 dans le site web de l’Université de Groningen au Pays-Bas (www.rug.nl/fwn/edulink-fsba), dans les sites webs des Universités Africaines intéressées, ainsi que d’autres accès gratuits en ligne.

Pr Mamoudou H. DICKO, PhD

URL : http://works.bepress.com/dicko

Sécurité Alimentaire et Biotechnologie en Afrique
Ce projet est financé par l’Union Européenne
et implanté par le Secrétariat de l’ACP

AVERTISSEMENT
Cette publication a été produite avec l’aide de l’Union Européenne. Les contenus de cette publication engagent la seule responsabilité de l’auteur et ne peuvent en aucun cas être pris pour refléter les opinions de l’Union Européenne.

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Vos commentaires

  • Le 1er février 2017 à 08:57, par pauvre Afrique En réponse à : Formation et Recherche en Sécurité Alimentaire et Biotechnologieen Afrique

    En français facile, vos biotechnologies ne vont pas résoudre la faim mais l’aggraver. Après la catastrophe du coton Bt au Burkina Faso, nos chercheurs continuent de foncer tête baissée dans des biotechnologies que nous n’arrivons pas à maitriser sauf à faire le bonheur des actionnaires de Syngenta/Monsanto. Commencer à vous demander pourquoi le coton OGM n’a pas fonctionné au Burkina ? Votre article est juste de la propagande pure et dure à l’opposé d’un article scientifique. Vous ne vous posez même pas la question s’il y a d’autres solutions comme l’agroécologie !

  • Le 1er février 2017 à 15:39, par Imothep En réponse à : Formation et Recherche en Sécurité Alimentaire et Biotechnologieen Afrique

    Toutes mes félicitations pour ce programme très important pour la pays et toute la sous-région

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