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CAN Juniors Benin 2005 : L’oeil d’un recruteur burkinabè

Publié le vendredi 4 février 2005 à 07h31min

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Lassina Sirima est un homme connu dans le milieu du football burkinabè sous le nom de "Vié". Jaune et vert ou du moins Asfasien, il est actuellement directeur sportif du club de D1 le Santos FC. A la 14e CAN juniors 2005 au Bénin, il a été l’émissaire d’un club européen pour superviser les différentes rencontres mais surtout prendre des notes sur des joueurs. Nous l’avons rencontré au lendemain de la finale pour en savoir davantage.

Le Pays : Quelles ont été les raisons de votre présence à Cotonou dans le cadre de cette CAN juniors ?

Lassina Sirima : Depuis 1998, je travaille pour une équipe européenne dont je préfère taire le nom, et grâce à mes relations, des Burkinabè ont été dans cette équipe. La confiance existe toujours entre ce club européen et moi, et je le remercie au passage. C’est ce club qui m’a demandé de couvrir cette CAN pour lui, à savoir observer le niveau, et surtout les joueurs qui peuvent l’intéresser. Je fais un rapport sur la compétition et le dernier mot leur reviendra.

Comment concrètement, le travail se fait à votre niveau ?

Ce n’est pas du tout facile. En 1998, pendant la CAN au Burkina, j’ai eu la chance d’avoir des échanges avec Guy Stéfan (L’actuel entraîneur des Lions du Sénégal). Après chaque match, je lui demandais de me dire comment ça se passe quand on lui demande de suivre une équipe, et il m’a donné de nombreux détails.

En 1999 et 2001, j’ai également eu la chance d’aller à Bordeaux où j’ai appris beaucoup de choses et compris des éléments sur lesquels on se base pour apprécier tel ou tel joueur. J’y ai appris beaucoup de choses auprès de techniciens que sont Elie Baup, Patrick Battiston. Ils étaient convaincus que j’avais un diplôme d’entraîneur mais je n’en ai pas, et je leur fais savoir que j’aime bien apprendre pour mieux comprendre. Ils ont constaté que je m’y connaissais un peu et cela a renforcé la confiance entre nous. On ne finit pas d’apprendre, puisque je continue dans ce sens. J’étais surtout fier quand ils m’ont appelé pour demander de les représenter à Cotonou, dans la mesure où des clubs comme Auxerre, le Paris Saint Germain et bien d’autres envoient des personnes depuis l’Europe.

Votre rapport est-il général, c’est-à-dire, porte-t-il sur la compétition, ou est-ce qu’il se fait match par match en mettant l’accent sur des joueurs ?

Le travail commence dès le coup d’envoi, et tu mets une croix sur le numéro des joueurs qui impressionnent par leur aisance technique, pour pouvoir les suivre. A Bordeaux, le système est bien défini de la petite catégorie à la grande, et c’est un 4-4-2. A cette CAN, à part l’Egypte qui jouait avec trois joueurs dans l’axe défensif, les autres équipes faisaient pratiquement du 4-4-2. Avec les deux attaquants de pointe, si tu signales un joueur, il n’aura pas en principe de difficulté pendant son essai. Ce sont des détails à souligner, et même si je signale un joueur qui évolue dans un système 3-5-2, il faut définir également le potentiel du joueur. Il faut être concentré, mais cela ne suffit pas des fois puisque je visionne la cassette du match que je viens de suivre par exemple, et je me concentre une fois de plus là-dessus.

Il faut ensuite pouvoir donner des détails sur les forces et faiblesses du joueur. Est-il fort du pied gauche ou droit, ou a-t-il par exemple de la vitesse. C’est un travail un peu délicat, et il ne faut surtout pas se tromper, parce que ce sont des billets d’avion à envoyer au joueur s’il vit en Afrique, et bien d’autres dépenses. Depuis que je travaille avec eux, quand je signale un joueur, il a le niveau, et c’est sur de petits détails qu’ils vont le laisser et cela explique que cette confiance perdure.

Comment appréciez-vous le niveau de cette 14e CAN, et quelles sont les équipes qui tactiquement étaient quand même au-dessus du lot ?

L’équipe qui m’a impressionné le plus, c’est l’Egypte, de par son organisation de jeu. Elle a perdu en finale, après avoir raté deux à trois occasions nettes de but en première mi-temps. Si les Egyptiens les avaient concrétisées, le match aurait changé de visage. Quand le Nigeria a ouvert le score en fin de première partie, ils ont pris un coup au moral. Le deuxième but est ensuite arrivé sans qu’ils ne réagissent véritablement.

Le Nigeria, c’est la puissance qui n’a jamais voulu se laisser faire. C’est la seule équipe qui n’a pas enregistré la moindre défaite. En demi-finales les Nigérians ont eu en face, une belle équipe du Maroc avec son attaquant Mouhssine Iajour qui pour moi, est le meilleur joueur du tournoi. Mouhssine a été régulier et face au Nigeria il plante trois buts mais un a été refusé sans une raison fondamentale. S’il était Nigérian ou Camerounais, je vous assure que la presse serait automatiquement sur lui. Je suis d’ailleurs étonné que le trophée du meilleur joueur revienne au Nigérian Promise Isaac. A ce niveau, je ne sais pas sur quels critères se base la CAF pour opérer son choix.

Le niveau de la compétition reflétait-il ce qu’on devait attendre de ces jeunes ?

Le niveau a chuté sans doute par rapport à l’état de la pelouse. Quand vous avez une belle pelouse, cela facilite les passes, les déplacements, ... A ce niveau, je peux dire que la pelouse a quelque peu aidé le Nigeria face au Mali. Pendant ce match, l’attaquant malien Boubacar Kébé est parti vers les buts nigérians laissant le ballon suite à l’état de la pelouse.
Par rapport à la CAN juniors en 2003 au Burkina, où aucune équipe n’a véritablement plané au-dessus du lot, le niveau était moyen ici au Bénin. A cette édition, les observateurs voyaient au Nigeria le potentiel vainqueur et il l’a été.

Peut-on savoir à votre niveau, les joueurs qui ont su se faire remarquer surtout que vous avez pris beaucoup de notes ?

En plus du Marocain Mouhssine Iajour, il y a le latéral gauche malien Adama Tamboura qui a été régulier. On l’a vu être à la base de certains buts maliens par ses centres. Sur l’un d’eux, l’avant-centre malien. Khalifa Dembélé inscrit pour moi le plus beau but du tournoi. Il y a Gariga Abou Maïga du Bénin qui techniquement fait des choses exceptionnelles. Coincé pendant le match face au Maroc, il élimine deux adversaires et offre sur un plateau d’or l’égalisation à son coéquipier Abdoulaye Ouzérou. Le Nigérian Taiwo Taye Ismaïla m’a laissé un peu sur ma faim. Je peux également citer Ahmed Farag d’Egypte qui a laissé une bonne impression. Je reviens sur l’attaquant marocain Mouhssine Iajour qui, sans conteste, est pour moi le meilleur du tournoi et en revoyant les cassettes des matchs, et sur ce qu’il a fait, deux ou trois joueurs peuvent le réussir.

Pensez-vous que le Burkina méritait d’être à ce rendez-vous à la place du Nigeria ?

Je préfère être honnête en disant que nous avons été éliminés par le Nigeria qui est le nouveau champion et nous n’avons pas à rougir. Nous serions sans doute qualifiés si nous n’avons pas eu le Nigeria comme adversaire pendant le dernier tour des éliminatoires. Mais au vu de ce que les Nigérians ont réalisé ici, je me dis que si nous étions là, on n’aurait pas fait la même chose. Si le Burkina avait été éliminé par une équipe qui cherchait à se faire valoir, les gens n’auraient pas admis cela au Burkina. Il faut signaler que les Nigérians n’accepteraient pas facilement que leur équipe soit écartée de la compétition par le Burkina. En toute objectivité, le Nigeria méritait d’être à ce rendez-vous et il l’a confirmé.

Propos recueillis à Cotonou par Antoine BATTIONO
Le Pays

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