LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Mamadou Sangaré( SP-CSBE) : " Les rapatriés de Libye n’étaient pas des délinquants"

Publié le jeudi 21 octobre 2004 à 07h47min

PARTAGER :                          

Après avoir recueilli les propos de nos compatriotes rapatriés de la Libye le 15 octobre 2004, nous donnons la parole au Secrétaire permanent du Conseil supérieur des Burkinabè à l’étranger (CSBE), Mamadou Sangaré, pour avoir une version officielle de la situation.

"Le Pays" : Aviez-vous été saisi auparavant par les autorités libyennes du rapatriement des Burkinabè qui sont rentrés à Ouaga le 15 octobre 2004 ?

Mamadou Sangaré : Oui, nous avons été saisi du projet de rapatriement des Burkinabè par notre ambassade à Tripoli. Le 20 juillet 2004, les autorités libyennes ont initié une rencontre avec l’ensemble des ambassadeurs des pays de l’Afrique subsaharienne pour échanger avec eux et leur donner l’information selon laquelle elles voudraient rapatrier toute personne en situation irrégulière. Notre ambassade nous a fait parvenir l’information. Et depuis lors nous suivions l’évolution de cette affaire.

Cela veut-il dire que c’est une mesure qui ne concerne pas seulement le Burkina ?

C’est tout a fait cela. Ça ne concerne pas seulement le Burkina Faso. Tous les ambassadeurs des pays subsahariens ont pris part à cette rencontre. Cela veut dire qu’ils sont concernés au même titre que le Burkina. Naturellement, chaque pays a cherché avec les autorités libyennes, les possibilités et les meilleures conditions de l’organisation de ce rapatriement.

Chaque pays ayant des lois et règlement, il est important que les gens qui s’y rendent veillent à être en conformité avec ces lois. Chaque pays a aussi ses ambitions économiques et sécuritaires. Et parfois, il peut arriver qu’on ait du mal à contrôler un certain nombre de situations. Je pense que ce qui est mis en exergue ici, c’est le fait que des gens soient en situation irrégulière.

Savez-vous pour quelle raison certains de nos compatriotes rapatriés ont fait la prison en Libye ?

Le mot prison est un peu fort dans leur cas. Lorsque nous avons reçu l’information disant qu’il y a des détenus qui font partie de notre contingent (161 personnes dont 2 femmes), ça nous a un peu troublé. Nous pensions à des délinquants ou à des gens qui se seraient rendus coupables de crimes, d’infractions, etc.. Mais nous nous sommes réjouis de constater à leur arrivée ici au Burkina que ce n’était pas le cas.

Toute chose qui renforce notre fierté et notre satisfaction quant au comportement de nos compatriotes à l’étranger. En fait, il s’agit simplement des gens qui ont fait l’objet de raffle lors de contrôles de routine. Cette opération était envisagée par les autorités libyennes dans la logique du rapatriement. Lorsqu’on vous interpelle et que vous êtes en situation irrégulière on vous amène dans des lieux de détention et après on vous achemine vers chez vous. Voilà un peu la nuance : ce n’était pas des prisonniers.

Au niveau national, nous avions même mis un dispositif de sécurité en place pour que ces personnes qui étaient indiquées comme des prisonnières soient traitées spécialement. Mais à leur arrivée, l’ambassade nous a rassuré que ce n’était pas des délinquants. Immédiatement, nous avons levé le dispositif. Elles ont tous été traitées alors à la même enseigne que les autres.

Que fait d’une manière générale votre institution à l’égard des Burkinabè vivant à l’étranger ?

Le Conseil supérieur des Burkinabè de l’étranger est un service du ministère des Affaires étrangères. Le Secrétariat permanent du Conseil à travers ses attributions, n’est que la cheville ouvrière du gouvernement et dans cette logique oeuvre pour le bien-être de nos compatriotes vivant à l’étranger. Je m’explique : le Burkina est un pays de migration. Les gens s’en vont, parfois de façon ordonnée ou de façon désordonnée. Ils peuvent être confrontés à des problèmes. Sachant cela, le gouvernement a mis sur pied cette structure qu’est le Conseil supérieur des Burkinabè à l’étranger pour pouvoir suivre nos compatriotes là où ils vont dans la mesure, naturellement, des moyens dont il dispose.

Mais un grand effort doit être encore fait pour rapprocher l’administration centrale de nos compatriotes qui sont à l’étranger. Et cela est matérialisé à travers les missions consulaires que nous organisons chaque année en direction de ces personnes-là, et qui constituent pratiquement l’administration centrale en miniature. Puisque ces missions sont composées des représentants de la sécurité, de la justice, du ministère des affaires étrangères, qui se déplacent à l’étranger pour délivrer le maximum de pièces et autres documents burkinabè afin de permettre à nos compatriotes de se mettre à jour vis-à-vis des lois des pays d’accueil.

Mais, il y a des situations qui nous dépassent dans la mesure ou chaque pays à sa réglementation. Lorsque par exemple l’accès à un pays requiert l’acquisition d’un visa et que vous y allez de façon clandestine, il est certain que ce cas est très difficile à gérer. Toutefois, tant que la possibilité s’offre à nous de sauver un compatriote en lui délivrant tel ou tel document, nous le faisons.

Avez-vous un appel à lancer ?

Aujourd’hui, les migrations internationales sont de plus en plus complexes. Cela préoccupe tous les pays du monde, tant le pays de départ, le pays de transit que le pays d’accueil. Si je prends le cas de l’Europe, les politiques sont beaucoup plus restrictives en matière d’immigration. Cela veut dire qu’il faut qu’on essaie d’évoluer vers une émigration beaucoup plus ordonnée. Ordonnée en ce sens que le candidat à l’émigration doit être averti de ce qu’il doit remplir comme conditions, de ce qui l’attend là-bas et du devoir qu’il a de se mettre en règle vis-à-vis des lois et règlements de son pays d’accueil. Ce n’est pas toujours évident.

Malheureusement, il y a des gens qui vont en ordre dispersé, certes à la recherche d’un mieux-être. C’est normal. Mais nous pensons que pour que le mieux-être qu’ils cherchent puisse être utile à eux et à pays, il faut organiser l’émigration. Ce n’est ni un encouragement , ni un empêchement à partir. Mais nous disons qu’il faut que ce soit fait de façon ordonnée de sorte que nos compatriotes qui émigrent ne soient pas confrontés à des problèmes là-bas et soient parfois obligés de revenir dans des conditions un peu difficiles.

Pour ce faire, la presse est d’un apport très précieux. Elle est un partenaire important qui peut contribuer à porter l’information et à mener la sensibilisation partout Burkina ; puisque c’est un phénomène qu’il faut gérer tant en amont qu’en aval. En amont, il faut que les gens sachent où ils vont et comment ils doivent y aller. En aval, une fois arrivés à l’étranger, qu’ils sachent comment se comporter et ce qu’il faut faire. Voilà tant de choses pour lesquelles nous comptons beaucoup sur les médias du Burkina pour pouvoir nous aider dans ce sens. C’est, naturellement, un travail de longue haleine mais je pense qu’au fil du temps, on pourra se réjouir un jour de voir que c’est une migration bien spécialisée qui sera beaucoup plus rentable.

Propos recueillis par Hervé YAMEOGO

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique