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Dapélogo : Une commune rurale en quête de modernité

Publié le mercredi 25 janvier 2012 à 23h38min

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Située à une trentaine de kilomètres au nord de Ouagadougou, la commune rurale de Dapélogo a le privilège d’abriter le futur plus grand aéroport du Burkina sis à Donsin. Une perspective qui amène le maire de cette commune à voir grand et même très grand puisque qu’il nourrit l’ambition de faire de sa Bourgade une cité « très » urbaine d’ici à l’horizon 2030 à condition que le dynamisme du conseil municipal actuel soit l’affaire des futurs dirigeants de la commune.

Marc Zoungrana, le maire de la commune rurale de Dapélogo,a un grand rêve pour sa localité : faire d’elle une ville fortement urbanisée dans 25 ans. Voila pourquoi, déjà à la tête d’une équipe de conseillers « impliqués » dans la gestion du développement local, "son fiéf" ressemble à un vaste chantier. Pour l’épanouissement des 37000 âmes que compte cette commune, reparties dans 25 villages, un plan de développement communal a été adopté dès 2006, année où Dapélogo est entrée de plein-pied dans la communalisation intégrale que le Burkina venait d’enclencher.

« Dans ce plan mis en place en 2006, le montant global prévu était d’environ 700 millions de FCFA. Mais quand nous avions dressé le bilan du quinquennat, nous étions à 1milliard 800 millions d’investissement », a expliqué Marc Zoungrana qui précise que l’équipe municipale a réalisé deux fois et demi ce qui était prévu dans le plan. Et grâce au prolongement du mandat des maires (qui devait prendre fin en 2011, mais prolongé en 2012), la partie du programme non exécuté devrait pouvoir se réaliser. De l’avis du maire, en fin novembre 2012, la barre des 2 milliards d’investissement devrait être atteinte.

Au terme du bilan de 5 ans, en effet, le maire affiche une satisfaction de l’action du conseil municipal et égrène un chapelet d’acquis : 12 Centres de santé et de promotion sociale (CSPS), 40 écoles, 3 Collèges d’enseignement général (CEG), 200 forages, des logements d’enseignants et d’infirmiers… « Quand nous prenions la commune en 2006, il y avait 80 salles de classe. Au bilan en fin de mandat, nous nous sommes rendu compte que nous avons construit 65 salles supplémentaires. Et selon mes calculs avec la rallonge du mandat, nous devrions atteindre 82 salles de classe en fin 2012 », précise le maire de Dapelogo.

L’éducation professionnelle, une priorité

Si l’éducation et la santé occupent une place stratégique dans le plan de développement communal, la formation professionnelle des jeunes y occupe tout aussi une place de choix. Une cinquantaine de jeunes ont été ainsi inscrits dans des centres de formation à Ouagadougou et Ziniaré dans différents domaines : électronique, mécanique-auto, couture, soudure, génie civil. Selon le maire, 22 sur la cinquantaine ont achevé leur cursus et sont titulaires du CAP ou du DUT. Cependant, ils ont été confrontés à un problème de réinsertion. Problème en voie de résolution puisque des partenaires de la commune ont accepté de financer la réinsertion de ces jeunes qui se sont achetés des kits d’installation.

Mieux, la commune a construit au profit des jeunes, un centre des métiers destiné à leur réinsertion et qui devrait être bientôt fonctionnel. « Parce qu’on s’est rendu compte que beaucoup de jeunes, après le cycle primaire, retournaient dans leur village pour différentes raisons : problèmes de tuteurs, manque de moyens, éloignement, etc. » justifie Marc Zougrana. Ce centre de métiers construit grâce au soutien de partenaires belges permettra aux jeunes de se former dans plusieurs domaines : le génie civil, l’agriculture et particulièrement le maraîchage, activité très pratiquée dans la zone. A l’endroit de cette frange de la population, la commune a aussi construit une bibliothèque et une Maison des jeunes. Les autorités communales ont entrepris d’équiper cette dernière infrastructure en ordinateurs afin que les jeunes puissent s’initier à l’informatique.

Ce cadre servira également de lieu d’apprentissage à ceux qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école à travers des cours dispensés par les jeunes, eux-mêmes (par ceux qui sont instruits). Les bénéficiaires pourront s’informer et se distraire puisqu’il est prévu l’installation d’une antenne parabolique avec un téléviseur. De façon générale, cette Maison sert de lieu de rassemblement pour les jeunes afin de leur offrir un cadre agréable de discuter de leurs problèmes et « nous accompagner dans notre action pour ce que nous faisons pour la commune » soutient le maire. Et fait marquant, tous les jeunes de la commune rurale sont regroupés au sein de l’association pour l’épanouissement des jeunes de Dapélogo, représentée dans les 25 villages. A l’instar des jeunes qui sont pris en compte dans la politique de développement de la commune, les femmes bénéficient aussi d’un soutien de taille.

En effet, il leur est annuellement octroyé 10 millions de FCFA comme montant de microcrédit pour développer leurs activités. Le maire de Dapélogo a le souci de l’autonomisation de sa commune en termes de ressources financières, mais reste conscient que le chemin est encore long pour y parvenir, au regard de la modicité des moyens. Au premier budget du conseil municipal, 6 millions de FCFA ont été enregistrés en termes de recettes. Et en 2010, elles sont passées à 20 millions de FCFA. La sensibilisation des populations pour l’acquittement des taxes y est pour quelque chose. Mais ce montant est jugé faible par rapport aux ambitions de l’autorité communale. Comment alors toutes ces actions citées plus haut ont-elles pu être réalisées avec peu de ressources générées ? A l’évidence, sans l’apport des partenaires extérieurs, bon nombre de réalisations n’auraient pas vu le jour.

45% des investissements sont financés par l’extérieur

Le maire de Dapélogo constate, impuissant, que 45% des investissements au profit de sa commune proviennent de l’apport des partenaires. Mais pour une commune qui n’a que 5 ans d’existence, et où tout est prioritaire, cela est toujours bon à prendre. Et si ces partenariats ont pu être tissés et maintenus, c’est grâce au dynamisme et certainement aussi à la « crédibilité » du conseil municipal. Ainsi, la commune, dans son réseau relationnel, entretient 4 types de partenariat. Le premier, c’est le jumelage. Dapélogo est jumelée depuis 2006 à une cité des communes de France, appelée la communauté des communes du pays laudanais. En 2007, cette relation s’est renforcée à travers la signature de deux plans triennaux, l’un pour financer la construction d’écoles, de logements d’enseignants, l’autre portant sur le développement économique.

C’est ce deuxième plan qui a permis la construction de boutiques pour les femmes et grâce toujours à ce partenariat, une unité de production de tomate devrait voir bientôt le jour. Il est annoncé la signature d’une troisième convention pour financer d’autres activités qui seront arrêtées en session de conseil municipal. L’autre type de partenariat réside dans les relations informelles, c’est-à-dire non matérialisées par des signatures de documents de jumelage. Elles sont les plus nombreuses. Le maire cite des amis Belges qui ont créé une association et appuient la commune dans l’aménagement des bas-fonds, le microcrédit, le parraînage des jeunes, le financement des activités des femmes. Il y a aussi la région du Limousin qui est en partenariat avec la province de l’Oubritenga dont Dapélogo fait partie. Elle bénéficie d’un soutien dans le domaine de l’eau, de l’assainissement, l’éducation, la formation, l’appui institutionnel.

Toujours dans ce type de partenariat, figure la commune de St Julien en France. Sa relation avec Dapélogo s’illustre par un soutien aux femmes à travers l’implantation de moulins à grains, l’achat de charrues à bœufs pour l’agriculture, la construction des salles de classe, le don de matériel médical. Dans la même dynamique, la commune de Charleval intervient dans le domaine de l’eau et de l’assainissement. Le troisième type de partenariat se mène avec le secteur privé. « C’est ce qui nous différencie des autres communes rurales », commente le maire. A commencer par la construction de la mairie de Dapélogo même. Cette infrastructure a été construite par le maire, lui-même, qui est du secteur privé. « L’état n’a pas mis 5 FCFA dedans. C’est moi-même qui l’ai construite. Je me suis personnellement investi avec l’appui du secteur privé dont je suis issu.

Il y a beaucoup d’amis qui m’ont soutenu, qui avec du fer, qui avec du ciment », a indiqué Marc Zoungrana, économiste de formation, mais installé à son propre compte à travers une société de vente de matériel pharmaceutique. Le bâtiment qui abrite une dizaine de bureaux est évalué à 72 millions de FCFA. A coté du chef-d’œuvre du maire, on peut citer le CEG de Pagatenga, situé à quelques encablures de Dapélogo, construit par un opérateur économique natif de la localité. Situé en bordure de la route, ce bâtiment R+ est un véritable joyau qui se laisse admirer. Plusieurs autres sociétés sont intervenues dans la commune pour la réalisation d’infrastructures. Les relations avec les associations et les ONG constituent le 4e type de partenariat. Grâce aux relations avec ces entités, un internat pour jeunes filles a vu le jour de même que divers soutiens dans le domaine de la santé, de l’éducation, du social, de l’hygiène et de l’assainissement.

A titre d’exemple, 500 latrines ont été construites pour les paysans, rien qu’en 2010. Pour le maire, si la commune veut toujours bénéficier de ce type de partenariats, il faudra que les prochains conseils municipaux continuent de faire preuve d’ingéniosité et de dynamisme.

Les recettes du maire

Ingéniosité et dynamisme suffisent-ils à engranger tant de résultats pour une commune rurale qui n’est qu’à son premier conseil municipal ? Aux yeux du maire, ces deux qualités ne suffisent pas. Quel est alors le secret ? Le premier élu de la commune donne sa recette : « En matière de développement local, il n’y a pas de secret. Il faut avoir une vision et savoir exactement où on veut aller. Une fois que vous avez cette vision et qu’elle a été bien comprise par la population, elle va forcement vous accompagner. » Pour celui qui préside aux destinées de la commune de Dapélogo, après la vision, il faut avoir des objectifs « très clairs, très précis » et rechercher les moyens pour atteindre ces objectifs. Ainsi, tout devient plus facile. « Mais tant que vous n’avez pas de vision et des objectifs, quels que soient les moyens que l’on mettra à votre disposition, vous allez naviguer à vue puisque vous ne savez pas où mettre ces moyens », précise M. Zoungrana. Dans le cas de Dapélogo, le conseil municipal, fort d’une quarantaine de personnes (issues du CDP et de l’ADF /RDA) et qui a travaillé à éliminer les antagonismes entre ses membres, est parti sur des bases claires.

« Nous savons exactement ce que nous voulons pour Dapélogo d’ici 10, 15, 25 ans. Et par rapport à cela, quand nous discutons avec nos partenaires, nous arrivons à convaincre tout le monde », relève le président du conseil municipal. De ses explications, il ressort qu’un accent particulier a été mis sur une politique de proximité avec la population. En effet, chaque année, l’autorité municipale se donne le temps de faire le tour des 25 villages à deux reprises. En début et en fin d’année. En début d’année, il s’agit de connaître les besoins des populations et voir s’il y a des redressements pour corriger les imperfections. En fin d’année, c’est plutôt le bilan des actions menées qui est dressé avec la population. Pour une mise en œuvre efficace de cette façon de diriger, il a été mis en place des outils de bonne gouvernance. Le premier outil, c’est le système de suivi-évaluation qui existe depuis 2007.

Il est mis en exécution par un comité d’une vingtaine de personnes composé de la société civile, des services déconcentrés, de conseillers communaux, des Comités villageois de développement (CVD). Ce comité dont le maire ne fait pas partie, a été formé par un cabinet avec le soutien de la coopération Suisse. Il a pour mission de sillonner les villages pour discuter avec les habitants qui évaluent l’action du conseil municipal sur le terrain en fonction des critères arrêtés, par eux - mêmes. Ensuite, le comité fournit un rapport au conseil municipal pour exploitation. « Si dans tel ou tel domaine nous sommes en train de dévier, ce rapport nous permet de corriger. Mais s’ils trouvent que nous effectuons un bon travail, nous sommes alors encourager à continuer », fait remarquer le maire. L’autre outil de bonne gouvernance, c’est le budget participatif. A l’instar du premier, un comité se charge aussi de recenser les besoins de la population, en prenant le soin de leur expliquer ce qu’est un budget.

Puisqu’un plan d’investissement villageois doit être adopté et défendu auprès du bureau du conseil municipal par deux délégués de chaque village. Après quoi, la structure dirigeante définit les priorités pour chaque localité. Pour les responsables de la commune, le budget participatif permet à la population de s’impliquer dans l’élaboration du budget, ce qui n’existe pas partout.

Les difficultés ne manquent pas

Cependant, tout ne baigne pas dans l’huile. Les difficultés existent et sont de plusieurs ordres. Selon le maire, la première difficulté est l’insuffisance des recettes. Car les recettes propres de la commune sont très faibles malgré les 20 millions de FCFA enregistrés. Voilà pourquoi la réflexion est engagée pour changer la donne en allant à une autre étape : construction de boutiques, de marchés, financement de la production, etc. L’une des plus grandes difficultés a laquelle la commune est confrontée, réside dans le retard qu’elle accuse dans le transfert des ressources et des compétences. Le premier responsable de la commune cite en exemple, les 11 domaines de compétence qui devrait être transférés. Au finish, quatre l’ont été et sur ces quatre, un seul fonctionne et il s’agit de l’éducation de base. « Là, nous arrivons à avoir les ressources à temps. Mais pour la santé, le sport, la culture, il n y a pratiquement pas de transfert de ressources… », témoigne le maire. Dans la même dynamique, il y a ce que le bourgmestre qualifie de lourdeurs administratives dans le déblocage des fonds : « quelqu’un qui vient par exemple livrer des encres à la mairie à 6O 000 ou 80 000FCFA peut passer 6 mois avant de se faire payer.

A la fin, on ne vous fait plus confiance », révèle t-il, amerèment. Et de confier que depuis le début de l’année, il n’a pas encore sa dotation de carburant. Et pourtant, les maires sont appelés à effectuer de nombreux déplacements. Pour Marc Zoungrana, cet état de fait peut être un facteur de démobilisation chez certains maires qui ne disposent pas d’assez de moyens. Cela d’autant vrai que ceux-ci sont bénévoles. Somme toute, le maire de Dapélogo pense que les difficultés peuvent être surmontées si la volonté y est de faire du développement local un crédo. Il préfère se tourner vers l’avenir de sa commune qu’il voit en grand. La raison ? Le futur plus grand aéroport du Burkina Faso sera érigé à Donsin, village qui ressort de sa zone de compétence. Déjà, le plan de développement communal a pris en compte cet aéroport qui donne des espérances en termes d’apport économique.

L’organisation des jeunes, de même que l’appui apporté aux femmes évoquées plus haut, se sont faits en tenant compte de Donsin, selon le maire. Parce que l’objectif est d’augmenter la production. « Nous sommes convaincus que la zone aéroportuaire et la ville de Ouagadougou qui est à 30 km vont s’approvisionner forcement à Dapélogo », se réjouit déjà le maire. Il s’agit, en effet, d’alimenter la capitale en viande, légumes et autres produits de la volaille. Le second objectif est de faire en sorte que la localité de Dapélogo soit une ville d’accueil (par le fait de l’aéroport) où l’on doit pouvoir se loger et se nourrir convenablement. Et cela d’autant plus que la plate-forme aéroportuaire prévoit des hôtels, des magasins en bordure de l’aéroport. De quoi générer des recettes pour la commune. A proximité une des voies menant à l’aéroport (entre les villages de Pagatenga et Nionogo) il est prévu une cité à usage d’habitation mise en oeuvre par le ministère en charge de l’Habitat en collaboration avec la mairie. Autant d’éléments qui amènent le maire à voir en Dapélogo, une ville futuriste dans 25 ans.

Gabriel SAMA

Sidwaya

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