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Le scoop foireux de RFI !

Publié le lundi 3 novembre 2008 à 09h40min

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On peut le dire, Prince JOHNSON ne s’est pas trompé sur les faits et les dates. Or ceux-ci sont faux. C’est donc en toute conscience qu’il a choisi de mentir. Pour qui ? Une question qui mérite des investigations.

Tous comptes faits cette affaire, dans l’affaire, participe à une campagne de presse, et s’en faire un vecteur est très peu honorable. Surtout quand on se fait reprendre par ses propres pairs. A force de rechercher le sensationnel on devient l’instrument de ceux qui savent en créer. Pour les besoins de leurs causes. Mais de grâce, arrêtez de « cracher sur le cadavre de Thomas SANKARA » !

« C’est une exclusivité RFI ! Pour la première fois depuis… » Et blabla… blabla Puis la « radio mondiale » de nous sortir de son chapeau « les révélations » de son prestigieux informateur, qui n’est autre que le tristement célèbre Prince Johnson du Libéria, sur les évènements du 15 octobre 1987 particulièrement sur le décès du Président Thomas SANKARA. En bref, on peut retenir de ces prétendues révélations, que des rebelles libériens étaient en formation en 1987 au Burkina Faso ; que le président SANKARA y était opposé ; que pour y rester ils avaient dû … « répondre positivement à la requête de Blaise, c’est-à-dire se débarrasser de Thomas SANKARA… » ; que la tâche fut des plus aisées parce que « franchement, SANKARA n’était qu’un chef cérémonial, c’est Blaise COMPAORE qui contrôlait tout… » ; que feu-le président Houphouet BOIGNY de Côte d’Ivoire était impliqué dans le complot qui devait leur permettre de poursuivre leur formation au Burkina Faso ; etc. Rien, moins que ces faits dont il faut néanmoins relever que l’essentiel est déjà contenu dans la déclaration du 28 août dernier de l’individu, devant la Commission vérité et réconciliation de son pays.

Stupeur générale au Libéria et bien naturellement au Burkina Faso où, même si l’information n’a pas fait de vagues, elle n’a pas moins suscité des interrogations. Beaucoup plus sur ses motivations et celles de RFI que sur sa véracité, tant elle est des plus invraisemblables pour le commun des Burkinabè et relève de piètres affabulations aux desseins inavoués pour les analystes. C’est vrai que dans l’affaire Thomas SANKARA, « …chacun essaie de cracher sur le cadavre de Thomas SANKARA… » comme a fini par s’en convaincre un de ceux qui en ont fait un fonds de commerce, en l’occurrence un des avocats de la famille, Me NKOUNKOU, mais force est de reconnaître que cette fois-ci, RFI est allée tout de même trop loin dans la légèreté. En effet, se faire l’écho d’accusations aussi graves, sur un sujet aussi sensible, requiert à notre sens un minimum de précautions, d’abord professionnelles : par la vérification de l’information ou tout au moins le recoupement des sources. Cela d’autant plus que RFI avait, à l’époque, un correspondant dans la région qui a suivi les faits. Le réflexe professionnel de base n’aurait-il pas été de requérir son avis avant de balancer ce « scoop » dont elle se garde de nous dire le mode d’acquisition ? N’est-il pas curieux que cela survienne exactement deux mois, jour pour jour, après la première sortie de Prince Johnson ? Comme si celle-ci n’avait pas eu les effets escomptés et qu’on avait décidé d’en remettre une couche ! Ensuite, comme tous les médias, RFI a tout de même des responsabilités sociales et devrait en conséquence entourer les sujets aussi sensibles que ceux relatifs à des morts d’hommes d’un minimum de sérieux, même s’il s’agit d’hommes publics. C’est à croire qu’elle balancerait sur ses on des n’importe quoi sur l’affaire Thomas SANKARA.

Justement, c’est le cas avec les propos de Prince JOHNSON, dont de nombreux aspects sont si invraisemblables qu’on se demande comment on peut leur accorder le moindre crédit, au point d’en faire l’exclusivité d’un organe de presse respectable.

C’est le cas notamment de la prétendue formation de Charles TAYLOR et de ses hommes, dont Prince JOHNSON, au Burkina Faso en 1987. Non seulement, aucun indice ou fait n’a jamais été rapporté pour en attester mais c’était fort peu probable pour ne pas dire plus. Ce n’est qu’en 1989 qu’on a des traces de ce beau monde au Burkina Faso qui servira beaucoup plus de relais et point de passage que de centre de formation. Le pays n’avait-il pas la réputation d’être le point de chute de tous les opposants du continent en délicatesse avec leurs pouvoirs ? Toujours est-il qu’en toute logique, pour ce qui serait de cette formation de ce beau monde, la Côte d’Ivoire, pays frontalier et présenté comme le parrain, était mieux placée pour jouer ce rôle. Par ailleurs, comment peut-on expliquer que des hommes du NPFL soient formés au Burkina Faso de 1985 à 1987 sans l’accord du Président du Faso de l’époque ? C’est vraiment déconsidérer de manière inacceptable Thomas SANKARA que de vouloir faire croire qu’il pouvait ne pas être informé de cette éventuelle présence et surtout que cela ait pu se faire sans son accord.

Selon l’exclusivité RFI, Blaise COMPAORE « contrôlait tout, les casernes et la garde présidentielle... » ; avait-il donc besoin de recourir à des forces extérieures pour perpétrer un coup d’Etat si tel était son intention ? De surcroît, il aurait fallu une sacrée dose de confiance pour qu’il s’en ouvre à des étrangers, qui recevaient leurs ordres d’ailleurs. Quand en plus ces étrangers ne sont qu’en instance de formation, donc de vulgaires novices ou tout au plus des hommes très peu formés, on se dit qu’une telle information est très peu crédible. Cela semble un peu trop gros et à moins de vouloir nous prendre pour ce que nous ne sommes pas, on devrait pouvoir nous permettre de nous interroger sur les motivations qui peuvent sous-tendre un tel discours. Par ailleurs, ne devrait-on pas s’interroger sur le fait qu’à aucun moment avant les « révélations » de Prince JOHNSON de cette année, jamais au cours des 21 années passées personne n’ait impliqué des Libériens dans les évènements du 15 Octobre 1987 ? Et puis, depuis ce temps, qu’est-ce que cet individu, que l’on sait de peu de foi, attendait pour « soulager sa conscience » ?

Au total, beaucoup trop d’interrogations qui auraient dû pousser RFI à prendre l’information avec des pincettes pour ne pas prêter le flanc et servir éventuellement une campagne de propagande et de dénigrement planifiée par des milieux aux desseins inavoués. En effet, il coule de source qu’on cherche à nuire à Blaise COMPAORE et au pouvoir au Burkina Faso. Prince JOHNSON n’est qu’un instrument dans cette campagne.

Qui cherche noises à Blaise COMPAORE dans le contexte actuel ? Chacun a certainement son avis et ses supputations. Qui a pu recruter Prince JOHNSON pour servir une telle cause ? Qui a pu intéresser RFI à un tel sujet au mépris des règles élémentaires du métier, ce que n’a pas du reste manqué de souligner son ancien correspondant dans la région, Stephen SMITH pour ne pas le nommer, qu’on ne peut pas soupçonner d’accointance avec Blaise COMPAORE ? Par ailleurs, et soit dit en passant, le même Stephen SMITH devrait faire violence sur ses propres ressentiments et laisser place à la raison dans l’analyse des faits de l’époque, notamment ce curieux coup de fil que Thomas SANKARA lui aurait passé 2 ou 3 jours avant le 15 Octobre 1987. Il le dit bien lui-même, il n’était pas un de ses amis. Ne trouve-t-il pas cependant curieux que le président d’un pays qui sent sa vie menacée appelle un journaliste pour lui demander de venir voir l’état du climat de tension qui régnerait dans son pays ? Pour quelle utilité ?

Ce serait certainement insulter son intelligence que de lui suggérer que cet appel ne visait pas à l’informer d’une quelconque tension mais plutôt à le prendre à témoin pour d’éventuels actes qu’il viendrait lui-même, président du CNR, à prendre pour sauver sa vie et la Révolution ! En toute bonne logique, si tel n’était pas le cas, ce n’est pas à un journaliste que le président se serait adressé mais à des amis, notamment des chefs d’Etat susceptibles de trouver des solutions à ses problèmes.

On peut le dire, Prince JOHNSON ne s’est pas trompé sur les faits et les dates. Or ceux-ci sont faux. C’est donc en toute conscience qu’il a choisi de mentir. Pour qui ? Une question qui mérite des investigations.

Tous comptes faits cette affaire, dans l’affaire, participe à une campagne de presse, et s’en faire un vecteur est très peu honorable. Surtout quand on se fait reprendre par ses propres pairs. A force de rechercher le sensationnel on devient l’instrument de ceux qui savent en créer. Pour les besoins de leurs causes. Mais de grâce, arrêtez de « cracher sur le cadavre de Thomas SANKARA » !

Par Cheick Ahmed (ilingani2000@yahoo.fr)

L’Opinion

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