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Protection de l’Environnement : Un P’tit numéro et des courbatures garanties

Publié le mercredi 9 juillet 2008 à 10h31min

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Le 3 juillet dernier, a été célébrée la "Journée sans émission de carbone". A cette occasion, certains ministres se sont rendus à la présidence du Faso, sise à Koulouba, à pied. D’autres ont parcouru la distance à vélo et un troisième groupe a pratiqué le covoiturage. Initiative louable sans doute ; objectif noble certainement. Cependant, cette initiative et cet objectif reposent fondamentalement la question du rapport des Burkinabè (pour ne parler que d’eux) au sport même si, dans le cas présent, l’aspect environnement a pris le dessus.

La seule fausse note aura été le déficit ou l’insuffisance en matière de communication autour de cette journée, comme le relevait si opportunément L’Observateur paalga dans sa livraison n° 7170 du lundi 7 juillet 2008 en ces termes : "Pour une première initiative, on ne devait pas s’attendre à ce que tout aille comme sur des roulettes !

Cependant, le gouvernement, notamment le ministère de l’Environnement et du Cadre de vie, devra, à l’avenir, revoir le côté communicationnel de cette célébration. En effet, il y en avait, même au sein de l’équipe dirigeante (en l’occurrence Djribrill Bassolé), qui disaient n’être pas au courant de la mesure".

Mais ce n’est qu’une seule et unique fausse note. Le reste, à savoir le symbole et l’engagement des gouvernants, aura été fortement appréciable. Certes, certains citoyens, soit par principe, soit du fait des conditions qu’ils vivent, soit par ignorance, estiment que c’est de la diversion ou des mises en scène, qui ne changent rien au cours de la vie des Burkinabè.

Mais c’est une position compréhensible, car le propre d’une société humaine, c’est d’avoir en son sein des avis différents, voire contradictoires. De plus, ce n’est pas tant la pratique en elle-même qui est désapprouvée que la manière et/ou ses acteurs.

C’est, qu’en plus de la communication, il importe que les ministères chargés de l’Environnement et des Sports pensent à trouver la forme qui sied pour convaincre et motiver la majorité des citadins à pratiquer le sport, qui est, de fait, un corollaire d’une vie sans CO2, produit par les moyens de transport utilisant les moteurs à explosion.

Un pays rattrapé par son histoire

Nombre de problèmes aigus vécus par les Burkinabè avaient déjà été entrevus par la Révolution d’Août. Elle en avait aussi esquissé des solutions. Sont de ces problèmes la dépendance du pays vis-à-vis de l’étranger, l’égalité des sexes (l’ancêtre de la problématique du genre), le bien-être physique (une des conditions de la santé générale du corps), la confiance en soi (comme préalable à la réalisation des grands idéaux).

En termes de solution, il était prôné et pratiqué le "produisons et consommons burkinabè", des mesures en faveur de la femme (salaire vital, maris au marché...) avaient été prises, le sport dit de masse avait été institué et la dignité, l’intégrité et la détermination étaient les vertus qu’il fallait épouser ou auxquelles il fallait s’identifier.

Certes, il y avait souvent du folklore dans la prise et la mise en exécution desdites mesures ; certes, nombre de ces mesures brillaient par leur populisme et leur inadéquation flagrante avec le niveau d’instruction et les mentalités du moment ; certes enfin, la coercition prenait, bien des fois, le pas sur le travail d’explication visant à provoquer l’adhésion des populations aux idéaux proclamés ; laquelle coercition débouchait parfois d’ailleurs sur la répression aveugle, dont étaient victimes les "ennemis de la Révolution démocratique et populaire", les révolutionnaires ayant un regard critique sur la RDP, les simples citoyens que la politique intéressait peu ou pas du tout.

Révolution et Etat de droit sont-ils conciliables ?

N’empêche, cet épisode agité et source de polémiques de l’histoire du Burkina a réussi à injecter dans la conscience de beaucoup de Burkinabè la nécessité d’avoir une vie vertueuse, même si, dans la pratique, les choses n’étaient pas toujours simples. N’empêche, de nos jours, force est de reconnaître que les deux seuls torts de la RDP sont que, d’une part, elle semble être venue trop tôt dans un pays habité par des saints Thomas, qui avaient besoin de voir pour croire ; d’autre part, le peu d’égard accordé aux droits humains a été son péché originel.

Bien entendu, de tels torts peuvent s’expliquer. Pour autant, ces explications ne peuvent tenir lieu de justification. Reste alors aux chercheurs et aux politiques à aider à répondre à la question suivante : s’il est vrai que la Révolution démocratique et populaire, que les Burkinabè ont expérimentée, aurait été difficilement possible sans ses relents quelque peu totalitaires, comment, à la fin des années 80 et au début des années 90, les Burkinabè auraient pu allier vertus de la RDP et valeurs de l’Etat de droit démocratique et libéral ?

En effet, au lieu de nous contenter de regretter un système que nous avons unanimement, à travers la constitution du 02 juin 1991, relégué dans les oubliettes de l’histoire, il s’agit de savoir comment, face au renchérissement accéléré du coût de la vie, à la dépravation des mœurs, au manque de civisme, notre histoire, depuis la colonisation jusqu’à cette révolution, peut aider à y trouver des débuts de solution (au moins).

Quelques conditions pour réussir la journée sans émission de CO2

Sur cette lancée, le spectacle et sa mise en scène, séduisants, que les gouvernants nous ont donné à voir le 3 juillet 2008 n’auront de sens que si :

en plus de la séance de sport hebdomadaire du gouvernement, les présidents d’institution, les secrétaires généraux, les directeurs généraux et les directeurs (et d’une manière générale ceux qui ont été nommés par décret) s’y mettent fût-ce sous la contrainte ou en tant qu’un des éléments de leur lettre de mission ;

des mesures incitatives sont prises pour que les salariés dans leur ensemble s’y adonnent ;

une politique de protection de l’environnement plus vigoureuse est conçue et mise en œuvre qui intègre la "Journée sans émission de carbone" comme le maillon d’une chaîne mais pas comme un fait isolé, insolite et ludique.

A défaut de tout cela, la "Journée sans émission de carbone" fera sans doute plus de mal que de bien. Effectivement, ceux qui s’aventureraient à marcher ou à rouler à vélo toute la journée souffriraient de courbatures les deux ou trois jours suivants. Pire, cet effort subi pourrait déclencher des maladies cardio-vasculaires. Or, l’idée de base, c’est plutôt l’épanouissement et le bien-être, non le trépas.

Z.K.

L’Observateur

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