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35e anniversaire de l’Observateur : Parfois incompris, souvent exploité, mais toujours lu

Publié le mercredi 21 mai 2008 à 10h36min

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Une fois n’est pas coutume, mais toute coutume commence par "Il était une fois". En attendant donc que l’acte acquière le statut de coutume, il sied de rappeler que le thème de la chronique d’aujourd’hui, qui est consacré à L’Observateur et à son 35e anniversaire, n’est qu’un juste retour des choses.

En effet, voilà plus de huit (8) ans que cette page a été mise à notre disposition. Nous en usons et parfois en abusons. Cependant, la compréhension de la part des équipes administrative et rédactionnelle ne nous à jamais fait défaut. Mieux, les confrères "se farcissent" bien de fois les corrections de fond et de forme de nos articles pour les rendre plus croustillants. C’est dire que la qualité de certains papiers est bien au-delà de nos facultés réelles.

Cela étant, "Non aux nominations de complaisance" de l’opposition sous la IIIe République, est, par exemple, un titre d’article des années 70, qui trottait encore dans notre tête alors que nous étions à la fin de l’adolescence. En ce temps-là, nous ne savions pas qu’un jour nous aurions l’honneur de lire et de faire lire des articles écrits par nous dans ce quotidien.

"Grosso modo", "Radio Kankan"... sont aussi des expressions que le lycéen que nous étions a connues et était à même d’expliquer grâce à L’Observateur.

A l’évidence, nous ne sommes pas la seule personne dont le journal a accompagné l’adolescence. D’autre comme nous sentent certainement resurgir en ce 35e anniversaire du quotidien la même chose.

C’est d’autant plus vrai que nous nous souvenons de certains de nos anciens condisciples qui fréquentaient les poubelles du proviseur du lycée Zinda Kaboré, Sibiri Pascal Kaboré, à la recherche des vieux numéros dont le maître des lieux de l’époque se débarrassait.

Alors que Kibaré venait, hélas, de mettre la clé sous le paillasson, ce quotidien qui naissait n’était pas forcément promis à une belle aventure : l’éventail du lectorat était étroit, tout le monde était loin de connaître l’importance réelle d’un journal.

Mais au fil des ans, il s’est imposé et si bien imposé que nombre de compatriotes pensaient, parce qu’illettrés, que L’Observateur était synonyme de journal tout court.

Nous en avons eu la preuve quand un de nos oncles maternels, pour attester que le général William Kwasi Akuffo (alors président du Ghana) n’était plus au pouvoir, nous suggéra de lire L’Observateur.

En fait, il parlait de Carrefour Africain. Quand nous lui fîmes comprendre que ce sont deux journaux différents, il confessa : "Pour moi, tout journal s’appelle L’Observateur". Quelle histoire !

De l’admiration aux velléités de manipulation et à l’autodafé

Dans la seconde moitié des années 70, le mouvement communiste international traversait une nouvelle crise interne, consécutive à la rupture entre la Chine et l’Albanie. Ses conséquences en Haute-Volta ont été les scissions au sein :

de l’Organisation communiste, voltaïque (PCRV#ULC) ;
l’Union générale des étudiants voltaïques (UGEV-M21#UGEV dite orthodoxe) ;

l’Association scolaire de Ouagadougou (Comité exécutif#Comité provisoire).

"Mais où est donc la place de L’Observateur dans tous ça ?" me demanderez-vous. Dans certains cercles des deux camps (ULC, UGEV-M21 et Comité exécutif d’un côté, PCRV, UGEV dite orthodoxe et Comité provisoire de l’autre), le débat à l’ordre du jour était de voir comment L’Observateur, cet "organe de propagande bourgeois et un des piliers des vestiges des forces féodales", pouvait être utilisé pour accréditer la thèse de la victimisation gratuite de certains Voltaïques par la IIIe République, propager insidieusement et sournoisement le communisme, et provoquer l’avènement de la révolution. Le Parti africain de l’indépendance (PAI), qui était (est ?) un parti communiste s’inscrivait dans la même logique.

En fait, l’objectif de cette mouvance (à laquelle nous appartenions) était d’utiliser les "espaces de liberté bourgeoise", dont le journal était l’une des expressions éclatantes, pour déclencher l’avènement de la Révolution (démocratique et populaire pour l’ULC, nationale démocratique et populaire pour le PCRV et populaire de libération nationale pour le PAI) et ensuite se retourner contre ces "espaces bourgeois de liberté" afin d’éviter toute "tentative de restauration de l’ordre bourgeois".

Le plan a réussi à la perfection : parce que le quotidien avait une haute idée de la liberté, il accordait la parole à tous ; et parce qu’il accordait la parole à tous, ses pages furent exploitées abondamment par les idéologies de tout bord sans oublier la couverture (faite par le journal) des manifestations des groupuscules communistes à travers leurs vitrines légales.

Et ce qui devait arriver arriva à la faveur de la Révolution démocratique et populaire, puisqu’ils l’incendièrent le 10 juin 1984 quand ils n’en avaient plus besoin pour l’agit-prop révolutionnaire (RDP).

Flux et reflux vis-à-vis de L’Observateur

En dépit de tout cela, L’Observateur, à sa renaissance en 1991, a suscité des espoirs :

ceux qui avaient eu l’occasion de le lire dans les années 70 et dans la première moitié des années 80 étaient bien contents de le revoir dans les kiosques même si certains gardiens du temple révolutionnaire et dirigeants allergiques à la critique ou simplement à la différence de points de vue le pourfendaient à longueur de journée.

Mais c’était ça aussi le métier de journaliste en démocratie libérale : chatouiller ceux qui, du fait du nombrilisme de leur ego, ne supportent pas d’autres voix que la leur ; dénoncer ce qui apparaît clairement comme le contraire des lois qu’on s’est prescrites.

Ceux qui l’adoubaient n’étaient pas non plus désintéressés. Ainsi, on a pu remarquer qu’en fonction des intérêts du moment, les jugements changeaient vis-à-vis de L’Observateur tandis que le journal s’efforçait de demeurer lui-même :

sous la période transitoire, les militants de la Coordination des forces démocratiques (CFD), qui réclamaient une conférence nationale souveraine (CNS), étaient bien satisfaits par le travail de L’Observateur malgré son souci légendaire de l’équilibre ;

dans la crise consécutive à l’assassinat de Norbert Zongo, ce sont les mêmes qui, au sein du Collectif de lutte contre l’impunité, ont traité L’Observateur de tous les noms ; jusqu’à faire écrire dans Le guide du routard qu’il est un journal progouvernemental. Aujourd’hui, au regard de ce qui se passe, ils semblent revenir à de meilleurs sentiments.

C’est tant mieux et la bonne preuve, s’il en est encore besoin, que cette publication est restée la même, équilibrée et équitable et que ce sont les lecteurs qui la lisent à l’aune de leurs intérêts et de leur positionnement du moment.

En tout état de cause, il ne faut pas leur en vouloir (nous sommes convaincu que ce n’est pas le cas du journal), car l’essentiel dans une collectivité, ce n’est pas qu’il n’y ait pas de désaccord mais qu’en cas de désaccord, en verbe ou en fait, on se pardonne ou on s’accepte.

A l’évidence, c’est le cas. A trente-cinq ans, L’Observateur est devenu, quoi qu’on puisse en dire, une Institution et c’est tout le Burkina qui en est fier. Mais, comme l’a dit Jacques Chirac (ancien président français), "Les anniversaires ne valent que s’ils constituent des ponts jetés vers l’avenir". Alors, confrères de L’Observateur, que ce soit le cas.

Z.K.

L’Observateur

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