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Lutte contre la vie chère : Faire appel à la solidarité nationale

Publié le lundi 14 avril 2008 à 12h00min

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Le phénomène de la vie chère continuera longtemps de hanter la nuit des populations et des autorités politiques de notre pays, ainsi que celle des consommateurs à faible revenu du reste du monde.

La grève observée les 8 et 9 avril derniers par les travailleurs burkinabè à l’appel des syndicats est venue mettre une fois de plus le doigt sur la réalité, après les émeutes et les casses contre la vie chère de février 2008 dans les villes de Bobo-Dioulasso, Banfora, Ouahigouya et Ouagadougou qui, de triste mémoire, ont porté des stigmates sur le corps meurtri de la Nation. Contre un phénomène mondial qui pèse encore plus durement sur les pays à faible revenu comme le nôtre, les syndicats, après le secteur informel, ont choisi l’épreuve de force contre le gouvernement en avançant des revendications à satisfaire hic et nunc sous peine de récidiver, comme si le Burkina Faso était devenu brusquement un pays de cocagne dont il reste à partager les richesses.

Deux jours durant donc, notre pays a été placé sous les feux de l’actualité nationale et internationale, confirmant la propension jusque-là non démentie du Burkina à surmédiatiser ses événements socio-politiques, comme si ça n’arrivait qu’à nous seulement. Grévistes et gouvernement, chacun de nos jours fait ses comptes et tire ses bilans. Du côté des syndicalistes, le bilan de leur mouvement est jugé largement positif, les travailleurs dans leur grand ensemble ayant, selon eux, bien suivi le mot d’ordre de grève. Le gouvernement, pour sa part, estime le taux de participation global inférieur à 20% dans le secteur public avec une participation plus élevée dans les domaines de la santé, de l’action sociale et de l’enseignement. Les responsables syndicaux, furieux de voir le gouvernement minimiser l’impact de leur lutte, menacent de durcir leur position, notamment avec le 1er-Mai qui se profile à l’horizon. Au-delà de ces statistiques controversées sur la grève des 8 et 9 avril, une question se pose : a-t-on avancé dans la lutte contre la vie chère ?

Alors que le prix du brut a atteint le 9 avril dernier à New-York un record historique de 112 dollars le baril, contre 50 dollars en janvier 2007, l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) annonce que la crise céréalière qui s’installe va frapper durement une trentaine de pays pauvres, provoquant des émeutes de la faim. Nous sommes prévenus. Car la situation de raréfaction et d’inflation risque bien de perdurer pour un certain temps encore. Les récoltes dans notre pays se situant généralement au mois d’octobre, nous risquons de traverser encore six mois d’incertitude, avant que les paysans n’engrangent les récoltes dans leurs greniers, avec la bénédiction du ciel. Le gouvernement dit cependant avoir pris les dispositions, et rassure les consommateurs face à des rumeurs faisant état de pénurie de riz notamment.

Les réponses apportées par l’exécutif à la plate-forme revendicative qui contient six points ne semblent pas satisfaire les syndicats : il s’agit du relèvement des salaires et pensions au taux de 25% pour compter de janvier 2001, de la réduction significative et effective des prix des produits de première nécessité, de la réduction des taxes sur les produits pétroliers et sur les prêts bancaires, du relèvement des premières tranches de l’eau et de l’électricité, de l’application des accords issus des négociations gouvernement/syndicats et de l’examen de la plate-forme d’action de la coalition nationale contre la vie chère.

Le gouvernement sur ces points de revendication se montre ouvert, tout en rappelant les efforts déjà fournis, à savoir le relèvement des salaires d’avril 2007, la prolongation à six mois de la durée des mesures de suspension du droit de douane et de la Taxe à la valeur ajoutée (TVA), le relèvement des premières tranches de l’ONEA et de la SONABEL à 8m3 et à 75 KWH. En tout état de cause, il donne rendez-vous aux syndicats aux prochaines négociations gouvernement/syndicats et à l’évaluation de l’état d’avancement des points d’accord au mois de mai prochain. Sur le cas de l’augmentation des salaires qui semble cristalliser les attentes et les passions, le Premier ministre dans son discours sur la situation de la Nation prononcé le 26 mars dernier a rappelé que les estimations dans notre pays situent le ratio masse salariale sur recettes fiscales à 47% pour une norme communautaire de 35% maximum.
A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.

Le Burkina Faso, dans cette circonstance, peut-il néanmoins décider tout seul de passer outre mesure et de fouler au pied les critères de convergences et les normes communautaires sans conséquences ? Gouvernants et représentants des travailleurs et des consommateurs devraient sans tarder prendre langue et éviter des mesures et des attitudes isolées et radicales, susceptibles de créer plus de problèmes à notre économie. Une harmonisation des points de vue et des stratégies s’impose donc pour faire face à la situation.
Dans un contexte de paupérisation, la solidarité nationale devrait, pour ainsi dire, être mise en exergue pour mettre fin à ce que les syndicats des travailleurs qualifient de “vie à deux vitesses”, en réduisant davantage encore le train de vie de l’Etat et de ses représentants les plus nantis.

La discorde et la violence ne sont pas de nature à consolider les fondements de l’Etat de droit et de la paix sociale dans notre pays. Aussi des solutions idoines et durables devraient-elles être trouvées pour permettre que les marmites continuent de bouillir dans les foyers tout en préservant le fragile équilibre macro-économique de notre pays dans la sous-région. Cette situation, du reste, interpelle tout un chacun, autorités comme citoyens producteurs et consommateurs du Burkina et des pays d’Afrique dans leur ensemble, à une introspection sur l’avenir de nos économies extraverties, incapables de nourrir prioritairement nos populations, habituées de nos jours à consommer des biens importés.

Comme un tonneau des Danaïdes, la croissance économique du Burkina Faso, au vu de la forte croissance démographique explosive, est absorbée et anéantie par les 13,5 millions d’habitants que compte le pays de nos jours, contre seulement 5 millions en 1970. Non seulement notre pays devrait par conséquent augmenter fortement sa production, notamment agricole comme le recommande la Banque mondiale dans son rapport 2008 sur le développement dans le monde, mais encore il lui faudrait apprendre à consommer ce qu’il produit et produire ce qu’il consomme pour éviter de dilapider ses maigres ressources à l’extérieur et d’importer l’inflation. Le riz de Bagré et du Sourou produits chez nous, tout comme le sucre des Cascades nous coûtent de nos jours moins cher que le riz et le sucre importés, mais ne semblent pas attirer grand monde malgré leur qualité gustative et leur valeur nutritive avérées. Une telle orientation économique, sociologique et mentale absurde, au-delà de la vie chère de cette année, annonce des lendemains de catastrophe et de malheur si l’ensemble de la communauté nationale ne prend conscience et opère un sursaut salutaire.

Par Jean-Paul KONSEIBO

Sidwaya

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