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Grève de 48 heures : Même les patients à Yalgado sont en grève

Publié le mercredi 9 avril 2008 à 12h43min

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Après l’échec des négociations entre syndicats et gouvernement, le mot d’ordre de grève lancé pour les 8 et 9 avril 2008 sur l’ensemble du territoire national a été maintenu. Depuis hier donc, l’arrêt de travail de 48 heures est en marche. En attendant les chiffres sur la participation, que les deux (2) parties livreront, nous avons fait le tour de la ville de Ouagadougou pour constater l’impact de ce mouvement social.

Des établissements financiers à l’hôpital Yalgado-Ouédraogo en passant par le lycée Philippe-Zinda- Kaboré et le marché Sankariaré ... on peut dire que la grève est suivie dans une certaine mesure par les travailleurs mais non par les commerçants, qui, aux premières heures de la journée, ont baissé leurs rideaux, sans doute par mesure de prudence avant d’exercer librement leur métier.

14 mars 2008 . Les centrales syndicales et les syndicats autonomes signent un préavis de grève, prévue du 8 au 9 avril, pour exiger du gouvernement l’examen et la satisfaction de leur plate-forme revendicative, comprenant les six points suivants :

- augmentation des salaires ;
- réduction significative et effective des prix ;
- réduction des taxes et suppression de la TVA sur les prêts bancaires ;
- relèvement des premières tranches de l’ONEA et de la SONABEL respectivement à 10 m3 et à 75 kwh ;
- application immédiate des points d’accord issus des négociations de novembre 2007 ;
- examen diligent de la plate-forme d’action de la Coalition contre la vie chère.

4 avril. Trois membres du gouvernement, les ministres Jérôme Bougouma du Travail, Mamadou Sanou du Commerce, et Abdoul Kader Cissé de l’Energie, rencontrent les responsables des organisations syndicales pour leur livrer les réponses de l’Exécutif à leurs revendications. A l’issue de la rencontre, la date du 7 avril a été retenue pour un autre face-à-face.

Mais séance tenante, les organisations syndicales ont jugé que le gouvernement n’a pas répondu favorablement à leurs doléances : "Mis à part le relèvement des premières tranches de l’ONEA et de la SONABEL, qui satisfait en partie notre revendication, et la promesse d’examiner favorablement la suppression de la TVA sur les prêts bancaires, les points n’ont pas reçu de réponses satisfaisantes", pouvait-on lire dans le communiqué de presse des syndicats.

Les pourparlers ayant échoué

Lundi 7 avril, soit la veille de la grève annoncée, le gouvernement organise un point de presse pour s’expliquer davantage sur les réponses apportées à la plate-forme. Les pourparlers ayant échoué, les 8 et 9 avril ont été maintenus comme jours de grève au Burkina. Hier dans la matinée, la circulation était comme d’ordinaire dans les quartiers périphériques. Mais au fur et à mesure que l’on s’approchait du centre-ville, l’ambiance n’était pas celle de tous les jours.

Les policiers municipaux, qui veillent habituellement au respect des feux tricolores, étaient absents. Les hommes de tenue qui étaient en ville sont des élèves-policiers, postés par mesure de sécurité dans des endroits stratégiques. Au grand marché, beaucoup de commerces étaient fermés sans doute par mesure de précaution, car on a encore en mémoire la journée ville morte du 28 février 2008, qui s’est transformée en affrontements entre forces de l’ordre et manifestants contre la vie chère, en destructions de biens publics et privés.

La BICIA-B a préféré baisser ses grilles sous la surveillance des vigiles. La Banque commerciale du Burkina (BCB), elle, à 10 heures, avait tous ses guichets ouverts. Le Directeur des Ressources humaines étant en mission, c’est le chef du service des ressources humaines, Abdoulaye Tao, qui nous déclare que tout fonctionne bien et qu’il est en train de faire le point de la situation dans les autres agences. Le délégué du personnel, Noufou Ouédraogo, s’est refusé, lui, à tout commentaire. La raison à cela, nous a confié un employé de l’institution, son mandat est arrivé à expiration et il y a un vide juridique. Il n’y a donc pas de structure syndical bien organisée, au dire de ce dernier, ce qui fait que chacun est à son poste.

A la Société générale de banques du Burkina (SGBB) régnait un calme plat. Le parking à motos était presque désert. Les petits vendeurs qui exercent aux alentours devisaient tranquillement. Les affaires ne semblaient pas marcher ce jour.

A l’intérieur de l’établissement, les guichets étaient ouverts. Mais les clients ne s’y bousculaient pas à notre passage. Nous cherchons à entrer en contact avec le délégué du personnel. Sur l’escalier qui mène à son bureau, un agent nous dit qu’il est absent et nous suggère de voir un certain Alain Sanogo.

Dix minutes d’attente. Celui-ci sort enfin pour dire qu’il n’est pas disponible s’il s’agit d’échanger sur le mouvement de grève. Le Directeur des ressources humaines non plus n’est pas accessible. Au téléphone, une dame nous indique qu’il est en réunion avec le directeur général. Passons. A la BACB, l’ambiance était également morose quoique ce soit aux environs de "12 heures", heure de descente, que nous y étions de passage.

Aucun cours au Zinda

Au lycée Philippe-Zinda-Kaboré (le plus grand de la ville et même du pays), dans la salle des professeurs, aucune âme qui vive. Seuls quelques élèves en classe d’examen s’exercent devant les tableaux. A l’administration, les deux censeurs, Franck Bonané et Abdoulaye Ky, font remarquer que les élèves sont venus pensent qu’il y aurait cours, contrairement aux professeurs, dont quelques-uns se sont présentés sur un effectif de 205.

"Des classes d’examens avaient des devoirs, mais face à la menace des autres élèves de les déloger, nous avons préféré les libérer pour parer à toute éventualité", a indiqué le dernier cité avant de confesser son impuissance. "L’Administration a tout fait pour que les cours se tiennent, mais à l’impossible nul n’est tenu". Au temple du savoir, à l’université de Ouagadougou, le mouvement était de toute évidence suivi.

"Les malades sont en grève"

Il est 11 h à l’hôpital Yalgado-Ouédraogo. Dans le premier service qui nous accueille, les urgences traumatologiques, la grève est suivie à 100%, selon le coordonnateur de l’unité de soins, Sana Compaoré. 9 inscrits sur titre y ont été réquisitionnés. La seule consolation pour ce responsable, c’est que, selon lui, il n’y a pas d’affluence contrairement aux jours précédents.

Comme si, conscients qu’il n’y aurait pas de praticiens pour soulager leurs maux, les patients hésitaient à venir à l’hôpital. En tout cas, c’est ce même constat que nous avons fait aux urgences médicales : "De 8 heures à 11 heures, nous n’avons reçu que 2 nouveaux malades alors que d’habitude on en reçoit au moins une vingtaine", fait remarquer Mariam Sanou, faisant fonction d’interne avant d’ironiser. "Ici, même les malades sont en grève". Selon la directrice de l’hôpital, Christine Naré, l’armée et les inscrits sur titre ont été mis à contribution pour faire face à la situation.

Quant aux commerçants, par mesure de précaution, ils ont gardé leurs boutiques fermées dans les premières heures de la journée avant de les ouvrir, parfois timidement, même si de grands commerces à l’image de Marina Market sont restés fermés du matin au soir.

"Si c’est une marche, nous fermons"

Vers 12 heures, le marché Sankariaré grouillait de monde au grand bonheur du régisseur Binta Sawadogo, qui s’est empressée de nous dire : "Le marché ouvert à 7 heures. Après quelque temps d’hésitation, les commerçants ont ouvert leurs boutiques et tout fonctionne bien depuis 9 h 30 comme vous le constatez vous-même". Le vendeur de mangues, Amadou Zongo dit Ivoirien a fait une différence entre une grève et une marche : "Si c’est une marche, nous fermons nos boutiques pour nous joindre aux manifestants. Mais une grève, c’est l’affaire des fonctionnaires".

Issouf Ouédraogo pense plutôt que si des commerces sont ouverts, c’est parce que les syndicats des commerçants n’ont rien donné comme mot d’ordre, sinon ils sont aussi concernés.

Alidou Ouédraogo, vendeur de chaussures, dit comprendre la situation, mais qu’il est venu au lieu de vente par nécessité : "Nous ne sommes pas contents de la vie chère, les mesures du gouvernement n’y ont rien changé ; pour preuve, allez acheter du riz, du sucre ou de l’huile, vous serez déçu. Mais si nous sommes-là pour vendre, c’est parce que nous ne voulons pas en rajouter à notre souffrance, étant donné que nous arrivons à peine à nourrir nos familles. Il faut que l’Etat réagisse vigoureusement, car l’heure n’est plus aux discours" a-t-il martelé sous les acclamations de ses camarades.

Quoi qu’on dise, donc la grève a quelque peu affecté la vie économique de la capitale. A en juger par le constat qu’on a fait sur la rue El Hadj Sibiri-Ousmane-Ouédraogo, qui va de la LONAB à la grande mosquée de Ouagadougou en passant par le siège de "L’Observateur" et le marché de colas. En effet, sur cette bretelle, transformée en marché où, en temps normal, la circulation est infernale à cause des embouteillages dus aux commerçants qui chargent et déchargent leurs marchandises à tout moment, on a retrouvé hier la joie de circuler. Un baromètre qui ne trompe pas.

A la Bourse du travail, c’était comme un jour de fête. Des baffles géants bien orientés sur les voies distillaient de la musique engagée, notamment celle de Tiken Jah Fakoly. Leaders syndicaux et militants devisaient sous les tentes qui avaient été installées pour la circonstance. Selon le secrétaire général de la Confédération syndicale burkinabè, Mathias Liliou, le mouvement a été bien suivi.

A en croire le secrétaire général adjoint de la CGT-B Kadiogo, Etienne Convolbo, bien de sociétés ou de services dans notre capitale étaient fermés ou ont eu leur personnel absent à plus de 90%. Seraient de ceux-là Hage industrie, Latex Foam, Prodia, Junteng, la BIB, la BICIA-B et nous en oublions. Selon la même source, dans des villes comme Léo, Dori, Fada, le mouvement a été bien suivi.

Mais pour une évaluation exhaustive de ce mouvement social, il faudrait certainement attendre les jours à venir, où syndicats et gouvernement ne manqueront pas de faire le point, même si leurs chiffres n’ont jamais concordé.

Adama Ouédraogo Damiss
Abdou Karim Sawadogo
Alima Koanda (stagiaire)
L’Observateur

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