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Geneviève S.L. AH-SUE, représentante-résidente de l’UNFPA

Publié le vendredi 14 septembre 2007 à 08h15min

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Geneviève S.L. AH-SUE

Après quatre années de séjour au Burkina Faso, la représentante-résidente du Fonds des Nations unies pour la population, Geneviève S.L. AH-SUE est en fin de mission.

Elle qui dit quitter le pays des Hommes intègres avec tristesse, tant la population est admirable et se bat avec stoïcisme face à la rigueur de la nature, fait le bilan de son séjour en retenant que le Burkina progresse et est devenue une référence dans plusieurs domaines.

Sidwaya (S.) : Après quatre années passées au Burkina Faso à la tête de l’UNFPA, quel bilan pouvez-vous faire de la coopération entre votre organisation et le pays ?

Geneviève S.L. AH-SUE (G.A.S.) : Entre le moment où je suis arrivée au Burkina en 2003 et maintenant où je pars en 2007, j’ai pu constater qu’il y a une excellente collaboration entre le gouvernement du Burkina Faso et l’UNFPA, le Fonds des Nations unies pour la population. Au-delà du gouvernement, je crois que la collaboration avec tous les partenaires civils, les partenaires bilatéraux, les partenaires multilatéraux, tout le monde partage le même souci de promouvoir le bien-être de la population et améliorer la qualité de vie des populations.

Le bilan est positif. J’espère avoir pu apporter ma modeste contribution dans la lutte contre la pauvreté que le Burkina mène actuellement. Plus spécifiquement, durant ces quatre années, comme exemple concret, le Burkina Faso a pu mener son quatrième recensement de la population. C’est un des rares pays de l’Afrique qui ait pu mener son recensement de la population et de l’habitation, surtout la quatrième du genre. Le Burkina est l’un des rares pays qui a respecté l’intervalle décennale de recensement des populations.

Le dernier recensement de la population a été mené en 2006 et les données sont en voie d’exploitation. D’ailleurs, les résultats préliminaires ont été diffusés et sont maintenant disponibles. Ce qu’il faut souhaiter maintenant, c’est une bonne utilisation de ces données dans les plans et programmes de développement. Autres exemples concrets de ce qu’on a pu accomplir avec la partie nationale, c’est l’amélioration dans la prise en charge des soins obstétricaux pour améliorer la santé de la femme. Aussi, beaucoup d’efforts ont été consentis pour accorder des subventions afin que les accouchements soient fait à moindre coût, pour que les consultations prénatales soient gratuites, que les grossesses deviennent sans danger et que les accouchements se fassent à moindre risque. Autre point que je voudrais souligner, c’est qu’entre 2003 et 2006, le gouvernement a fait d’immenses efforts pour la sécurisation des contraceptifs.

Ainsi, en 2003, une enquête a été mené au niveau mondial dans 53 pays et à ce moment là, selon quelques indicateurs qui ont été utilisés pour classer les pays, le Burkina était classé à l’époque 52 sur 57 pays. Le Burkina n’était pas dernier mais il y avait du chemin à faire. Et on constate que ce chemin à faire on l’a parcouru de sorte qu’en 2006, sur 63 pays, le Burkina est classé 40e. On peut dire donc qu’il y a eu des avancées pour que la population puisse choisir, obtenir et utiliser une variété de méthodes contraceptives de bonne qualité quand elle veut. Il y a aussi le développement de la politique nationale en genre. Ceci je crois, est une étape très importante quand on sait le rôle que peut jouer la femme dans le développement.

Mais ce n’est pas uniquement la femme, c’est la femme avec l’homme, c’est-à-dire que l’on puisse promouvoir l’égalité entre l’homme et la femme qu’ils aient des droits égaux, qu’ils aient l’accès équitable aux différentes composantes du développement.
Et je crois qu’il y a une autre étape très marquante, c’est l’évolution dans la participation des jeunes au développement. Avec la création du ministère de la Jeunesse et de l’Emploi, je crois que c’est un signe fort de l’importance qui est accordé aux jeunes par le gouvernement pour que ces jeunes puissent se prendre en charge, puissent participer très activement dans le processus de développement du pays et ainsi contribuer à améliorer les conditions de vie. Ce sont là quelques exemples, je crois qu’il y en a beaucoup plus que j’ai oubliés.

S. : Vous êtes à la fin de votre mandat au Burkina. Au vu du bilan que vous venez de faire, avez-vous le sentiment d’un devoir bien accompli ?

G.A.S. : J’espère l’avoir accompli ; je vais laisser le choix aux autres de l’apprécier. Mais personnellement, j’ai eu des satisfactions professionnelles d’avoir apporté ma contribution dans les domaines que j’ai cité tout à l’heure. Je pense que de plus en plus, le Burkina Faso devient une référence que ce soit en sécurité contraceptive, en recensement, dans la promotion de la participation des jeunes, dans les programmes de lutte contre le VIH et les infections sexuellement transmissibles. Je crois qu’il y a beaucoup de chantiers qui sont en cours au Burkina. Il y a encore beaucoup à faire, mais je crois que le départ est bon.

S. : Au moment où vous quittez le pays, de nombreux défis restent à relever en matière de population. Pensez-vous qu’il y a des choses que vous auriez dû faire que vous n’avez pas pu ?

G.A.S. : Je pense que toutes les actions en ce qui concerne la population sont des actions à mener à long terme. Comme vous savez, l’UNFPA est au Burkina depuis plus d’une trentaine d’années et la lutte continue.
Les questions de population touchent vraiment aux valeurs profondes des individus, des familles, des sociétés. Il y a donc un travail de profondeur à mener, c’est quelque chose qui demande du temps et je crois qu’il faut prendre le temps de le faire et surtout, qu’il faut être très sensible et très attentif à la culture du pays afin que les comportements que l’on voudrait obtenir viennent de la population elle-même et ne soient pas imposés de l’extérieur. Et notre rôle, c’est d’accompagner le gouvernement, la société civile, les individus, les familles pour apporter un changement et améliorer leur bien-être.

S. : Le Burkina Faso connaît plusieurs inondations en cette période de l’année. Que compte faire votre organisation pour voler au secours des populations sinistrées ?

G.A.S. : Le Burkina Faso est un des pays qui est sujet à des aléas climatiques qui soient quand même assez sévères. Et il y a donc les inondations récemment. Vous savez, l’UNFPA travaille beaucoup en partenariat avec les autres agences du système des Nations unies et aussi avec les autres partenaires techniques et financiers. Dans le cas des inondations, j’assurais l’intérim de la coordination du système des Nations unies et nous sommes très attentifs à ce qui se passe. Toutes nos compassions vont aux sinistrés. Nous allons essayer de faire le maximum en conjuguant nos efforts. C’est en conjuguant nos efforts qu’on arrivera à faire une plus grande différence. Si on continue de travailler en isolément, agence par agence, je crois que l’impact sera moindre.

S. : Donc, on doit s’attendre incessamment à une aide dans les jours à venir ?

G.A.S. : Je pense que le gouvernement fait déjà beaucoup. Il n’y a pas que le gouvernement, je vois qu’il y a un esprit de solidarité qui est particulier et extraordinaire au Burkina Faso. Je lis les journaux, quand je vois que spontanément les populations viennent en aide aux sinistrés, c’est quelque chose qui est à saluer. En ce qui concerne le système des Nations unies, le ministère de l’Action sociale nous a informé de leurs besoins par exemple en tentes pour que les sinistrés qui sont dans les écoles puissent avoir un abri décent et que les élèves puissent reprendre l’école à la rentrée scolaire 2007-2008. Le système des Nations unies s’attelle à répondre à ces besoins selon ses moyens limités.

S. : La réforme des Nations unies est actuellement en cours au Burkina Faso. Avez-vous mis votre organisation dans le processus ?

G.A.S. : La réforme des Nations unies est actuellement est une réalité. Tout agence qui ne s’insère pas dans cette dynamique sera laissée un peu pour compte. Je dois dire qu’au Burkina Faso, toutes les agences du système des Nations unies se sont insérées dans cette dynamique avec enthousiasme. Et depuis 2006, on voit une accélération de ce processus parce que nous avons déjà ce qu’on appelle le Programme-cadre de coopération du système des Nations unies au Burkina Faso. Des agences du système des Nations unies dont le PNUD, le PAM, l’UNICEF, l’UNFPA et l’OMS ont développé des programmes qui ont démarré ensemble en 2006.
Ce cadre de coopération est d’ailleurs inspiré du cadre stratégique de lutte contre la pauvreté. On estime qu’à travers des processus qui sont bien emboîtés, on contribue vraiment à réformer, à travailler autrement et à lutter contre la pauvreté au Burkina Faso.

S. : Quelles perspectives de la coopération entre le Burkina Faso et l’UNFPA ?

G.A.S. : Tant que le besoin se fera sentir, je crois qu’on sera aux côtés du gouvernement et de la société civile. L’important est qu’on obtienne des résultats et qu’on aboutisse à une justice sociale et une égalité de chance entre tous. Nous continuerons de lutter aux côtés de la population pour que chaque accouchement soit à moindre risque. Nous lutterons pour que chaque grossesse soit désirée, je pense par exemple aux avortements qui se passent au Burkina. Pourquoi ces avortements ? C’est parce que ces grossesses ne sont pas désirées ! Il faudrait qu’on lutte vraiment pour que les grossesses soient désirées. La lutte continuera pour que les jeunes soient protégés du VIH et des IST, pour que chaque fille, chaque femme vive dans la dignité et le respect ; autant de chantiers qu’on partage avec d’autres au Burkina Faso.

S. : Où allez-vous déposer vos valises après le Burkina Faso ?

G.A.S. : C’est avec vraiment beaucoup de tristesse que je quitte le Burkina après plus de quatre ans.
Dès qu’on met le pied sur le sol burkinabè, on devient un peu Burkinabè. Et c’est vraiment avec tristesse que je vais quitter le pays, mais je sais que le pays est bien lancé dans son développement. Ce que je vais faire, c’est prendre l’expérience, j’ai acquis une expérience incroyable ici, l’amener avec moi et essayer de faire profiter à d’autres pays. D’ici, je vais au Maroc en tant que représentant-résident à Rabbat et je vais aussi par la même occasion, être directrice de pays pour la Tunisie. Donc, je couvrirai deux pays. C’est vraiment avec un pincement au cœur que je quitte le Burkina, ce pays formidable.

S : Quel souvenir gardez-vous du pays des hommes intègres ?

G.A.S : La vaillance des populations m’a le plus marqué. La population fait face à beaucoup d’aléas climatiques qui ne sont pas très favorables, elle fait face aux adversités naturelles qui arrivent comme les inondations que vous avez mentionné, la sécheresse en d’autres temps. Mais la population continue de se battre. Et la façon de se battre avec stoïcisme est un souvenir que je garde. J’ai gardé un excellent souvenir de la qualité humaine que j’ai vue ici. C’est sûr que je reviendrai au Burkina Faso. J’espère que quand je reviendrai dans quelques années, je trouverai encore d’autres transformations vers le développement, les gens seront capables de se prendre en charge, de sortir de la pauvreté.

S : Vous avez collaboré avec une ONG à savoir l’Association burkinabè pour le bien-être familial (ABBEF) ; est-ce qu’il y a des perspectives au moment où vous quittez le pays ?

G.A.S : L’Association burkinabè pour le bien-être familial est une association qui est affiliée à l’IPPF. Le partenariat entre l’IPPF et l’UNFPA remonte aux années soixante dix déjà. L’IPPF est l’un des pionniers de la promotion de la planification familiale. Nous défendons les mêmes causes et dans les pays en développement, nous travaillons avec les associations qui sont affiliés à cette institution.

Au Burkina, nous collaborons avec l’ABBEF très étroitement et nous collaborons de plus en plus parce qu’ils ont des compétences et on travaille en synergie pour qu’on puisse avoir un meilleur impact. Je prends par exemple, l’ABBEF qui a des programmes « Jeune pour jeune ». Les jeunes constituent une tranche importante de la population au Burkina Faso, plus de 60% de population a moins de 24 ans. L’ABBEF avec son programme « Jeune pour jeune », arrive à connecter avec les jeunes et ça c’est très important. Les jeunes ont cette particularité où il faut qu’il y est une connexion très étroite car le langage des jeunes est un peu différent. L’ABBEF a développé une certaine compétence dans ce domaine et on va continuer à travailler avec eux dans ce sens à l’intention des jeunes.

Nous recherchons des associations qui ont développé des connaissances et des aptitudes dans un domaine donné et on les accompagne. De la même façon, L’UNFPA accompagne aussi le gouvernement. Pour le gouvernement c’est vraiment le développement des politiques appropriées pour qu’on puisse faire la différence. Je voudrais vraiment dire que mon séjour au Burkina Faso a été satisfaisant. C’est mon premier poste comme représentant de l’UNFPA dans un pays et c’était un privilège d’avoir servi au Burkina Faso. Et je souhaite que l’on puisse continuer dans les chantiers qui sont lancés, qu’on puisse continuer à dialoguer. Je suis convaincu que le Burkina Faso deviendra un des pays de référence dans le développement social et économique.

Ali TRAORE (traore_ali2005@yahoo.fr)
Ignance Bationo (Stagiaire)

Sidwaya

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